Frédéric Lerner : Rencontre au bout du monde |
Pendant l'entretien |
Frédéric Lerner fait figure d'extra-terrestre sur la nouvelle scène musicale française. Pendant que ses contemporains se trémoussent sur des musiques électroniques ou, au mieux, des rythmes latinos, Frédéric Lerner est resté fidèle aux chansons qui ont bercé son adolescence. Alors que ses glorieux aînés (Goldman, Cabrel, Bruel...) ont délaissé la batterie et les riffs hargneux au profits de guitares acoustiques et d'introspections sur le temps qui passe, Frédéric Lerner, lui, a conservé le meilleur des années 80 pour en extraire toute l'énergie.
De passage à Genève à l'occasion de la "Fête de l"Espoir", au "Stade du Bout du Monde" (véridique !), il m'a spontanément proposé un entretien exclusif.
Le bout du monde c'est un chouette endroit pour une rencontre...
Oui, c'est vrai que c'est une belle image. Se rencontrer alors qu'on ressent déjà une proximité, c'est bien.
Si tu le veux bien, nous allons reprendre notre conversation d'hier soir en évacuant d'entrée les questions qui fachent. Alors tout d'abord, les folles rumeurs qui circulent sur toi. Tu peux les commenter si tu le souhaites :
1. Tu es le fils de Robert Goldman.
Le pauvre ! [rires] J'ai mes propores parents, je les présenterai s'il le faut, mais ce n'est pas mon père. Peut-être un père musical, lui et son frère. Surtout Jean-Jacques, c'est un peu, musicalement, mon père spirituel. Ça s'arrête là. J'ai une grande admiration pour ces deux bonhommes.
2. Tu es la solution miracle de Columbia pour remplacer Jean-Jacques Goldman qui sort son dernier album cette année.
Encore faut-il que ce soit le dernier ! Je ne suis pas sûr que ce soit le dernier. A mon avis, il est bien où il est. Il va y rester longtemps. Chez Columbia, ils ne sont pas assez intelligents pour faire ça ! [rires] Ils ont autant de talent que leurs artistes, donc je ne pense pas qu'ils aient besoin de cela. Je pense que c'est plus dur pour eux d'essayer de m'installer en ayant déjà une énorme star comme Jean-Jacques qui, lui, est irremplaçable - Loin de là cette idée !
J'ai été impressionné par le nombre de personnes que tu cites dans les remerciements de ton album. Peux-tu me dire brièvement comment tu les as rencontrés, et ce qu'ils t'ont apporté ?
Tout d'abord, oui, je cite beaucoup de gens, parce que je me suis dit "Peut-être que c'est le seul album que tu feras ! Donc, remercie tout le monde. On ne sait jamais, parce que tu n'auras peut-être plus l'occasion de le faire". Ça peut paraître un peu prétentieux de remercier tous ces gens, mais j'ai vraiment remercié les gens importants. Même quand je cite des gens de la maison de disques, c'était important pour moi de les remercier, que je savais qu'ils sont là pour travailler avec moi. C'est important.
Jean-Claude Camus ?
Ça s'est fait bizarrement. J'étais en train de signer mon contrat avec Sony Music, et un de mes amis, qui connaît un peu l'entourage de Jean-Claude, a voulu lui faire écouter ma maquette. Parce que les contrats avec les maisons de disques prennent du temps. C'est vrai qu'entre les premiers instants où l'on se rencontre, où on parle de ce que l'on a envie de faire ensemble, il y a du temps qui passe. Ça commencait à traîner un tout petit peu et je commençais à être angoissé de savoir si cela allait finalement se faire... Mon disque est arrivé entre les mains de Jean-Claude, et lui qui ne fait jamais rien à moitié a dit "Arrête tout ! Moi ça m'intéresse. Voilà ce que je te propose". Il m'a proposé tout un plan d'avenir, et cela m'a beaucoup plu. Ma seule requête était de continuer à travailler avec Sony, parce que c'étaient les premiers à me découvrir. J'aurais eu l'impression de leur poser un lapin si j'étais parti comme cela. Il a juste écouté mon souhait, et on se retrouve tous ensemble.
Et quand s'est produit cette rencontre ?
Ça fait deux ans. Ça passe ! Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain. Il y a eu des années de galère avant de trouver une signature. On a vraiment travaillé, et ceux qui disent que c'est un coup ou que c'est pour remplacer Jean-Jacques Goldman, ça peut leur ouvrir les yeux. Il y a vraiment du travail derrière, c'est un vrai album. On n'a pas voulu faire du remplissage. On a pris du temps pour faire les chansons et j'espère aujourd'hui que le résultat tient la route.
Robert Goldman ?
