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Alain Etchegoyen sur Canalchat
(Canalchat.com, le 17 janvier 2000)

Alain Etchegoyen sur Canalchat
Canalchat.com, le 17 janvier 2000

Alain Etchegoyen a écrit avec Jean-Jacques Goldman "Les pères ont des enfants" (Seuil). Le philosophe milite pour un rôle accru des papas. Messieurs, unissez-vous !

Eric : Pourquoi avez-vous écrit votre bouquin avec Jean-Jacques Goldman ?

Alain Etchegoyen : Parce que je l'aime !

Nicolas : Connaissiez-vous Jean-Jacques Goldman avant ? Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire cet ouvrage ensemble ?

Alain Etchegoyen : Je l'ai connu à l'occasion d'une émission de radio, chez Kriss, sur France Inter. Elle m'avait demandé qui j'avais envie d'inviter que je ne connaissais pas. J'ai dit "Jean-Jacques Goldman" en premier. Il est venu. Nous avons sympathisé et nous nous sommes vus souvent avec nos enfants, 9 au total - 6 chez moi et 3 chez Jean-Jacques Goldman !

Nicolas : Concrètement, comment se sont passés vos entretiens ? Etait-ce régulier , chacun travaillait dans son coin ?

Alain Etchegoyen : Nous avons enregistré des heures et des heures chez moi, chez lui ou à la campagne, puis nous avons lu et relu… Jean-Jacques ne voulait pas s'arrêter de corriger !

Zazon : Quels sont vos points communs ou vos divergences sur le rôle du père ?

Alain Etchegoyen : Nous avons beaucoup de points communs en ce qui concerne l'autorité, le rôle de la sanction, la responsabilité, mais nous avons des différences notamment sur la distribution des rôles. Au début, Jean-Jacques considère que le premier rôle du père est de rendre la mère heureuse; quant à moi, je suis plus un père "nourricier".

Fred : Etre père aujourd'hui, est-ce plus dur qu'avant ?

Alain Etchegoyen : Oui, c'est à la fois plus difficile et plus exaltant. Je crois que les hommes peuvent retrouver des plaisirs dont on les avait privés.

Richard : Quels sont les plaisirs dont on avait privé les pères ?

Alain Etchegoyen : On les avait privés de la proximité avec les enfants, du temps passé avec eux, par exemple ?

Kilo : Un père, à quoi ça sert ? :-))))

Alain Etchegoyen : Le père a un rôle beaucoup plus important aujourd'hui : Les femmes travaillent, les couples se font et se défont, le père représente donc une stabilité essentielle. De plus, c'est aujourd'hui un véritable choix. De ce fait, quand un père ne s'occupe pas de ses enfants après une séparation, ceux-ci en souffrent car ils sont convaincus que c'est un choix et que leur père ne les aime pas…

Max : L'IVG fête ses 25 ans. Que pensez-vous de son bilan ? Et en quoi est-ce que cela a modifié le rôle des parents, des relations ado-parents…?

Alain Etchegoyen : Ce n'est pas tant l'IVG que la régulation des naissances en général. La génération de Jean-Jacques et de moi-même a certainement été la génération la plus en rupture avec la génération précédente. Vous avez un symptôme clair dans nos connaissances musicales : Nous ignorions tout ce qu'écoutaient nos parents dans les années 50 alors que nos enfants connaissent très bien les Beatles, les Rolling Stones ou même Claude François.

Laurent : Avez-vous abordé la religion dans vos entretiens, car elle affecte des rôles différents aux parents ?

Alain Etchegoyen : Nous en parlons assez peu. Nous parlons davantage de l'alcool, de la drogue, de la politique, des études, du sport et aussi de l'ennui.

Samy : Avez-vous eu des soucis avec vos enfants pour écrire un ouvrage sur ce sujet ?

Alain Etchegoyen : Non, au contraire, nous avons tous les deux plutôt de la chance. En fait, nous avons commis des erreurs dont nous nous sommes rendus compte en discutant entre nous. Vous savez, c'est très rare, trop rare, que deux hommes discutent entre eux de la paternité alors que les femmes parlent sans cesse entre elles de la maternité.

Fadeway : Est-il plus facile d'être un père avec un ou plusieurs enfants ?

Alain Etchegoyen : Il est plus facile de l'être avec plusieurs évidemment ! On perd ses angoisses, on écoute moins les conseils des médecins et autres psy. Les enfants aiment être nombreux.

