Les dessous du nouveau Goldman
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Les dessous du nouveau Goldman
Le Parisien, 20 novembre 2001
Maurice Achard, Bruno Courtois, Sébastien Catroux
Retranscription de Elsa S.
Article ci-après, Maurice Achard :
"Chansons pour les pieds", tel est l’étrange titre du nouveau disque de Jean-Jacques Goldman qui sort aujourd’hui. Mais le chanteur n’en est pas à une curiosité près : pour lancer ce CD – très festif -, il a eu de drôles d’exigences… On se demande, parfois, pourquoi Jean- Jacques Goldman a choisi un métier public, tant il en accepte difficilement les règles du jeu. Au moment de la sortie de chaque nouvel album - comme aujourd'hui avec "Chansons pour les pieds" -, il a du mal à "communiquer". Avec la presse notamment, dont il semble se méfier d'une manière de plus en plus maladive. Dès lors qu'il s'agit d'écouter son disque ou d'une éventuelle interview de sa personne, il multiplie les conditions, quitte à ce qu'elles soient de plus en plus sidérantes (voir page suivante). C'est d'autant plus ennuyeux que l'artiste en question est intelligent, plutôt attachant, bénéficiant même d'une image particulièrement positive au sein de l'opinion. L'image d'un chanteur intègre, pur et dur, irréprochable. Avec son air constant de s'excuser d'être là, son air craintif de se faire gruger, et son air frileux comme s'il portait une écharpe soulevée par le vent, Jean-Jacques Goldman est le poète d'aujourd'hui le plus proche des Français. Maîtriser son image
Mais c'est un homme complexe, qui veut maîtriser son image autant que sa parole, sans se rendre compte qu'en se conduisant ainsi il empiète sur nos prérogatives. En refusant, par exemple, que sa photo et son nom figurent à la Une de notre journal pour annoncer un hypothétique entretien, il se mêle de ce qui ne le regarde pas : l'élaboration au quotidien... de notre quotidien. D'autres artistes, déjà, ont de plus en plus tendance à exiger, eux, la première page ou à imposer “leur” photo, au lieu de nous laisser décider et de faire confiance à nos propres photographes. A quand la livraison directe de l'article avec le reste de la promotion ? Hier, en début d'après-midi, nous avons pu tout de même, enfin, faire la connaissance du nouvel album de Jean-Jacques Goldman. "Chansons pour les pieds" est un disque festif, chaleureux (voir notre critique). Son curieux titre signifie que chaque chanson correspond à une danse et qu'en passant de l'une à l'autre on retrouve cette ambiance si humaine, si simple et si vraie des bals populaires. Bonne idée dont Goldman devrait lui-même prendre de la graine en cessant de tout compliquer, en se laissant approcher, en faisant confiance aux autres. Histoire de faire quelques pas de danse avec nous, sans se faire prier.
Article ci-après, Bruno Courtois :
C’est un perfectionniste, un bosseur-né, quelqu'un qui ne fait pas les choses à moitié. Qu'il soit sur scène ou en studio, qu'il s'agisse de la gestion de son patrimoine comme de la défense de ses intérêts, Jean-Jacques Goldman déteste l'à-peu-près et prend tout très au sérieux.