Robert Goldman parce que Columbia. Jean-Jacques étant un artiste Columbia et Robert ayant commencé à faire des chansons depuis quelques années avec Tina Arena, c'est la première rencontre que l'on puisse faire. Les personnes qui m'entourent chez Columbia ont eu cette idée-là parce que nos deux univers se rapprochent. Ça a été la première idée, de dire "Tiens, tu vas rencontrer Robert. Peut-être que ça pourrait déboucher sur une chanson". Finalement, il y a eu ce premier titre.
Il a écrit "Si tu m'entends" pour toi ?
C'est une chanson qui existait déjà. Il en a écrit d'autres par la suite. Finalement, je suis revenu à celle-là, parce que je trouvais que c'était celle qui correspondait le plus à l'ensemble de l'album.
Qu'est-ce que tu penses de sa carrière d'auteur-compositeur ?
Je dis bravo, on sent la patte ! On sent le talent familial. Je ne suis pas inquiet pour lui. Je crois que cela va rouler, maintenant.
Et les chansons que tu préfères parmi ce qu'il a fait pour l'instant ?
Celle que je préfère est certainement "Parle-moi" pour Isabelle Boulay.
Philippe Labro et Fred Blondin ?
C'est une rencontre qui a été organisée par Jean-Claude Camus. Philippe Labro, cela fait des années qu'ils travaillent ensemble pour Johnny Hallyday. Fred Blondin est un artiste de chez Camus & Camus. C'est une chanson qui existait déjà, qui était sur le bureau de Jean-Claude depuis quelques mois. Un jour, il m'appelle et il me dit "Je ne sais pas ce que tu en penses, mais je trouve que ça t'irait bien". J'ai craqué à la première écoute. Je trouve que c'est un beau titre, une belle mélodie que j'ai mise un peu à ma sauce. Je trouve que c'est une belle chanson.
"Grâce à vous", c'est le remerciement d'un artiste pour son public, c'est un peu tôt ?
En fait, Philippe Labro ne l'a pas écrite dans ce sens. Moi, je l'ai reçue effectivement comme ça : remercier le public, c'est vrai que c'était peut-être un petit peu tôt. Lui l'a écrite pour une femme, en disant "Merci d'être là, c'est grâce à toi si j'existe". Effectivement, il y a deux perceptions comme "Si tu m'entends", je l'interprète aussi pour le public : "Si tu m'entends, faisons un bout de chemin ensemble. On peut commencer une belle aventure" alors que Robert l'a plus entendue pour une femme. Chacun interprète un texte comme il le veut. Peut-être que c'est un peu tôt pour remercier le public, même s'il est peu nombreux, merci quand même d'être là ! S'il y a un deuxième album, ça sera en tout cas grâce à vous ! Je ne pense pas que ce soit trop tôt.
Michel Fugain ?
Michel est quelqu'un que j'ai rencontré au ski, bizarrement. Etant un artiste de Jean-Claude encore une fois, c'est lui qui nous a présentés. C'est quelqu'un qui a beaucoup compté dans mon univers musical il y a quelques années, et lui aime beaucoup les jeunes qui démarrent, qui sont assez autonomes, auteurs-compositeurs. J'ai commencé à lui faire écouter un titre. Au ski, il préférait skier, et moi aussi. Il m'a donné rendez-vous après. Je me suis retrouvé chez lui, à passer un après-midi ensemble à discuter. C'était une belle rencontre. Quelqu'un qui a un franc parler, qui peut blesser parfois. J'aime son franc parler, et le regard qu'il a sur le métier est assez juste. C'est quelqu'un qui m'a apporté beaucoup, quelqu'un qui me critique beaucoup, par exemple, par rapport à cette proximité avec Goldman. Pour lui, j'allais droit dans le mur. J'aime bien ces gens-là qui disent vraiment ce qu'ils pensent. C'étaient des bons moments.
Michel Sardou ?
Ils étaient ensemble...
Ah, ils sont ensemble... ? [rires] Il faut le préciser pour ceux qui ne le sauraient pas, ils viennent de faire un album ensemble.
J'étais là au moment où Michel Fugain lui présentait ses mélodies. C'étaient des moments assez privilégiés. J'ai assisté à tout cela. Sardou est quelqu'un avec qui je vais au ski maintenant tous les ans, parce que c'est un mec super marrant, malgré ses apparences. Sorti de son contexte, c'est un bout-en-train. Je me marre bien avec lui, et lui aussi a un certain franc-parler, et il fait attention aux jeunes qui arrivent. On a des discussions assez marrantes.
Johnny et Laeticia ?
Johnny, c'est quelqu'un que j'allais voir souvent à l'Olympia, parce que c'était un grand moment. Encore une fois, faisant parti de l'écurie Camus, on se rencontre assez souvent. Laeticia est quelqu'un qui prend du temps pour écouter les maquettes. Ils ont suivi le travail au fur et à mesure. Ses conseils étaient les bienvenus. C'est quand même génial d'avoir Johnny en face de soi qui dit "Celle-la est pas terrible, celle-la va marcher". Ils ont suivi l'évolution de l'album, et ça fait plaisir.