Detiny : Que pensent vos enfants ainsi que ceux de Jean-Jacques de votre bouquin ?

Alain Etchegoyen : Ils étaient très inquiets jusqu'à la sortie du livre. Nous avons gommé leurs prénoms (sauf une coquille !). Ils nous ont plutôt bien reconnus. Il n'y a pas eu trop d'indignation.

Rémy : Parlons de la drogue : Quelle est la meilleure position à prendre quand votre enfant se drogue ? Enfin quand je dis meilleure, j'entends celle qui vous paraît la plus juste à vos yeux…

Alain Etchegoyen : D'abord, nous pensons tous deux qu'il faut leur faire d'autres propositions pour qu'ils évitent la drogue; ensuite il faut suivre leurs fréquentations en invitant leurs amis chez nous - ça fait un peu ringard mais c'est essentiel…Quand la drogue a commencé, il faut, je crois, être ferme, et surtout prendre des mesures financières pour éviter la fuite en avant.

Marc : L'alcool est, je pense, le problème le plus important des jeunes aujourd'hui. Qu'en pensez-vous ?

Alain Etchegoyen : Il s'agit toujours de faire d'autres propositions, de passer du temps avec eux. Comme nous ne sommes pas alcooliques, et Jean- Jacques encore moins que moi, nous avons du mal à livrer notre expérience sur la question.

Richard : Est-ce que vos femmes ont lu votre livre ? Qu'en pensent -elles ?

Alain Etchegoyen : C'est une terrible question ! La mienne a trouvé que les femmes étaient très absentes de mes propos. La mère des enfants de Jean- Jacques l'a bien reconnu.

Fabien : Pensez-vous que les parents jouent bien leur rôle ?

Alain Etchegoyen : Leur rôle n'a jamais été aussi difficile qu'aujourd'hui car les enfants sont soumis à des influences très diverses qu'on ne connaissait pas auparavant : "vidéo", " télé", "Internet", "radios", "jeux"," pubs", "copains", etc. Cela dépend des cas, mais on constate que la plupart des sportifs qui ont réussi, comme Zidane ou Anelka par exemple, étaient très intégrés dans une famille qui s'occupait d'eux , quel que soit leur milieu d'origine.

Molly : La paternité, c'est une valeur qui va s'affirmer selon vous ?

Alain Etchegoyen : Certainement. Elle correspond à de vrais choix aujourd'hui. Avant, le "père absent" c'était normal. Mais il y a encore du chemin à faire. Voyez les trente-cinq heures : Les premières enquêtes montrent que les femmes dégagent du temps pour leurs enfants et les hommes pour la pêche ou… autre chose. Honte aux hommes ! Mais ça évolue quand même. L'autre jour à l'école de mes derniers, l'instit avait organisé un petit déjeuner avec les parents : Il y avait une majorité de pères…

Jeremy : Avez-vous quelques conseils à nous donner pour devenir "plus" père?

Alain Etchegoyen : Alors j'y vais : Il faut s' en occuper très tôt… tant mieux si la mère ne nourrit pas ! On peut tout faire dès le début, leur donner le biberon, des potages. On peut tout faire quoi. Profitons de l'absence des femmes qui travaillent !

H20 : Ne pensez-vous pas que les problèmes sociaux dans les quartiers dits difficiles proviennent dans la majorité des cas d'une absence d'autorité parentale ?

Alain Etchegoyen : C'est vrai. C'est un travail de l'école. C'est ce qu'on a essayé de faire avec ce dialogue : donner envie aux pères de parler entre eux de la paternité sans rougir, sans fausse honte, avec plaisir.

Laurie: Mon mari ne voit pas beaucoup ses enfants pour des raisons professionnelles. Il éprouve un manque certain. Comment le combler ?

Alain Etchegoyen : C'est presque toujours un choix que l'on fait aujourd'hui. Faites-lui lire nos entretiens…

Richard : Comment Jean-Jacques est-il en tant que père : autoritaire, souple ?

Alain Etchegoyen : Il est ferme, très ferme et affectueux à la fois. Il l'explique très bien dans ce livre quand il parle du rapport à l'argent ou du travail insuffisant d'un de ses enfants.

Jérôme : Le rôle des pères a-t-il évolué aujourd'hui ?

Alain Etchegoyen : Il évolue, il doit évoluer et il évoluera encore; puisque la famille évolue, se décompose, se recompose, puisque les femmes travaillent, puisque la régulation des naissances est comprise, puisqu' il y a plus de temps libre.

