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Cœur de rocker
(La vie n°2878, du 26 octobre au 1er novembre 2000)

Cœur de rocker
La vie n°2878, du 26 octobre au 1er novembre 2000
Jean-Claude Escaffit
Retranscription de Jean-Michel Fontaine

Jean-Jacques Goldman. Les ados l'adorent, ses disques sont d'or, et pourtant, le rockeur fuit les flashes du star-système. Cet ancien scout, fils d'immigrés juifs, est en quête de vérité, dans ses relations comme dans la vie. Rencontre, à cœur ouvert, avec un "citoyen ordinaire", qui se mobilise pour la paix et les exclus.

C'était quelque part dans le sud de la France, où il s'est retiré pour préparer un nouvel album. Il est arrivé au rendez-vous à bicyclette, avec un bonnet sur la tête et des lunettes. Ni vu, ni reconnu ! Son sport favori : l'art de la fugue. A pied, à moto, à vélo, dans la rue, où il aime flâner en solitaire, comme avec des SDF qu'il visite incognito. Jean-Jacques Goldman se cache… pour rester lui-même. Une discrétion érigée en éthique. Une volonté intransigeante de fuir le star-système et les images superficielles. Invisible, Goldman est pourtant omniprésent dans la musique rock depuis vingt ans, en trustant les hit-parades : "Il suffira d'un signe", "Quand la musique est bonne", "Comme toi", "Au bout de mes rêves", "Là-bas", "En passant"… Il chante son répertoire ou compose pour les autres : Céline Dion, Patricia Kaas, Khaled…

Si ce "faiseur de chansons" accorde très peu d'interviews, il met en revanche volontiers sa notoriété au service d'une cause : Les Restos du Cœur, SOS Racisme ou le prix Champions de la Paix des Scouts de France. Il le fait avec une touchante et authentique simplicité. Rencontre avec un maître du mystère qui entend être traité en citoyen ordinaire.

Jean-Claude Escaffit : On vous accole souvent une image de boy-scout. Cela vous agace ?

Jean-Jacques Goldman : Au contraire, je la revendique. J'essaie de faire mes concerts un peu comme des veillées. Il est courant que des spectateurs me lancent un foulard sur scène. Je le mets chaque fois. Devant 5 000 ou 6 000 personnes, cela ne me gêne pas.

Jean-Claude Escaffit : C'est à cause de votre passé scout que vous avez accepté d'être parrain du prix Champion de la Paix ?

Jean-Jacques Goldman : Oui. J'ai été éclaireur (laïque) de France durant dix ans. J'aurais dû passer animateur à 17 ans, mais j'ai commencé à jouer du rock, le samedi et le dimanche. J'ai donc une dette envers le scoutisme qui m'a tant apporté. Il m'a appris la vie, les relations humaines, la débrouille. J'y ai découvert la nature, la nuit, l'effort, la musique, le chant choral, la façon de monter un spectacle, le sens des responsabilités. Imaginez qu'à 15 ans nous sommes partis en Irlande, seuls. Le responsable avait 16 ans. Chacun à son niveau assurait une responsabilité. On faisait du stop et on dormait dans des granges. On ne pourrait plus faire ça aujourd'hui. Moi qui étais assez asocial, surtout à l'école, j'ai appris la vie en collectivité. Mes parents étaient commerçants et travaillaient énormément, samedi et dimanche matin compris. On vivait beaucoup en autarcie. Le scoutisme m'a permis de devenir quelqu'un d'un peu plus sociable !

Jean-Claude Escaffit : "Cafra arrogant et décidé" : pas très sociable, en effet, le totem dont on vous a affublé !

Jean-Jacques Goldman : Caffra parce que j'étais maigre, comme ce chat sauvage ! Arrogant : c'était peut-être un malentendu dû à mon côté réservé, solitaire. Mais le scoutisme m'a ouvert. Il m'a intégré à la vie collective et m'a appris des valeurs de respect de l'autre.

Jean-Claude Escaffit : Et que vous ont transmis vos parents ?

