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Goldman, le parrain magnifique du show-bizz
(L'Evénement du jeudi, du 18 au 24 novembre 1999)

Goldman, le parrain magnifique du show-bizz
L'Evénement du jeudi, du 18 au 24 novembre 1999
Claude Askolovitch et Emmanuel Sepchat
Retranscription de Jean-Michel Fontaine

Jean-Jacques Goldman est majoritaire. Ça a l'air bête, dit ainsi, tant il a investi nos têtes : ses mots, les mots de Céline Dion, de Johnny, de Khaled, ses mots à lui dans la voix des autres. Grand ordonnateur des "Enfoirés", le premier show de la télé française, tout le show-bizz au service des Restos du Coeur. Il est le coeur. Il est la tête. Parrain intermittent, qu'on sollicite pour un conseil ou un coup de main, quelques notes, tout un disque. "Il est le seul que j'écoute", dit Patricia Kaas. On le cherche, il choisit, comme il veut, qui il veut. Il impose ses règles. A la presse. Aux télévisions. Au milieu de la chanson. Il n'abuse pas. Il ne veut pas qu'on l'embête. Mais quand même, il ne compte pas. Le millionnaire se fait musicien de base pour accompagner à la guitare l'obscur Gildas Arzel, qu'il apprécie. SImple comme le chef. Et le chef a raison.

Portrait du chanteur romantique en rocker politiquement majoritaire

Plus encore, insistons : Jean-Jacques Goldman est politiquement majoritaire. Il nourrit son pouvoir d'une adéquation étonnate avec ce pays. Les idées de la France ? Ce sont les siennes : mi-rebelle, mi-réac ; ni vraiment intello, ni tout à fait téléspectateur. La réussite qui se méfie du fric, le paterfamilias qui méprise l'héritage. Le parrain habite Montrouge, banlieue sud de Paris, comme toujours et comme tout le monde, en un peu mieux. Il a 48 ans, est enseigné dans les écoles, sorte d'Aimé Jacquet à guitare, porte-parole subliminal d'une France néo-républicaine en mal de repères.

Il faut lire son livre pour saisir la dimension du personnage. Goldman chantait, faisait chanter ? Il écrit désormais. Changement d'étage. Le voilà donc au Seuil, maison des intellectuels de gauche, à dialoguer avec un philosophe (et ami), Alain Etchegoyen. Titre du livre : "Les pères ont des enfants" ; message essentiel : la récré est finie, papa est de retour. Une apologie assumée de la sanction et de l'autorité. "On va faire très réac, j'adore ça", jubile le chanteur. Goldman raconte sa terminale après 68, 'dans une classe où l'on fumait', avec un prof disant aux élèves : "J'ai beaucoup à apprendre de vous". L'horreur pédagogique. "C'est ça, pour moi, mai 68, cette espèce de déliquescence".

Déliquescence ? C'est Goldman qui parle, le romantique préféré des mouflettes, silhouette ascétique et cravate en cuir. Un sourcilleux, le romantique ! Les rappeurs le fatiguent, qui ignorent le solfège et piquent les sons des autres. "Ils aiment bien la musique, dit-il à Etchegoyen, mais l'apprendre, ça suppose à la fois des efforts et de la solitude. Alors ils se servent de ce que les autres ont fait". Lui, il a appris le violon, c'était autre chose.

Le chanteur ronchonne quand la cinquantaine le travaille ? Même pas. Il a toujours été ainsi. En 1985, à l'orée de sa gloire, il fustigeait le nihilisme du rock : "L'appel à la drogue, l'insolence et la révolte très adolescente qui alimentent les textes de rock confortent les pouvoirs établis". Dix ans plus tard, il expédiait le rap aux enfers ultra- libéraux : "C'est un phénomène commercial parce qu'il existe un marché de l'exclusion, de la violence et de la haine. Ce rap-là obéit à l'objectif le plus cynique : le profit. Nous vivons dans l'un des rares pays où l'éducation est obligatoire et gratuite jusqu'à 16 ans, on ne peut pas dire ça dans un morceau de rap, ce n'est pas conforme au message convenu". Critique politique, pas poétique. Il se veut anti-correct. Chanteur pour jeunes, mais incapable de jeunisme. Les casseurs juvéniles, explique-t-il en 1997, sont "perdus du côté de Neandertal". La même année, Goldman rencontre SOS Racisme, qui veut renouer avec un grand frère éloigné. Les potes lui vendent leur colère : les jeunes basanés se vont virer des boîtes de nuit. Réponse de Goldman : "Ils n'ont qu'à aller à la bibliothèque : là, on n'a jamais refusé l'entrée à quiconque". Ce chanteur est adoré des instits. "Goldman est un rocker psychorigide", jubile Alain Finkielkraut, encore un philosophe, frère en mauvaise humeur - plus d'autres points communs : notamment, en fils d'immigrés juifs ayant choisi l'Hexagone, se dire que la France existe, que la culture persiste. Un jour, Goldman a envoyé un fax de soutien à Finkielkraut, quand le philosophe se faisait attaquer pour ses positions "conservatrices".