C'est incontestable : à l'applaudimètre, Goldman est toujours champion. Il a l'image d'un homme pur, intègre et surdoué. Pour cette raison, il est adulé par toutes les générations. La sienne d'abord - il a fêté ses 50 ans le 11 octobre - mais aussi celle de sa toute jeune femme, Nathalie, une ravissante Eurasienne de 22 ans avec laquelle il vivait depuis plusieurs années et qu'il a épousée le mois dernier, à Marseille. Une popularité due à son immense talent mais aussi à ses engagements humanitaires, notamment au sein des Enfoirés, au profit des Restos du coeur. Des relations très particulières avec l'argent : pour renforcer encore son image, ce père de trois enfants joue à fond la carte des anti- showbiz, s'affirmant plus proche des provinciaux que des Parisiens et affichant une sainte horreur des discussions de salon. Paradoxal quand on connaît son train de vie. Car cet homme au caractère bien trempé a des relations très particulières avec l'argent. S'il vient de s'acheter un sublime hôtel particulier à deux pas de la place Saint- Sulpice, à Paris - le quartier le plus cher de la capitale -, il revendique haut et fort la modestie. Toutefois, malgré son diplôme de l'Edhec, une grande école de commerce, il a préféré, depuis quelques années, confier la gestion de sa fortune à son frère cadet Robert, qui vient de renégocier pour lui un contrat en or massif avec la maison de disques Sony Music. Goldman touche désormais 24 % de royalties sur ses ventes de disques. Un pourcentage unique dans le milieu de la musique, qui lui réserve d'énormes recettes, auxquelles s'ajoutent d'ores et déjà les droits d'auteur sur les chansons qu'il a écrites pour les plus grandes stars, que ce soit Johnny Hallyday, Céline Dion ou Khaled. Ainsi, la maison Goldman touche plus de 40 millions de francs - 6,10 millions d'euros - par an. Repères : 1951. Jean-Jacques Goldman naît le 11 octobre à Paris. Il apprend le violon avant de se mettre au piano. 1970. Entre à l'Edhec, une école de commerce à Lille. 1981. Premier album (sans titre) et premier 45 tours "Il suffira d'un signe". 1982. Deuxième succès "Quand la musique est bonne". 1983. "Comme toi", "Au bout de mes rêves". 1984. Premier Olympia. 1985. Participe au concert pour l'Ethiopie, à celui des "Potes" à la Concorde. Ecrit et enregistre " la Chanson des Restos du coeur " à la demande de Coluche. 1986. Première tournée à l'étranger. 1987. "Elle a fait un bébé toute seule ". 1988. Tournée en Afrique suivie de la tournée des Enfoirés. 1992. Tournée en Asie et sortie, l'année suivante, de l'album "Rouge". 1994. Tournée avec les Choeurs de l'Armée rouge. 1995. Double album "Du New Morning au Zénith ". Ecrit "D'eux" pour Céline Dion et produit l'album de Johnny Hallyday "Lorada " après lui avoir écrit "le regard des autres". 1996. Ecrit "Aïcha" pour Khaled, “Je voudrais la connaître” pour Patricia Kaas. 1997. Album "En passant". 1998-2000. Ecrit à nouveau pour Céline Dion puis pour Yannick Noah, de Palmas, Maxime Le Forestier. 2001. Album "Chansons pour les pieds". Article ci-après, Sébastien Catroux : Avec Jean-Jacques Goldman, rien n'est simple. Avec la presse écrite, surtout, le chanteur sait afficher ses exigences, dignes de celles imposées par des stars américaines de la stature de Madonna ou de Michael Jackson.
Pour les journalistes désireux de rencontrer l'artiste à l'occasion de la sortie de "Chansons pour les pieds", son nouvel album en vente aujourd'hui, les conditions sont claires : il faut d'abord envoyer une "lettre de motivation" que lui transmettra sa maison de disques, Columbia - un label de Sony Music - puis attendre, patiemment, la réponse.
Ensuite, fournir une lettre de la direction de la publication concernée promettant que, le jour de la parution de l'interview, ni le nom ni la photo de Jean-Jacques Goldman n'apparaîtront à la une ou en couverture du journal ou du magazine qui aura recueilli ses propos. Pour le moment, trois publications se sont pliées à ces desiderata.
Fidèle, depuis ses débuts, à ses principes, Jean-Jacques Goldman aime contrôler tout ce qu'il dit et tout ce qui se dit de lui. Et ne se prive pas de répondre aux critiques, le cas échéant. Déjà, en 1985, après une tournée et un passage par le Zénith de Paris, il avait réuni quelques articles déplaisants à son égard dans une publicité, tout en félicitant ses fans d'une formule bien choisie : "Merci d'avoir jugé par vous-même".