Vincent Lindon ?
C'était mon prof de théâtre au Cours Florent. Je suis resté presque deux ans au Cours Florent. Il venait une fois par mois faire des Master Classes. J'ai essayé de passer le plus souvent devant lui. C'est quelqu'un qui a un cœur énorme, qui n'a pas peur de ces jeunes qui arrivent dans ce métier. Au contraire, il leur tend la main, et leur donne plein de conseils. C'est quelqu'un de magnifique intérieurement, et que j'adore. Grand souvenir ! J'espère le revoir très bientôt.
Rick Alison ?
J'ai travaillé un peu avec lui. On a tenté deux-trois trucs comme ça...
On peut préciser que c'est le collaborateur attitré de Lara Fabian, pour ceux qui ne savent pas.
C'est son compositeur, auteur, ancien... ancien ami, manager... Etant donné qu'il travaille beaucoup avec Camus, Jean-Claude nous a présentés, mais son univers n'est pas le mien, donc ça n'a pas marché.
Tu cries moins fort, peut-être ?
Exactement ! [rires]
Lionel Florence ?
Nous avons commencé à travailler ensemble sur l'album. Lui était en plein "Dix commandements". Il a essayé de me faire plaisir en m'écrivant des textes. Je crois qu'il n'était pas tout à fait dedans. Je lui ai envoyé mes textes. Un jour, il m'a appelé et m'a dit "Démerde-toi. Je trouve que tu écris bien et je ne sais pas quoi t'apporter". C'était une super belle rencontre. Je pense qu'on fera des choses plus tard.
Jean Dujardin et Alexandra Lamy ?
C'est des potes. J'ai eu la chance de faire le générique de "Un gars, une fille". Je suis souvent sur le tournage avec eux. J'ai fait quelques répliques (on ne voit jamais la réplique). Il y a un an, je participais pas mal à l'émission. Ce sont des potes qui eux aussi ont suivi l'évolution de l'album. C'était normal que je leur fasse un petit coucou.
Michel Drucker, qui n'est pas dans les remerciements mais qui visiblement, t'aime beaucoup ?
Bizarrement, je ne sais pas pourquoi ! [rires] Il a été adorable dès le premier plateau. Il a toujours une anecdote et quand je suis arrivé, il m'a dit "Tu me rappelles quelqu'un qui travaillait dans un magasin de sport [rires] il y a 18 ans..." A chaque fois qu'il me voit, il me raconte toujours la même anecdote ! "Il arrivait avec sa petite cravate en cuir..." alors moi je lui réponds "n'allez pas plus loin, je vois de qui vous voulez parler !". Il m'a pris en affection. C'est super, parce que l'on a le trac lorsque l'on arrive chez lui. Je fais aussi ce métier grâce à ses émissions. J'étais devant "Champs-Elysées"... Quand j'arrive dans "Tapis Rouge"... où la première que j'ai faite avec lui dans "Vivement Dimanche", ça s'est super bien passé. Même le premier "Vivement Dimanche" s'est mieux passé que d'autres émissions après. J'étais tellement à l'aise. Il a un accueil tellement chaleureux. Je le remercierai dans le prochain album ! On comprend pourquoi il est encore là aujourd'hui. C'est quelqu'un qui aime les artistes, qui connaît le métier, qui se renseigne vraiment sur la personne qui arrive. Il a toujours un moment pour vous raconter le passé... Pour un jeune artiste, c'est motivant d'avoir Monsieur Drucker en face de vous qui prend du temps.
C'est quand même fou la liste de noms que je viens de donner. Ça fait un CV absolument extraordinaire, même si ce ne sont pas forcément des rencontres professionnelles en soi.
Ce sont des grands noms. Maintenant, ce ne sont pas forcément mes meilleurs amis non plus. Je ne suis pas avec eux tout le temps, mais ce sont des moments que je garde au plus profond de moi, parce que ce sont des gens qui m'ont fait rêver. Certains d'entre eux m'ont donné envie de faire ce métier. Faire un premier single avec Robert Goldman, je pense qu'il n'y a pas besoin d'en rajouter. Ce sont des petites choses comme ça, comme si le passé m'avait préparé à tout ça. Aujourd'hui, j'essaie de prendre à pleines dents toutes ces rencontres, parce que c'est génial à vivre.
Qui est JCH avec qui tu signes plusieurs titres ?