Quand les autres délirent, lui, fait des chansons "sociales-démocrates"

Le psychorigide a construit sa liberté de parole, ne perdant jamais le fil de sa cohérence. Aucun autre artiste ne pourrait ainsi devenir prescripteur, porter sur la société un regard politique, sans perdre la mesure. Même Montand s'était égaré en se prenant pour un futur chef d'Etat. Goldman, lui, s'abrite derrière son statut de saltimbanque. Il écrit avec Etchegoyen, mais se refuse à faire la promotion de son ouvrage. Tant pis pour les recettes du Seuil ! Dans ce livre, il ne fait que poser des questions au philosophe, il n'a donc pas à commenter le discours ! Le chanteur, formaliste, fait preuve d'une suprême intelligence du possible.

Goldman, c'est une clé de sa maîtrise, a connu le succès adulte. Il rencontre la gloire à plus de 30 ans, marié, père de famille. La voix haut perchée et les gamines en pâmoison ont conduit au quiproquo. Ce faux minet a fait l'Edhec (Ecole des Hautes Etudes Commerciales du Nord). Il a beaucoup lu. Il est armé face au monde - rien à voir avec les rockers adolescents... Les autres s'amusent ou divaguent. Lui fait "des chansons sociales-démocrates", sourit-il. Un individualisme altruïste, où l'on va au bout de ses rêves en gardant la main ouverte. Mais la gentillesse masque la détermination. Très vite, Goldman pose ses conditions. Il mate une presse qui, parfois, le méprise ou l'injurie. En 1985, il compile quelques articles assassins (dont un de l'EDJ) dans une publicité félicitant ses fans : "Merci d'avoir jugé par vous-mêmes". Le truc est gros, mais imparable : en appeler au peuple, directement, se faire choisir contre les médiateurs.

Le saltimbanque préféré des excellences de nos temps modérés

Goldman a tout compris du piège du temps. Il bannit les paparazzi. Il n'y aura pas de Jean-Jacques déboutonné. Trop digne. Trop intelligent. Il vient d'un monde de pudeur, de textes et de principes. Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes - un père héros de la Résistance, en rupture de parti quand il découvre le mensonge stalinien. Goldman, des avatars de l'histoire, a gardé un préjugé définitif contre le PCF. "Vous êtes hostile à la drogue ?" lui demande, en 1985, "Paroles et musiques". "Bien sûr, répond-il, c'est mauvais pour la santé. De même, je ne ferai jamais la Fête de l'Humanité.

Mais du communisme, il a gardé l'organisation. La cellule. Son fief à Montrouge est une forteresse. Il y installe une structure à peu près unique dans le show-biz français, grâce à laquelle il contrôle édition musicale et production des concerts. Son frère, Robert, est le patron de la PME. Sa soeur, sa femme, son beau-frère, jouent parfois les choristes. L'organisation est sans faille. Des réseaux partout, un contrôle absolu : la clé de la puissance. Le show-biz accepte ses conditions. Télévision et presse font de même. Une émission avec Goldman est une émission de Goldman. Un photographe attitré, Claude Gassian, ne livre ses photos qu'après feu vert de la maison Goldman. Jean-Jacques accepte des interviews mais refuse les "unes" des magazines. Il dose ses interventions. Et revient régulièremennt à l'essentiel. Chanson, public, amour, guitare. L'amour est le commencement du pouvoir.

Dans les années 80, les jeunes filles crient dans ses concerts. Les malins ironisent ? Lui ose être fier d'elles. "Une fille de 15 ans, c'est une fille qui est en seconde, dit-il alors. Elle lit "Le Grand Meaulnes", elle découvre "Le Capital", votera dans trois ans. C'est quelqu'un de très important". Il est le premier adulte à estimer cette génération qu'on appelera morale. Elle l'a choisi. Elle le gardera. Aujourd'hui, les ados ont poussé, le public de Goldman est adulte et intégré. "Un public démocrate", dit Etchegoyen. Donc blanc, antiraciste, qui pense que le pire n'est pas obligé. Le public qui compte, les décideurs. Goldman sait étendre son registre, en écrivant pour d'autres interprètes – les idoles d'un autre peuple. Via Johnny, Céline Dion ou Khaled, le chanteur s'en va nourrir des midinettes, des prolos ou des immigrés. Ainsit se construit l'évidence. Goldman imprègne son époque. Et plus le temps passe, c'est l'époque qui décide de lui ressembler.

