Drucker, menu ordinaire
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Drucker, menu ordinaire
GRILLES SUR LE GRIL
Le Soir (Belgique), le 23 novembre 1998 P. Ma.
Lui est à la composition ce que Bill Gates est à la micro-informatique : une formidable machine à inventer, poussée au train par un marketing d'enfer, déclencheur de rêves et de tiroir-caisse. Elle, elle est à la chanson ce que le robot-ménager est à l'art culinaire : une formidable machine à prémâcher musiques et paroles en une bouillie doucement épicée, piquante sans être nourrissante. Jean-Jacques Goldman et Céline Dion sont présents dans nos vies aussi sûrement qu'une célèbre limonade à base de caféine : si un verre ne peut faire de tort, la surconsommation ménage gravement le système nerveux.
Quand Michel Drucker déroule le "Tapis rouge" sur France 2, c'est une véritable batterie de lieux communs, de situations convenues et de compliments à trois sous qui se met en branle. La mariée est belle ! Le président a une de ces prestances! L'orateur a une belle intelligence ! Eh bien! chez Drucker, Goldman est génial et Dion est merveilleuse ! Devant un tel menu, toute la France - et les malheureux rattachistes cathodiques que nous sommes - se met au goût d'une époque qui confond la bisque de homard avec la soupe en sachet, Bocuse avec McDonald's. Drucker, auquel un professionnalisme sans faille donne le brillant glacé d'un évier en inox, n'a plus qu'à garnir la grosse pièce pour la mettre en valeur : un zeste de Coluche, une cuiller à café de vieux potes, un doigt d'humour. Cabotinage à volonté.
Que Céline Dion défende corps et âme ses chansons est incontestable. Que JJ Goldman ait du talent va de soi. Mais pourquoi faut-il que ce qui plaît au grand nombre soit forcément ce qui est bon, que ce soit toujours les mêmes plats qui repassent.
Jean-Jacques a autrefois écrit pour Johnny une superbe chanson : "L'Envie". L'envie de Céline est aujourd'hui d'aller voir ailleurs. Le temps sans doute que nous digérions tout ce sucre. Burp !
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