JCH, c'est Jean-Claude Hadida, que je remercie aussi dans l'album, parce que je lui dois vraiment d'être là. C'est quelqu'un que j'ai rencontré au Cours Florent, et qui était le seul à croire en moi. C'est quelqu'un qui est à l'affiche puisqu'il est dans Roméo et Juliette. Il est complètement fou. Un fou fourieux, un vrai artiste. J'étais un peu comme son fils. Il a cru en moi. C'est lui qui s'est battu pour faire entendre mes maquettes. On a aussi travaillé ensemble sur des chansons, parce qu'il a une grande émotion, beaucoup de sentiments à faire ressurgir. Il a énormément de talent. Il est difficile à gérer socialement, parce que c'est un vrai artiste. Je lui dois beaucoup aujourd'hui.
"J'ai envie d'écrire pour Johnny Hallyday"
Tu as écrit ou co-écrit dix des douze titres de ton album, et pourtant, on ne parle souvent que des deux titres de Robert Goldman et de Philippe Labro. Personnellement, mes chansons préférées sur l'album, en plus des deux que je viens de citer, sont "Il ne restera" et "J'ai envie de vivre". Comment vois-tu la suite de ta carrière : Interprète, auteur-compositeur-interprète, un peu des deux ?
J'aimerais les deux, c'est sûr. Je n'ai pas d'égo en ce qui concerne tout ce que je fais, si les chansons que j'interprète ne sont pas les miennes... Je préfère toujours les chansons des autres, de toute manière. Je ne pensais pas écrire autant sur ce premier album, ni composer. C'est vrai que j'en rêvais... Le vrai déclic a eu lieu quand j'ai signé mon contrat avec Sony et Jean-Claude Camus. Ils m'ont un peu donné les clés d'une Ferrari. C'était en fait les clés d'un studio. Ils m'ont dit "Vas-y, montre-nous ce que tu sais faire" et en fait, je n'avais rien fait de concret avant ! C'est vrai que je rêvais, avec ma guitare dans ma chambre, en train de regarder le ciel et de me dire "Un jour, je serai à Bercy et je chanterai mes chansons" mais je n'ai jamais rien fait de concret avant cette signature. Et quand on m'a donné les clés de ce studio, je me suis dit "Bon, tu te lèves le matin, tu prends ta guitare, tu te mets au piano et tu fais des chansons. Tu n'as pas le droit de ne pas saisir cette chance". J'ai fait 25 chansons, 25-30 titres en 6-8 mois. Finalement, on en a retenu plus que ce que je pensais. C'est bien parce que du coup, l'album me ressemble. Je parle de choses qui me concernent. Je ne triche pas, et c'est mieux. En général, quand on triche, on est vite démasqué. Le problème, c'est que je me suis pris au jeu à écrire des chansons ! J'essaie d'écrire pour d'autres en ce moment, des artistes qui préparent leur album - je ne dirai pas leur nom parce que cela va me porter la poisse ! Je vais essayer d'écrire humblement pour d'autres, si je peux le faire. Si je peux collaborer sur un titre, je serai super content. Je crois que c'est la plus belle chose, de pouvoir partager sa musique avec quelqu'un. Le problème, c'est que quand je donne des maquettes, on a l'impression que ce sont des maquettes de Goldman... [rires]
Maintenant, quand on parle de Goldman, on ne sait plus s'il s'agit de Jean-Jacques ou Robert, ça complique encore plus le problème !
On ne sait plus qui fait quoi ! Je suis en train de vivre un rêve. Mais j'espère continuer à chanter. J'ai vraiment besoin de chanter, et maintenant que j'ai goûté à la scène, je crois que je ne pourrais plus m'en passer. C'est vrai que Goldman, lui, est plus connu pour quelqu'un qui n'est pas trop "scène", qui a du mal à aller vers les gens, qui pourrait s'arrêter de chanter... Voilà ! Enfin une différence avec lui ! Moi, je ne pourrai pas me passer de la rencontre avec les gens. Même si je suis quelqu'un de très timide, j 'en ai vraiment besoin.
Ça se voit ! Si tu devais interpréter un album entièrement écrit par des auteurs-compositeurs que tu aimes, vivants ou disparus, qui trouverait-on ?
J'aurais aimé travailler avec Berger, c'est sûr.
"Cybélia" est très "bergérienne", je trouve.
Je trouve qu'elle a un côté... Je ne me souviens plus du titre.
"Paradis blanc" ?
Non, c'était un titre de Goldman en fait.
Là, ce n'est pas moi qui t'en parle ! [rires]
J'en ai parlé avec Robert, il m'a dit, "c'est fou", on dirait un titre de Jean-Jacques". "Elle est à côté de moi quand je me réveille..."
"Je ne vous parlerai pas d'elle".
Voilà. Dans les choeurs, j'ai pensé beaucoup à ça. C'est vrai qu'elle a un côté Goldman. Oui, pourquoi pas "Paradis blanc", ce côté un peu planant. Cette chanson, il faut absolument qu'on la sorte, parce qu'on n'y arrive pas !
