Obispo-Goldman : les rivaux du show-biz
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Obispo-Goldman : les rivaux du show-biz
VSD, 5 août 1999
Article de Pascale Tournier
Retranscription de Mélanie Maratrat
Ces deux auteurs-compositeurs conquérants sont courtisés par les plus grandes stars de la chanson. Lequel va gagner ?
Le maître, Jean-Jacques Goldman, a fait de Céline Dion une star, remis à flot Johnny Hallyday, renouvelé le répertoire de Patricia Kaas et fait entrer Khaled dans le top 50. L'élève, Pascal Obispo, a boosté la carrière de Florent Pagny, lancé Zazie, récupéré Patricia Kaas et contribué à la résurrection de David Hallyday. L'un est un solitaire qui marche seul, l'autre un chef de bande dont les complices éclairés sont Lionel Florence et Didier Golemanas. Une aimable compétition entre gentlemen qui, a priori, font partie du même monde. mais ne jouent pas encore dans la même catégorie.
"Le patron", terme employé par Obispo lui-même, c'est Goldman, 48 ans. Vingt ans d'expérience et toujours aussi timide. L'autre, le challenger, c'est Obispo, 35 ans. Le prince. Altier, aux limites de l'arrogance. Un maître et son disciple. Comme Goldman, Obispo impose le blackout (sic) sur sa vie privée. Même contrôle rigoureux de son image : régulièrement, les photos d'Obispo sont retirées des agences. Mais dans ce domaine aussi, Goldman est le plus fort, qui va jusqu'à faire supprimer, dans la diffusion sur TF1 du concert de Céline Dion au Stade de France, son duo avec la chanteuse ! [Note de Mélanie : c'est bien évidemment le duo avec Johnny Hallyday, et pas celui avec Céline Dion, qui n'a pas été diffusé sur TF1…]. Obispo l'a compris, avec Goldman, l'attitude devient stratégie. Et ça paie. Jusqu'à présent, tout ce que Jean-Jacques touche vaut de l'or. Après "D'eux" (six millions de ventes mondiales), "S'il suffisait d'aimer", le second album qu'il a concocté pour Céline Dion, a déjà été diffusé, en dix mois, à plus de trois millions d'exemplaires. Succès planétaire. Suit sa ritournelle Aïcha, signée en 1996 pour Khaled. Elle s'arrache à plus d'un million d'unités. Goldman sait humer les tendances. Avec Patricia Kaas (trois titres dans l'album "Dans ma chair" et deux dans "Le mot de passe), Florent Pagny (il signe des chansons sur les albums "Rester vrai" et "Savoir aimer" et Johnny Hallyday ("Gang"), pour ne citer que les plus grands, il s'adapte et cartonne. Parfois sous des pseudonymes. Au total, il a pondu les textes ou les notes de soixante quinze titres pour vingt quatre interprètes. "J'ai commencé à écrire pour des artistes, avant ma carrière solo. Mais comme personne ne voulait de mes chansons, je me suis mis à les chanter moi-même." C'est vrai. Personne n'a voulu d'Il suffira d'un signe. Alors il l'a interprété avec le succès que l'on sait.
Pascal Obispo, lui a toujours désiré être une star : "Je suis arrivé en haut sans écouter personne et j'irai jusqu'au bout", a-t-il déclaré. Déterminé. Obscur musicien dans des groupes néo-punks rennais, il monte à la capitale avec l'intention déclarée d'être un "chanteur à minettes". Une fois le but atteint, l'interprète de L'Ile aux oiseaux s'est senti pousser des ailes. Avant les dents. Des talents de mélodiste, une soif de reconnaissance ont fait le reste. A partir du milieu des années quatre-vingt-dix, il se met à écrire pour qui se présente : Michel Delpech, Clémence Lhomme...
Son flair et la chance lui permettent de jouer des coudes dans le show-biz. Avec le tube Savoir aimer (plus d'un million et demi d'exemplaires vendus), Pascal propulse Florent Pagny dans la cour des grands. Sur le même album, la composition de Goldman, Une place pour moi, passe totalement inaperçue ! Cette fois rien n'arrête Obispo. Johnny s'adresse à lui en 1998. La comparaison avec Goldman, producteur et compositeur de "Gang" est inévitable. Mais elle ne tourne pas à l'avantage d'Obispo. Aucune chanson n'est à la hauteur de Laura ou de Je t'attends. Têtu, Obispo lance une nouvelle offensive. Sur le terrain de l'humanitaire. Et puisque Goldman fut l'ange gardien des Restos du coeur, lui se fait chevalier de la lutte contre le sida. Avec Sa raison d'être, titre phare de cet album, il rassemble tout le show-business français et connaît en octobre 1998 un succès éclatant : 700 000 exemplaires vendus. Ainsi, Obispo redore son blason. Et il était temps, car à force de le voir jouer à l'hidalgo hautain qui toise les journalistes, "les professionnels de la profession" ont fini par lui tourner le dos. Obispo, premier de la classe, écope d'une dernière punition en mars 1999, aux Victoires de la musique. Il est recalé dans toutes les matières. Pas grave : il explique le lendemain dans la presse que seul compte l'avis du public.
C'est vrai. Et la question reste posée : qui de David ou de Goliath va, au final, remporter le morceau ? Certes Obispo part avec un train de retard. Mais sa fougue et sa capacité de travail phénoménale le font avancer à la vitesse grand V. C'est Robert Goldman, le petit frère de Jean-Jacques, qui s'occupe désormais de la carrière des deux hommes. Il vient d'ailleurs de les réunir dans le prochain recueil de Marc Lavoine, prévu pour septembre, et dans celui de Cocciante.
Mais le véritable enjeu n'est pas là. En 2000, deux contrats peuvent tout faire basculer. Celui qui s'attellera au prochain album de Fiori ou à celui de Fabian touchera le jackpot. Faites vos jeux ?
[En annexe à l'article] OBISPO, le jeune fonceur passionné. Son credo : "L'union fait la force". Ses armes : grande capacité de travail, énergie et une solide équipe derrière lui. Ses faiblesses : a besoin d'être rassuré. Beaucoup de ce qu'il produit part à la poubelle. Son look : boule à zéro et bouc à la Johnny Hallyday. Ses manies : contrôle obsessionnel de son image. Ses prochains coups : l'album de Charly (ex-Charts), chansons pour Cocciante et Lavoine.
GOLDMAN, le Bouddha de la chanson. Son credo : "je marche seul". Ses armes : écoute, maturité, maîtrise de son art, sérénité. Quand il compose pour quelqu'un, il réussit du premier coup. Ses faiblesses : des mélodies parfois trop lisses. Son look : sobre, souvent en noir. Ses manies : intégriste de la discrétion, communique par fax interposé, évite les journalistes. Ses prochains coups : chansons pour Khaled, Cocciante et Marc Lavoine.
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