Au bonheur des fans
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Au bonheur des fans
Le Figaro, 22 janvier 2000
Anne-Marie Révol
Concerts, entretiens ou photos, Internet ne vous cache rien de votre vedette préférée.
L'âge de la nourrice de la fille de Vanessa Paradis ? Les coordonnées du tailleur de Julien Clerc ? L'heure à laquelle Patrick Bruel descend sa poubelle en peignoir de soie ? Tapez le nom de votre chanteur préféré sur un moteur de recherche et vous découvrirez des dizaines de sites Internet qui lui sont consacrés. Attention : seuls les sites conçus et tenus par de vrais "fans" répondront à vos attentes.
Si vous êtes friand d'indiscrétions et de potins sur les stars de la chanson, reportez-vous à votre magazine "people" préféré. Mais pour connaître avant votre voisin les dates de la première tournée outre- Atlantique de Florent Pagny, le menu exact de la dernière compilation d'Alain Souchon, le jour et l'heure de la prochaine séance de dédicaces de France Gall, connectez-vous sur les sites officieux des amoureux de la chanson française. "Pas les sites "officiels", ceux des maisons de disques, s'exclame Louis, un jeune cybernaute de 19 ans, complètement Johnnymaniaque". Ils sont trop sérieux, trop plan-plan et pas toujours au courant des dernières nouveautés. Moi, j'ai mes propres réseaux, qui me permettent d'être toujours super informé et de dialoguer avec des gens qui partagent ma passion." Donc, chaque matin, Louis, surfe sur home.nordnet.fr/@dlenne/index.shtml. "J'y ai découvert que Johnny avait tourné avec Galabru et Serrault dans Les Diaboliques d'Henri-Georges Clouzot ; et fait la première partie de Maurice Chevalier, en 1960, à l'Alhambra !" Sont également disponibles, sur ce site, une vingtaine de portraits de Jean-Philippe Smet, la liste des liens avec les autres sites consacrés à la star du rock, les adresses e-mails des fans russes, malgaches, brésiliens, marocains, américains, suisses ou dominicains. Chacun y va de ses conseils, de ses compliments, de ses coups de coeur.
Qui se cache derrière ces incroyables sites, qui fourmillent tant d' informations originales que certains critiques spécialisés avouent consulter les yeux fermés ? "C'est nous, s'amuse Jean-Rémy, 23 ans, cofondateur du plus important site français consacré à Mylène Farmer (1). Mon ami et moi l'avons ouvert en 1996. Nous voulions mettre en commun nos découvertes, permettre à ses admirateurs de se connaître, de ne jamais rater un concert, et de s'échanger des enregistrements ou des photos". "Nous avons des correspondants dans le monde entier, poursuit Jean-Rémy. Via le "chatroom" (espace de discussion), on se dépanne, on s'achète des CD, on traduit des textes. Il ne s'agit pas de laisser circuler des versions pirates, encore moins d'autoriser des copies au format MP3 (le système de compression qui permet de télécharger de la musique sur Internet avec une qualité de CD audio)".
Nous avons aussi ouvert un club payant (180 francs par an), pas pour gagner de l'argent - nous sommes une association - mais pour financer une revue trimestrielle entièrement dévolue à notre Astre mylénaire". Une activité souvent prenante, car il faut répondre à toutes les questions que se posent les passionnés. "Tous les soirs, avant de me mettre au lit, je passe une heure et demie à répondre à la trentaine de messages qui me sont adressés de tous les pays de la planète", avoue le père du site de Jean-Jacques Goldman (2), Jean-Michel, 27 ans. "Depuis la création du site, en juillet 1997, j'ai reçu environ 120 000 visites. J'aime surprendre, dérouter, épater mes visiteurs. Je récupère mes "scoops" par des proches de Jean-Jacques, que je rencontre aux hasards de mes pérégrinations ou qui me contactent d'eux-mêmes. Je fouille, je mets mon nez partout, je décode. Mais attention, toujours guidé par le souci de la discrétion. Je sais garder ma langue ! En fait, je me sens comme un chef d'orchestre. Un grand ordonnateur. Ma plus belle récompense ? Etre reconnu par les professionnels !"
Officiellement, ni Mylène Farmer ni Jean-Jacques Goldman ne veulent de sites officiels. Mais les égards dont ils sont l'objet les touchent pourtant si profondément qu'ils les tolèrent et savent gré à leurs auteurs d'effectuer un véritable travail de fourmi. De là à les en remercier officiellement... C'est parfois un peu dur, soupire Jean- Rémy, mais c'est la règle du jeu".
(1) www.mfifc.com (2) jean-jacques.goldman.net
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