En single ?
C'est cette chanson qui m'a fait signer avec tout le monde. C'est incroyable comme c'est une chanson fédératrice, mais malheureusement, les radios ne suivent pas...
Elle ne passera jamais à la radio ! A mon avis, malheureusement, elle ne passera pas à la radio.
Je pense que si elle ne passe pas, l'album est planté. Il faut qu'elle sorte. Pour moi, c'est ce qui va faire que les gens viendront plus vers nous. Je le sens. Je pense que c'est une chanson très populaire. Maintenant, on verra...
Pour revenir à ma question, à part Berger... ? Qui aimerais-tu voir écrire pour toi, idéalement ?
[longue hésitation] Musicalement, pourquoi pas un titre avec Fugain. Je trouve son dernier titre extraordinaire, magnifique. Je préfère ses titres piano-voix que ses ballades à la guitare. Je suis très sensible à ces titres-là. Sinon... Obispo, pourquoi pas. Musicalement, c'est un génie. Et des textes de Lionel Florence. J'aimerais bien travailler avec lui. Je ne dirai pas quelqu'un d'autre ! [rires]
Et s'il s'agissait de duos ? Non, pas lui, on se rendrait pas compte que c'est un duo ! [rires]
J'aimerais bien le faire, ça, un jour ! J'ai une idée, si un jour on chante en duo. En duo... Johnny Hallyday. Pour son anniversaire dans deux ans, je vais faire en sorte d'être invité ! Je vais coucher sur le palier s'il le faut, mais j'essaierai de ne pas le manquer. Un duo avec Bruel, ce serait sympa. Je le rencontre souvent en ce moment. On vient de faire une émission qui passera ce soir à la télé. J'aimerais bien le retrouver sur une chanson. Dans les femmes... Vanessa Paradis.
Isabelle Boulay ? Tu parlais d'elle tout à l'heure...
Oui, Isabelle Boulay ! C'est une immense interprète ! J'ai fait quelques plateaux radio avec elle. Elle chantait "Amsterdam" a capella à la fin, et c'était incroyable, incroyable ! Immense interprète ! Y'en a marre des Québécois, mais elle, elle mérite de rester !
Tu disais que tu étais en train d'écrire des titres pour des artistes. On n'en parle pas pour l'instant... Mais dans l'absolu, des gens avec qui tu n'es pas en contact, pour qui aimerais-tu écrire ?
J'avais écrit un titre pour Sardou il y a six mois, parce que je savais qu'il préparait son album. Ce sont des rêves quoi ! Mais finalement, si je n'avais pas rêvé, je ne serais pas là. Je me fixe toujours la barre plus haut. J'ai compris aujourd'hui que, quand on veut quelque chose, on peut l'avoir. Il faut toujours viser haut pour arriver un peu plus bas. Si on vise bas, on arrive toujours plus bas. Je fais en sorte de toujours mettre la barre haut, et quand je regarde derrière moi, je me rends compte que j'ai essayé d'entrer par la petite porte pendant cinq ans. Au bout de cinq ans, on m'a ouvert la grande ! Je suis chez le plus grand des producteurs, pour moi la meilleure des maisons de disques, le meilleur des labels... Si j'avais dit ça il y a cinq ans, on m'aurait rigolé au nez ! Aujourd'hui, je me fixe des objectifs très hauts. J'ai envie d'écrire pour Johnny Hallyday, je vais essayer !
Si ça peut te rassurer - bon, c'est la dernière fois qu'on en parle ! - Jean-Jacques a écrit "L'envie" en 1978, en pensant à Johnny Hallyday, et finalement, il l'a interprétée huit ans plus tard.
Il faut rêver !
La promo de Sony parle de toi comme étant l'un des auteurs de la nouvelle chanson française. Qui sont les autres ?
[rires] J'étais pas super d'accord avec ce titre. Ce sont des trucs marketing qui me dépassent. Je me sens autant compositeur que auteur... C'est vrai que par rapport aux autres, j'écris mes textes... Quelqu'un qui a un énorme talent de compositeur comme Calogero n'écrit pas ses textes. On fait souvent la comparaison, dans les gens qui arrivent, Calogero / moi...
Les seuls que je vois vraiment - qui ne sont pas dans le même univers musical - mais qui ont notre âge, puisque nous avons le même âge, c'est M et De Palmas.
De Palmas, je ne le compare pas, parce qu'il est là depuis longtemps. Il a fait quelque chose il y a six ans et même s'il a eu un passage à vide, il revient, on le connaît. Même Calogero, il a fait les Charts. Je suis vraiment le seul qui démarre aujourd'hui et c'est dur d'associer un nom, une image, une chanson. Ça prend du temps. Donc "le nouvel auteur, la génération française", c'est marketing !