Dan : Pourquoi Jean-Jacques n'est-il pas venu chatter avec vous ?

Alain Etchegoyen : Vous connaissez son principe de discrétion dont il ne démord pas. On en a cent exemples. Il n'a fait aucune interview pour le livre puisqu'il s'agit déjà d'un entretien. De plus, il ne voulait pas que la presse réagisse en fonction de sa notoriété mais du contenu. Un magazine célèbre nous a proposé toute sa couverture s'il y avait un entretien… Et je ne parle pas des demandes de photos avec tous nos enfants !

Al Tot : Est-ce que les pères ne vont pas devenir les nouvelles "mères" des années 2000 ?

Alain Etchegoyen : Un père qui s'occupe de ses enfants devient une mère ! Pourquoi ? Chacun a son rôle et les enfants n'ont pas trop de deux piliers !

Vivian : Y a-t-il une façon idéale d'éduquer ses enfants ?

Alain Etchegoyen : Pour les pères ? Il faut passer du temps avec eux d'abord, faire des choses avec eux et pour eux, leur indiquer les limites avant que ce ne soit le gardien d'immeuble ou le flic qui le fassent. Il faut leur apprendre à s'ennuyer surtout : nous passons trop de temps à vouloir occuper nos enfants. Ils ne deviennent libres que s'ils apprennent à ne pas être trop occupés. D'ailleurs en français, "libre" est toujours le contraire d'"occupé" (cf. : le téléphone, les toilettes, les rendez-vous ou les zones durant la guerre !!)

David : Vous êtes professeur, non ? La situation est-elle aussi explosive que nous la décrivent les médias ?

Alain Etchegoyen : Je suis prof au lycée Louis Le Grand (peu de cas sociaux !!!) et au lycée Galilée en ZEP à Gennevilliers. La situation n'y est pas explosive car les patrons n'ont pas d'états d'âme. Ils savent indiquer des limites. Mais c'est vrai que c'est moins fatiguant d'enseigner dix heures de suite à Louis Le Grand (ce que je faisais avant) que trois heures de suite en ZEP…

Jean-Claude : Le rôle des grands-parents est-il important ?

Alain Etchegoyen : Il l'est de plus en plus du fait des décompositions et recompositions familiales.

Hélène : Pensez-vous que l'école a aussi un rôle à jouer dans l'éducation des jeunes ?

Alain Etchegoyen : Bien sûr, pour la civilité, pour le civisme, pour la citoyenneté, mais elle ne peut jamais remplacer le rôle continu des parents et notamment du père.

Marc : Y a-t-il des formations pour aider à devenir "parent" ? Moi, ça me fout la trouille : au fond, on n'y connaît rien avant d'avoir eu des enfants, non ?

Alain Etchegoyen : Je n'y connaissais rien non plus. Je n'y étais pas préparé. Je crois que ce qui guide le plus, c'est le principe de responsabilité. A partir de ce principe, on improvise beaucoup de choses, on ne peut plus seulement suivre des recettes ou répéter des traditions.

Nathalie : Vous dites que vous pouvez sans doute plus aider vos enfants aujourd'hui que votre père avec vous. Concrètement, que faites -vous en plus ?

Alain Etchegoyen : Il ne faisait rien ! Concrètement, je suis un père nourricier, du début à la fin de la journée, j'éprouve un véritable plaisir à voir un enfant manger du potiron, des épinards ou du poisson frais. Je suis un adversaire irréductible du surgelé, du micro-onde et des petits pots. Et puis il y a tout le reste, le sport, les jeux, le ciné, etc.

Richard : Est-ce que les femmes sont prêtes à lâcher du lest au profit des pères ? Est-ce que le poids de notre éducation ne fait pas obstacle ?

Alain Etchegoyen : Beaucoup de femmes renoncent à se battre contre des pères machos. Elles ont tort… mais pas autant que ces pères !

Samou : Quel accueil votre livre a-t-il reçu auprès des "pros" des enfants (pédiatres, etc.) ?

Alain Etchegoyen : Ça m'est complètement égal. Nous avons voulu éviter tous ces débats en partant de nos expériences avec nos enfants et aussi de ce que nous voyons autour de nous comme échecs ou réussites.

Canalchat : Merci beaucoup Alain, le mot de la fin ?

Alain Etchegoyen : Hommes, unissez-vous pour discuter de la paternité ! C'est un beau sujet de conversation. Il faut dépasser cette pudeur instinctive qui limite vos conversations au rugby et au foot que JJG et moi adorons cependant !


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