Jean-Jacques Goldman : L'honnêteté, je crois… Le travail et la joie d'être vivant. Mon père était toujours très positif. Il est né dans un ghetto juif de Lublin, en Pologne. Mon grand-père maternel a quitté l'Allemagne en 1933, à l'avènement de Hitler. Bien après Papa, qui est venu en France seul, à l'âge de 15 ans. Mon père s'appelait Alter Moïshé. Alter, cela veut dire l'Ancien en yiddish. Pas très courant comme prénom en France. Lorsqu'il a passé la frontière, le douanier l'a baptisé Albert ! Il a été résistant FTP durant l'Occupation. En Pologne, il souffrait autant de la passivité de la communauté juive que de l'anti-sémitisme. Pour lui, le judaïsme était une religion trop passive.

Jean-Claude Escaffit : La religion, opium du peuple ?

Jean-Jacques Goldman : Il n'y avait rien de catégorique, ni de militant dans cette affirmation. Il était davantage agnostique qu'athée. Ma mère a été élevée dans la religion. Après la guerre, sa foi s'est étiolée, surtout après avoir rencontré mon père. Mais leur morale n'avait pas besoin de ce substitut de conscience. Communiste, mon père avait été pourtant, après la guerre, très vite déçu par l'horreur stalinienne. Il disait : "L'idée est bonne, mais les hommes sont mauvais". Il a rompu.

Jean-Claude Escaffit : Vos parents ne vont ont donc transmis ni leur conscience politique d'origine, ni la mémoire d'Abraham ?

Jean-Jacques Goldman : Ils m'ont légué la fierté de ces origines-là, à défaut de racines géographiques.

Jean-Claude Escaffit : L'errance est justement inscrite dans les racines juives ?

Jean-Jacques Goldman : Tout à fait. Mais je ne peux concevoir aujourd'hui de vivre ailleurs qu'en France. Mes parents m'ont élevé dans cet amour de la patrie des droits de l'homme, du respect de la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. C'est l'amour de mes parents pour leur pays d'accueil et l'école de la République qui m'ont donné la fierté d'être français.

Jean-Claude Escaffit : Et qu'est-ce qui donne sens à votre vie ?

Jean-Jacques Goldman : Tout. Les autres, les rencontres, la musique… Comme je l'écris dans une chanson, la vie, c'est une "bonne idée". Des spaghettis à Frédéric Dard, en passant par la lumière du jour, un paysage ou un café…

Jean-Claude Escaffit : Vous êtes un optimiste… qui doute ?

Jean-Jacques Goldman : Pourquoi qui doute ? Lucide sur la fragilité de la vie, je ne sais pas s'il y a quelque chose après. Mais j'ai conscience de la banalité de la mort. Je ne me révolte pas contre le fait de mourir ou d'être malade. Cela fait partie de la condition humaine. Il y a eu des milliards d'hommes avant, il y en aura des milliards après. Nous sommes actuellement une petite partie de cette chaîne infinie des vivants. Mais profitons de cet instant de lumière qui brille pour nous. Nous avons la chance de n'être ni Somaliens, ni Kosovars.

Jean-Claude Escaffit : Pourtant, vous êtes sensible aux malheurs qui vous entourent. Vous vous mobilisez pour des causes comme celle des Restos du Cœur…

Jean-Jacques Goldman : J'aime cette phrase d'Aristote : "Faire du bien aux autres, c'est de l'égoïsme éclairé".

Jean-Claude Escaffit : Qu'est-ce qui vous révolte le plus dans la vie ?

Jean-Jacques Goldman : Les abus de pouvoir. A tous les niveaux. Ces gens qui ont une parcelle d'autorité. Ça va du petit chef qui harcèle ses subordonnés à l'employé de la Sécurité Sociale qui ne répond pas au téléphone… Cela nous amène à nous interroger sur nos propres excès. Chacun à son niveau.

Jean-Claude Escaffit : Que pouvez-vous changer, sinon le dénoncer dans vos chansons ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne crois pas qu'elles servent à cela. J'essaie simplement de respecter les personnes avec qui je travaille, dans le quotidien, en tournée… Sans doute n'y arrivé-je pas toujours.

Jean-Claude Escaffit : Vous n'êtes pas ce que l'on appelle un chanteur engagé ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne crois pas que les chanteurs "engagés" changent le monde davantage que ceux qui disent ne pas l'être. Moi, je me contente de distraire. Mais peut-être que les chanteurs ont un rôle fédérateur. Nous réunissons des gens différents qui n'auraient peut- être pas l'occasion de se rencontrer autrement. Il peut y avoir une vraie communion sur un rythme de James Brown ou la poésie de Cabrel.