La tournée des Enfoirés l'année prochaine pour toi : c'est un but, un espoir, ou une reconnaissance ?
Ça aussi c'est un rêve. Mais pas seulement de me retrouver au milieu de 30 personnalités. Il faudrait aussi le faire tout au long de l'année. Je suis très excité à l'idée de peut-être faire les Vendanges du Coeur, qui est un truc complètement anonyme, dans le sud de la France. J'ai reçu le dossier de presse. Je ne savais pas ce qui se passait là-bas depuis cinq ans, c'est énorme ! Le faire anonymement, et faire plaisir aux cinq mille personnes qui sont là sans le dire au reste de la France. Pourquoi ne pas le faire sur toute une année... Je crois que c'est plus important que de ne pas faire la tournée et faire juste la télévision.
Ouveillan, c'est vraiment pour les super fans, vraiment. On retrouve toujours les mêmes là-bas.
C'est génial ! Je ne savais pas ce qui se passait là-bas ! Ils ont une chance énorme là-bas ! Et puis ce côté vignes, récolte, je trouve qu'on retourne à la source. Je pense que ce sont les bases saines de ce genre d'opérations.
"Internet me fait peur"
On va parler un peu d'Internet. J'ai cru comprendre que tu savais manier la souris. Que t'apporte Internet ?
Rien du tout ! [rires] Professionnellement, bien sûr, l'information par e-mail. Ça m'évite de recevoir dix pages par jour de la maison de disques. Ne serait-ce que lire des e-mails et les effacer sans gaspiller du papier, c'est génial. Peut-être qu'on abattra moins d'arbres, bientôt. Recevoir un MP3 - un ingénieur du son qui vient de finir le titre sur lequel on a bossé la semaine passée, qui vous l'envoie sur l'ordinateur. On peut l'écouter sans se déplacer, sans envoyer de coursier... C'est un outil qui me fait assez peur. On en perd un peu le côté humain. Il y a des gens qui passent leurs journées derrière l'écran, à discuter à travers des mails avec d'autres. Ils n'ont plus le contact qu'on a là, autour d'un bon dîner, d'un bon verre, au soleil. Ça me fait peur. Et l'autre chose qui me fait peur, et qui fait peur à énormément d'artistes, c'est ce côté Napster qui est en train de tuer le métier. J'ai des potes qui ont essayé de télécharger "Si tu m'entends", il y avait deux heures et demie d'attente ! Même sans penser au côté financier de l'affaire, le marché va s'effondrer. Peut-être que le seul avenir qu'a ce métier, c'est la scène, finalement. Les gens se déplaceront pour voir sur scène l'artiste qu'ils ont téléchargé sur Internet. Et encore, ce sera filmé, les gens l'auront sur leur petit écran... Ça me fait très peur ! C'est un outil que j'essaie d'employer au minimum pour ce dont j'ai vraiment besoin.
As-tu participé à l'élaboration de ton site officiel ?
Oui. Je suis venu pour dire ce que j'avais envie qu'il y ait en page d'accueil, voir si la présentation avait une bonne approche, si c'était facile pour un utilisateur lambda. Il y a des sites, faut comprendre ! Je voulais que cela soit chaleureux et puis comme on était dans une phase où on a très peu de photos [rires] - ça tu l'as remarqué ! - on s'est servi des images du clip. Encore une fois, arrivant dans ce métier, il est bien d'utiliser toujours le même support, quitte à en abuser, pour dire c'est le même clip, c'est la même pochette. Mon rêve, c'est de ne plus avoir à mettre mon visage sur une pochette.
Pour l'instant, ce site, c'est une vitrine. Il n'y a que quelques pages. Tu n'as pas envie de créer un univers comme Alain Souchon l'a fait avec son fils ?
Je trouve que pour l'instant, c'est un manque d'humilité. J'ai un titre. On verra plus tard. On ne va pas commencer à faire un énorme site pour un petit album. Mon objectif, c'est d'ouvrir un forum pour que je puisse répondre aux gens qui viennent. C'est important.
C'est une très bonne idée !
C'est important. Je m'aperçois que d'autres sites le font. Pour avoir navigué un peu, ce qui se passe est touchant. Il y a des gens qui pensent à vous quotidiennement, qui laissent un message, parce qu'il y a un concert, une télé... Je trouve que c'est important de leur répondre. Je le fais par le biais du courrier aujourd'hui. Je pense que ce sera plus facile de le faire par e-mail.
Connais-tu les sites personnels qui te sont consacrés, et si oui, qu'en penses-tu ?