En février 1999, une enquête du quotidien "Le Monde", titrée "Jean- Jacques Goldman et Pascal Obispo, les pompiers du succès", s'en prenait au Goldman auteur-compositeur pour d'autres artistes, pointant une "stratégie commerciale" qui consiste à faire appel à une vedette pour relancer la carrière d'une autre . A l'époque, Jean-Jacques Goldman avait répondu par une lettre publiée dans le journal du soir en relevant quelques inexactitudes et en concluant : "C'est votre droit de supposer le monde si cupide, si laid. Je sais chaque jour que c'est heureusement inexact". Une discrétion qui, à force d'être calculée, finit par se retourner contre lui-même
On est, avec ces deux exemples, au coeur du système Goldman : une immense méfiance vis-à-vis de la presse et une farouche volonté de s'adresser directement à son public, sans médiateurs ni intermédiaires d'aucune sorte. Comme une revanche, en fait, sur un certain esprit qui voudrait que tout ce qui se vend est "laid" et qu'un chanteur est obligatoirement quelqu'un qui s'exprime à tort et à travers dans les médias. Lui, il a choisi la discrétion, parfois à outrance. A la télévision, on le verra néanmoins, samedi prochain, dans l'émission "Plus vite que la musique", sur M6, et, pendant les fêtes, sur France 2, dans l'émission "Secrets de stars". Une discrétion qui, à force d'être calculée, finit par se retourner contre lui-même et par apparaître, en fait, comme une méthode efficace pour se vendre. Et pour vendre des disques, beaucoup de disques, par la même occasion. De l'anti-marketing très marketing.
"Chansons pour les pieds", festif **** Dans son nouveau disque, "Chansons pour les pieds", qui sort aujourd'hui, Jean-Jacques Goldman ne cache pas son jeu. Les "pieds" auxquels il fait allusion, ce sont ceux qui servent à danser dans les bals populaires. Ainsi, au fil de ces douze nouveaux morceaux, il passe en revue douze styles musicaux différents, du rock au slow en passant par la fanfare, la gigue et le disco. Le tout avec une préférence pour les rythmes et les instruments celtiques, palpable dans les titres "Et l'on n'y peut rien" et "Tournent les violons". Mais Goldman excelle dans les ballades. Sur cet album, les morceaux "la pluie", "Si je t'avais pas" et "Je voudrais vous revoir " (qualifié, dans l'épais livret joliment illustré, de "zouk lent") se détachent nettement de cet ensemble festif où l'orchestre Goldman, bien remonté, s'en donne à coeur joie.
Jean-Jacques Goldman, "Chansons pour les pieds" (disques Columbia). Prix : 130 F (19,82 €). Notre cote : ***** chef-d'oeuvre, **** excellent, *** bon, ** moyen, * sans intérêt.
Les grands artistes s’adressent à lui : On ne compte plus les artistes pour lesquels Jean-Jacques Goldman a écrit des chansons et composé des musiques. Parmi eux figurent Johnny Hallyday, Céline Dion, Patricia Kaas, Khaled, Florent Pagny, Marc Lavoine, Philippe Lavil, Robert Charlebois, Joe Cocker. Avec, à chaque fois ou presque, un tube assuré, une carrière remontée, un public comblé.
En fait, tout a commencé en 1985 avec l'aventure des Restos du coeur pour lesquels Goldman a écrit "la Chanson des Enfoirés". Ensuite, il s'est attaqué à l'album "Gang" pour Hallyday, et Marc Lavoine a fait appel à lui pour son album "Forever" [sic]. Tout en se cachant derrière des pseudonymes (S. Oats, O'Medor [sic], Sam Brewsky [sic], etc.), il a également travaillé pour Patricia Kaas et Florent Pagny, composé le tube "Aïcha" pour Khaled et, surtout, l'album "D'eux", celui du triomphe de Céline Dion. Plus récemment, il a signé les paroles du "J'en rêve encore" de Gérald de Palmas, un des succès de l'année.
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