Quand la gauche découvre l'entreprise dans les années 80, l'ex de l'Edhec est à son aise. C'est l'affairisme qui le choque, pas le profit. Goldman est réaliste, deuxième gauche. Il a de bonnes raisons de se méfier de l'autre gauche, pseudo-révolutionnaire salonnarde… Le délit de sale gueule dont il est victime dans la critique "branchée". Et un malentendu indicible. Son demi-frère, Pierre, son aîné de sept ans, est une icône de la gauche. Guérillero en Amérique latine, puis voyou en France, innocenté d'un double meurtre, assassiné en 1979. Des intellectuels ont fait de Pierre un christ juif et rouge. Jean-Jacques fait l'expérience d'un étrange milieu, où les frères des uns deviennent les dieux des autres, où les légendes occultent la réalité.

Goldman est réel. "Normal Pop Idol", décrète le Herald Tribune en 1987. Ne pensant pas à bouleverser le monde, prétendant juste le réparer. Il chante pour l'Ethiopie affamée en 1985, derrière Renaud, mais fait corriger la chanson pour en gommer le tiers-mondisme. D'instinct, Goldman le modéré n'a jamais senti Mitterrand. En 1981, il n'a pas voté pour lui. Il ne le dit pas. Il serait inaudible. Il s'avoue pourtant rocardien. Plus tard, le chanteur dira sa rage, quand la gauche aura sombré dans les premières "affaires", quand Mitterrand sera affaibli, vaincu. "Un président pathétique, cynique et boursouflé", chante-t-il dans "On n'a pas changé", un des titres de l'album "Rouge", en 1993. Goldman l'anticommuniste chante alors avec les choeurs de l'ex-armée soviétique : aux indécences contemporaines, il préfère l'engagement des communistes d'antan – "des gens d'une honnêteté scrupuleuse". Tapie est, pour lui, un symbole honni. En 1993, il a soutenu Jacques Glassman, le joueur valenciennois dénonciateur de l'affaire OM – VA. La corruption l'exaspère, et il est vraiment amoureux de football, enfilant, un soir de concert à Lorient, le maillot des merlus, l'équipe de foot locale qui grimpe en D1.

Jospin n'est pas loin, avec son droit d'inventaire, son rappel des racines, et sa lecture quotidienne de l'Equipe. En 1995, un air de Goldman accompagne le redresseur des torts de la gauche. En 1997, les socialistess gagnent les élections. La même année, le pape vient à Paris, devant des jeunes tout frais et célèbrent Ozanam – un réformateur social. Goldman aime cette jeunesse ; il aime Jospin ; confesse une admiration pour de Gaulle. L'époque se pétrit de nation, d'espérance chrétienne, de minutieuse vertu. Goldman a gagné.

Alain Etchegoyen, proche de Martine Aubry et un temps conseiller de Claude Allègre, fréquente, avec Goldman, ces excellences de nos temps modérés. Ils s'entendent bien. Ils sont au pouvoir, dans les ministères pour les uns, dans nos têtes pour lui.

[encarts] L'organisation est sans faille. Des réseaux partout, un contrôle absolu. Le show-biz accepte ses conditions. Télé et presse font de même.

Via Johnny, Céline Dion ou Khaled, il nourrit midinettes, prolos et immigrés. Et plus le temps passe, plus Goldman imprègne son époque.

L'homme qu'on entend partout. Record français, 6 albums de Goldman ont dépassé le million de ventes ! Mais l'homme qu'on entend partout travaille aussi pour les autres. Sur 150 chansons officielles, Goldman en a écrit 77 pour 26 interprètes différents. On le découvre mercenaire en 1986, quand Johnny Hallyday lui commande l'album 'Gang'. En 1995, le génie de Montrouge conquiert le monde : l'album 'D'eux' de Céline Dion va devenir le disque le plus vendu en France (plus de 3,5 millions d'exemplaires) avant d'envahir l'Amérique et l'Angleterre ! Pour le reste, Goldman a écrit pour Patricia Kaas, Khaled, Florent Pagny, Marc Lavoine, Philippe Lavil, Robert Charlebois, Rose Laurens, Joe Cocker, Ray Charles, mais aussi pour des quasi-inconnus. A son actif également, la chanson d''Astérix et Obélix contre Jules César' et les paroles de '2000', hymne composé par Richard Cocciante pour les cérémonies lyonnaises du 31 décembre. Il finira le siècle.


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