Je trouve ça génial ! Il y a même un nouveau site qui s'est ouvert suite à un concert à Lille, et on m'a envoyé le CD-R avec une feuille d'appréciation : dis-nous ce qui ne va pas pour qu'on puisse rectifier le tir. Je trouve ça vachement touchant. Je n'ai pas l'impression de le mériter ! Trois sites...
C'est le début !
C'est un beau début ! Sur un titre, ou mêmes les gens qui ont l'album... On n'est pas disque de diamant ! Dès que j'ai le temps, je ferai en sorte de suivre cela de près. J'ai pris contact avec les gens qui les ont créés pour leur donner le plus d'informations possibles. Je trouve que c'est important...
"Je ne pourrais pas concevoir de venir chanter
et de repartir entre quatre gardes du corps
dans une limousine aux vitres teintées"
Hier soir, tu étais au "Moulin à Danses", une petite salle genevoise. J'ai compté environ 25 spectateurs dans la salle. Quand tu tombes sur un public aussi restreint, est-ce que cela te rappelle tes années piano-bar, ou n'est-ce pas un peu frustrant si l'on considère que ton premier single est sur toutes les lèvres depuis le début de l'année ?
Ce n'est pas frustrant parce qu'on n'est pas venus pour hier. On est venus pour ce soir. Hier, on n'attendait rien de la salle. C'était surtout pour répéter avec les musiciens, parce qu'on n'a pas tellement le temps en ce moment. On était à Bercy il y a trois jours [NDJMF : en première partie de Lionel Richie] mais franchement, j'ai préféré hier soir à Bercy. On était tous contents, hier. On est sortis, on s'était donné à fond. Ça me rapproche de quelqu'un. Je préfère les petites salles.
Combien de temps as-tu passé dans les pianos-bars ?
Pas longtemps. J'ai fait un an, vraiment, de piano-bar, où il y avait 3-4 personnes chaque soir, et encore, qui avaient leur nez dans leur verre, ou dans leurs discussions, et qui ne m'écoutaient pas du tout. Hier, c'était donc une belle salle, pour moi ! [rires] Je préfère voir les gens comme hier, en train de danser, chanter, prendre du bon temps. Je suis content pour les gens qui étaient là. Il ne faut pas être nombriliste. Il y avait une trentaine de personnes qui étaient là. Si on a pu leur faire passer une bonne demi-heure, c'est le principal. Après, ils seront peut-être dix fois plus dans un an, vingt fois plus. On essaiera de leur donner la même chose. Ça me permet de travailler, parce qu'il faut aussi que je progresse.
Pendant les concerts, tu souris tout le temps. Est-ce que tu penses que tu aurais pu atteindre une telle osmose avec le public si tu étais devenu footballeur professionnel, ce qui était ton objectif, il me semble...
Il est dur de sourire balle aux pieds ! [rires] Tu donnes vraiment l'impression de prendre ton pied sur scène, dans tous les sens du terme, et ça, c'est fabuleux à voir ! |
J'en ai tellement rêvé, et là, c'est un cadeau que l'on me fait. On est sur scène, avec des super musiciens. J'ai aussi une chance d'avoir des musiciens exceptionnels. Dans le football, je me faisais aussi assez plaisir. On m'aurait peut-être pas vu forcément sourire avec une balle aux pieds, mais ce moment où l'on marque un but ou quand une équipe gagne, c'est aussi une jouissance assez exceptionnelle. Je n'aurais peut-être pas eu le même rapport, mais c'est vrai que cela comptait beaucoup pour moi quand même.
J'ai remarqué à quel point tu es disponible avec ton public, que ce soit pour échanger quelques mots, signer des autographes, prendre des photos... As-tu peur que cela change un jour, que tu ne puisses plus être aussi accessible ?
Non ! J'espère qu'il y en aura plus à signer, c'est tout ! [rires] Il faut rester accessible, sinon on change de métier. On fait aussi ce métier pour cela, pour rencontrer des gens. Je ne pourrais pas concevoir de venir chanter et de repartir entre quatre gardes du corps dans une limousine aux vitres teintées. Je ne saurais pas le faire. A partir du moment où l'on se met sur une scène devant des gens qui se sont déplacés pour venir vous voir, qui ont dépensé de l'argent pour venir vous voir... C'est vrai qu'après, je ne pourrai pas me mettre au milieu de la salle et signer des autographes comme je peux le faire aujourd'hui, mais si je rencontre des gens, ça sera toujours avec plaisir que j'échangerai quelques mots. S'ils me demandent une photo ou un autographe, je le ferai toujours avec plaisir, même s'il y a peut-être des moments où l'on peut en avoir marre, ou si le matin, on ne s'est pas levé du bon pied, ou si on n'a pas eu une bonne nouvelle dans la journée... On paraît peut-être moins sympa, cela peut arriver, je le conçois. Mais je crois qu'il faut toujours tendre la main. C'est une façon de dire merci d'être là. Aujourd'hui, cela me paraît normal. Si vous me voyez changer d'ici quelques temps, vous pourrez me mettre une gifle !