Jean-Claude Escaffit : Que pensez-vous apporter à votre public ?

Jean-Jacques Goldman : Je peux vous dire plutôt ce que je reçois de lui… Une connivence, des émotions partagées. Sur scène, je ne me sens pas seul à les éprouver.

Jean-Claude Escaffit : Est-ce le critère d'une chanson réussie ?

Jean-Jacques Goldman : C'est l'un des critères. Car une chanson doit d'abord procurer du plaisir, des sensations à celui qui l'écoute. Il y a un aspect sensuel, intuitif dans la musique. Le texte est second. La preuve : comme beaucoup, j'ai adoré les chansons des Beatles, de Jimmy Hendrix et de Bob Dylan, sans en comprendre, durant quinze ans, les paroles. Les chansons sont les bandes-son de la vie. Elles sont une présence qui nous accompagne dans des moments privilégiés. Je reçois parfois des lettres qui me disent aimer telle chanson, et qui demandent de quoi elles parlent ! Chacun a sa propre histoire, sa propre lecture.

Jean-Claude Escaffit : Des jeunes m'ont dit que vos textes les ont aidés à vivre des moments difficiles. Cela vous surprend ?

Jean-Jacques Goldman : Moins maintenant. Au début, je ne voyais dans la musique qu'une démarche "utilitaire". Quand on me confie que mes états d'âme sont ressentis par d'autres, cela me touche beaucoup. Et si cela peut en aider d'autres, cela justifie vraiment tout.

Jean-Claude Escaffit : Vous ne vous êtes jamais dit que l'adulation de très jeunes peut être un risque ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne ressens pas du tout cette adulation. Les adolescentes qui hurlaient au début, cela a été un épiphénomène… Je crois que le public mûrit avec le chanteur. Mon public, je le sens aujourd'hui très conscient, responsable.

Jean-Claude Escaffit : Comment naît une chanson ? Sur une indignation, une flânerie ?

Jean-Jacques Goldman : Pour moi, le texte et la mélodie sont deux choses séparées. J'ai un magnétophone et un carnet. Je note une idée en lisant un article de journal, un livre, en faisant une rencontre ou en me promenant dans la rue… Pour la musique, je suis devant mon piano ou je prends ma guitare. Et une idée de mélodie me vient. Arrive ensuite le moment où je dois relier les deux. En marge d'une chanson que j'intitule d'abord valse, blues ou style Clapton, j'indique deux ou trois thèmes de paroles possibles.

Jean-Claude Escaffit : Des histoires de rencontres, d'amitiés, de respect, de transparence reviennent souvent chez vous ?

Jean-Jacques Goldman : Le thème des masques est peut-être le plus récurrent. Qu'y a-t-il derrière les apparences ? C'est pour moi une question obsédante.

Jean-Claude Escaffit : Parce que vous cherchez à percer les masques chez les autres ou par peur d'être jugé sur des apparences ?

Jean-Jacques Goldman : Cela revient un peu au même. Que ce soit dans les sphères privée ou publique, faire tomber les masques est la condition d'une relation authentique. Comme dirait Lénine, "la vérité est toujours révolutionnaire".

Jean-Claude Escaffit : "La vérité vous rendra libre", dit aussi l'Evangile.

Jean-Jacques Goldman : C'est étonnant cette proximité du christianisme et du marxisme sur bien des aspects…

Jean-Claude Escaffit : Peut-on, selon vous, avoir des relations totalement transparentes ?

Jean-Jacques Goldman : On devrait s'en approcher, du moins, dans les relations personnelles. C'est différent avec les médias, où l'on est dans le règne des apparences.

Jean-Claude Escaffit : C'est pour cela que vous vous protégez ?

Jean-Jacques Goldman : Je me méfie des relations superficielles qui livrent des images incomplètes.

Jean-Claude Escaffit : Pour revenir à l'initiative sur la paix que vous avez accepté de parrainer, est-ce une cause qui vous mobilise ?

