10 albums de légende
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10 albums de légende
Nostalgie, 13 septembre 2001
Sébastien Ministru et Bruno Fernandez
Retranscription de Claire Robert
Bruno Fernandez : Le jeudi, nous continuons, comme les autres jours de la semaine d’ailleurs, à vous parler de ces 10 albums marquants, ces 10 albums de légende qui ont marqué les années 80 : la décennie dorée. Et puis c’est vrai que ce jeudi, on fait un petit retour en France comme on l’avait fait la semaine passée en parlant de France Gall. Cette semaine, c’est un arrêt du côté de chez l’ami JJG, plus communément appelé Jean-Jacques Goldman. Sébastien, bonjour.
Sébastien Ministru : Bonjour Bruno. Oui, JJG avec un album : "Entre gris clair et gris foncé", c’est presque aussi compliqué à prononcer que "Thriller" et "The Joshua Tree" en même temps. Enfin, c’est pas de notre faute… En 1987 donc, "Entre gris clair et gris foncé". Alors, Jean-Jacques Goldman, évidemment, c’est une figure centrale de la musique française durant les années 80, qui oserait dire le contraire ? Et bien, pendant ces années-là, il ne fait que consolider sa position de recordman. Avec Francis Cabrel, c’est aussi un cas d’école puisqu’il prouve qu’on peut traverser une époque aussi dure, radicale et cynique que les années 80 sans se plier à quoi que se soit : ni à la critique, ni à la mode, ni aux modes.
Bruno Fernandez : Oui, c’est la moindre des choses qu’on puisse dire. C’est pas vraiment quelqu’un qui a un look très déterminé Jean-Jacques Goldman.
Sébastien Ministru : Non, on est quand même très très loin de Prince et Madonna avec Jean-Jacques Goldman et c’est entre autre pour ça que le public s’y retrouve dans son monde. C’est parce qu’il lui ressemble, c’est parce qu’il ressemble à tout le monde, un type ordinaire quoi. La version française du boy-next-door : le garçon qu’on ne remarque même pas en descendant l’escalier. Chez Jean-Jacques Goldman, il n’y a pas de place pour ça, il n’y de la place que pour les chansons et que pour la musique.
Bruno Fernandez : On peut dire qu'en cette année 87, sur ce coup-là, il en prend de la place l’ami Jean-Jacques.
Sébastien Ministru : Et bien oui, parce que cet album-ci qui est un double album, et bien, il y en a deux de disques ! Et là, il se permet vraiment quelque chose que peu de gens peuvent se permettre : il va développer , sur le même projet, un disque très 87 avec beaucoup de synthétiseurs, très bande FM et un disque plus lui-même encore avec beaucoup de guitares. C’est un projet ambitieux, c’est un peu son disque péplum avec des effets synthétiques et des effets rustiques, et le public qui entend adore.
Bruno Fernandez : Mais, concrètement, c’est quoi qu’on attend de Goldman à cette époque-là ?
Sébastien Ministru : Moi, je crois qu’on attend de lui qu’il raconte des histoires, c’est un peu le troubadour des années 80, je trouve. Ce sont des histoires simples, touchantes, qui prennent parfois un peu position, qui commentent un peu l’actualité, qui font un peu critique sociale mais pas trop ou bien qu’il se laisse carrément aller à la contemplation poétique et "Entre gris clair et gris foncé" marque un aboutissement dans cette façon que Goldman a de poser le regard sur les choses. C’est un disque qui fait vraiment le compte rendu personnel d’une décennie qui est, quand même, une décennie traversée par l’angoisse et l’espoir, le sentiment de solitude et le sentiment de citoyenneté, la bonne et la mauvaise conscience. Et Goldman est la voix, en fait, qui porte tout ça. Parce que des chansons comme "Elle a fait un bébé toute seule", je sais pas si quelqu’un d’autre aurait pu chanter ça, "Filles faciles" non plus, "C’est ta chance". Tout l’album s’inscrit en reflet de questions qui font débats en ce temps-là et comme le travail d’un artiste qui veut rester humble et qui en fait… comment dire… une sorte de Coluche chantant.
Bruno Fernandez : Un peu moins provocateur que Coluche quand même.
Sébastien Ministru : Oui, il est nettement moins provocateur mais il suscite autant la sympathie de ses admirateurs. Des fans qui acceptent, je dirais, pratiquement tout de lui. Comme ce double album, justement, qui va dans deux directions. C’est un chanteur fédérateur comme on dit, qui crée le consensus et c’est assez parlant de la fin des années 80 : on écoute, on suit, on fait confiance à des personnalités qui ne s’expriment plus seulement dans leur musique mais qui s’expriment sur des questions publiques. Alors, Goldman est une présence des années 80, une présence rassurante qui peut chanter des choses comme "On sera jamais des standards, des gens bien comme il faut" et c’est un artiste qui mérite qu’on y réfléchisse.
Bruno Fernandez : Jean-Jacques Goldman, le deuxième français présent dans ce top 10 des albums les plus marquants des années 80…
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