Jean-Michel, Fred et Delphine |
Tu reçois beaucoup de courrier ?
Je reçois une dizaine de lettres par jour...
Et qu'est-ce qu'elles racontent ces lettres... ? Je ne veux pas être indiscret, mais hier soir, j'ai remarqué - bon, peut-être que le public n'était pas tellement représentatif - qu'il y avait essentiellement des couples qui avaient entre 25 et 30 ans. J'imaginais - mais c'est caricatural - qu'il y aurait des adolescentes.
Moi aussi ! J'imaginais plus qu'il y aurait des adolescentes de 15 ans. On m'a vite catalogué "chanteur à minettes", alors que les lettres que je reçois sont de femmes mariées, qui ont des enfants. C'est plus des 25-35 ans qui m'écrivent aujourd'hui. Beaucoup de fans de Goldman, il ne faut pas le cacher. C'est un public qui a décelé dans l'album des émotions qu'ils ont dû déceler dans ses albums à lui. Ça reste très sympa. Ce sont des gens qui n'en demandent pas trop, qui ont juste envie d'en savoir un petit peu plus, qui ont envie d'avoir une petite photo dédicacée, qui me disent beaucoup bravo, qui parlent beaucoup de l'avenir, qui croient beaucoup en l'avenir. Ça fait très plaisir. On ne sent pas le "coup". Beaucoup ont déjà pris leur place pour le concert à Paris. Ils ont envie de voir la suite. C'est vachement motivant !
"Il n'y aura jamais de nouveau Goldman"
Quelle est la question que l'on te pose le plus souvent en interview ?
Est-ce que vous êtes le fils de ... ? [rires] Est-ce que tu connais Jean-Jacques ? On me pose beaucoup la question "Comment va Jean-Jacques ?"
Et alors ?
Je ne sais pas du tout ! [rires]
Et quelle est la question qui t'agace le plus ?
Agacer est un grand mot. Il y a eu un moment où j'ai eu une grande campagne de promo presse, et quand je passais du temps avec les journalistes, 99% des gens me parlaient de Jean-Jacques. Il y a un moment où je me suis dit "Attention, tu n'existes qu'à travers son nom !". C'est vraiment inquiétant, parce qu'il faut aussi exister par soi-même. J'ai toujours revendiqué mon admiration pour lui, et c'est vrai que musicalement et vocalement, on est très proches, mais ce n'est pas de l'imitation. Ecoutez l'album et vous verrez que j'ai aussi un univers, des choses à dire... La sortie de l'album a apaisé un peu tout cela. On en parle beaucoup. Les gens ont vu qu'il y avait un vrai album et pas une chanson qui aurait pu être un coup à la Alizée / Farmer. Plus le temps va passer et plus je vais essayer de me démarquer, comme a su le faire Obispo. Lui avait la chance que l'autre n'existait plus... Moi, il est encore là. Il ne faut pas être dupe. Il n'y aura jamais de nouveau Goldman. Il est unique. Je vais essayer d'être seulement Frédéric Lerner. Je vais essayer de travailler pour être le meilleur possible.
Quelle est la question la plus surprenante que l'on t'ait posée, ou la rencontre la plus bizarre que tu aies eue avec un journaliste ?
Un journaliste m'a demandé un jour si je n'étais pas prétentieux et égocentrique de chanter tout seul plutôt que de chanter dans un groupe. J'ai trouvé la question un peu bizarre et déroutante. C'est une question à laquelle on ne pense pas. Je ne pensais pas qu'il faudrait un jour que je dise pourquoi je me mets en avant seul, et pas dans un groupe. Je n'ai pas eu la culture groupe. Ce n'est pas du tout du nombrilisme. Je suis un chanteur de variété française.
Pour l'instant, il existe relativement peu d'interviews intéressantes sur toi - en tout cas, je n'en ai pas trouvées - et cette interview ne sera présente que sur internet. Quel message aimerais-tu faire passer aux internautes qui aiment tes chansons, et qui vont lire cet entretien ?
J'aimerais leur dire merci d'être là, et j'ai hâte de pouvoir les rencontrer sur scène, où j'ai la chance de pouvoir faire tout ce que je n'ai pas pu faire dans l'album. S'ils veulent en savoir un peu plus, ils auront certaines réponses sur scène. J'ai hâte de rencontrer tous ces gens qui prennent leur temps pour envoyer des messages, qui écoutent les chansons dans leur quotidien. J'ai hâte de les rencontrer pour leur dire merci et leur donner encore plus. Si je pouvais leur apporter le reste, sur scène, cela me ferait plaisir.
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