Jean-Jacques Goldman : A priori, pas spécialement. Mais c'est la question centrale des relations humaines : dans les rapports entre Etats comme dans toute vie en collectivité. Celui qui est arrivé un jour en disant "Aimez-vous les uns les autres" a provoqué une sacrée révolution. Il est si facile de se battre, de se laisser entraîner dans la violence. La paix, c'est un combat quotidien. Elle commence par les relations à l'intérieur de la famille, entre voisins.

Jean-Claude Escaffit : Vous qui avez écrit un livre sur la paternité ["Les pères ont des enfants", avec le philosophe Alain Etchegoyen], qu'avez-vous envie de transmettre d'essentiel à vos enfants ?

Jean-Jacques Goldman : La joie de vivre ! C'est une maladie contagieuse que je tiens de mon père pour qui chaque minute était un miracle. Et mes trois enfants ont dû aussi l'attraper. Je ne sais pas trop pourquoi on est là, mais je suis persuadé que l'on a de la chance d'exister et de transmettre la vie. A travers la paternité, j'ai l'impression de tenir un rôle auquel on ne peut se soustraire : être ce maillon indispensable dans l'immense chaîne humaine, apporter une contribution à cette humanité qui n'a pas fini de nous étonner.

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Un partenariat Scouts de France – La Vie – HCR

"Est-ce vrai que vous cassez des voitures, que vous êtes des voleurs ? Et vous, il paraît que vous avez tous des villas avec piscine…" Etrange dialogue entre enfants de quartiers différents de Marseille. Spontané, sans animosité. Construire la paix, cela commence déjà dans le quotidien par se débarrasser des clichés que l'on a sur son voisin. C'est ainsi que des louveteaux de centre de Marseille sont allés à la rencontre d'enfants "d'unités soleil" des cités périphériques. Un après-midi de jeux, de fête et de partage, qui leur a donné l'occasion de mieux se connaître, de s'apprécier… Et l'envie de se revoir. Cette action est l'une des cinq primées dans le cadre du prix Champions de la paix.

A l'initiative des Scouts de France associés à l'Action catholique des enfants (Ace) et au Mouvement eucharistique des jeunes (Mej), le prix consiste à permettre à des enfants de 8-12 ans de réaliser des actions concrètes. Plus de 1 000 initiatives ont été présentées. Elles ont touché près de 15 000 enfants dans tous les départements français. En partenariat avec le Haut Commissariat aux Réfugiés et La Vie, Champions de la Paix est inscrite comme action phare de l'année internationale pour la paix. Jean-Jacques Goldman, le parrain, remettra les prix au siège de l'Unesco, le 30 octobre.

"C'est un âge où l'on se pose beaucoup de questions : pourquoi y a-t- il des gens qui meurent de faim ? Pourquoi y a-t-il des guerres ? Nous sommes partis de leurs questions pour les faire réfléchir et mener l'enquête autour d'eux", explique Mathieu Pommiers, commissaire national louveteau, promoteur de l'idée. "Le risque était qu'elle reste une question abstraite, lointaine, avec de bons sentiments. Or, la violence, la guerre ne concernent pas que les autres. C'est une réalité aussi en France. Il s'agit d'apprendre aux enfants à refuser la violence, à parler, à agir là où ils se trouvent". Les dossiers envoyés au jury fourmillent d'idées. Certains groupes ont organisé des semaines de la non-violence, installé dans leurs écoles des "poubelles de la violence" [sic] ; d'autres ont cherché à juguler la violence des stades en inventant des compléments aux règles de foot. D'autres encore sont allés rencontrer les élus ou d'anciens résistants de leur commune, ont fait des fresques, des articles, des fêtes… Car construire la paix, c'est autant favoriser des rencontres au-delà des préjugés que se souvenir, comprendre et alerter… Ainsi, le club Ace de Rouen, l'un des cinq groupes lauréats, a promu une dizaine d'actions pour sensibiliser copains, familles et public sur l'enjeu de la paix aujourd'hui. "La différence a été de faire le tri, car, à cet âge-là, on a plein d'idées", souligne Marie-Odile Delvallez, la responsable. Et Tiffany et Bryan d'énumérer avec gourmandise leurs "10 jokers pour la paix" : tests sur la violence, enquête, micro-trottoir, exposition au Salon des artistes indépendants de Rouen, émission vidéo, poèmes, messages aux enfants du monde, et lettre à Jacques Chirac… Assurément, la paix est une idée que l'on sait bien cultiver à 10 ans.


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