Chronique de Laurent Ruquier
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Chronique de Laurent Ruquier
Europe 1, 20 novembre 2001
Laurent Ruquier Retranscription Elsa S.
Avertissement : Laurent Ruquier s'adresse dans cette chronique à Julie qui depuis 1996, accompagne les journalistes et les animateurs entre 8 h 15 et 10 h 45 sur Europe 1.
Jean-Jacques Goldman sort aujourd'hui son nouvel album "Chansons pour les pieds" ce qui lui vaut une énorme photo à la une du Parisien aujourd'hui avec le titre : "Le cas Goldman" et ce commentaire : "le chanteur n'en est pas à une bizarrerie près si l'on se réfère aux curieuses conditions et exigences dont il a souhaité entourer l'événement, de l'art de faire du marketing en donnant l'impression du contraire", je cite le Parisien. Et c'est en lisant les pages deux et trois, puisque pour le Parisien la sortie de ce nouvel album c'est le "fait du jour", qu'on comprend mieux pourquoi Goldman fait la une du journal : c'est parce qu'il ne veut pas la faire, Julie !
Je m'explique; ou plutôt Maurice Achard, rédacteur en chef, s'explique à l'intérieur. "En refusant que sa photo et son nom figurent à la une de notre journal pour annoncer une hypothétique interview, il se mêle de ce qui ne le regarde pas, l'élaboration de notre quotidien", je cite. Bref, résumé, Goldman veut bien accorder une interview à condition de ne pas être à la une. Le Parisien n'a pas accepté donc pas d'interview du chanteur dans le journal, et pour l'emmerder le met donc à la une. Vous suivez ? [Julie : Ben oui ] C'est compliqué.
Quand on pense que la plupart des attachés de presse se battent pour obtenir la couv' d'un journal et d'un magazine y'a pas mal d'impresarios qui doivent s'arracher les cheveux devant cette situation particulièrement ubuesque. Dans le même article consacré aux exigences goldmanesques, Maurice Achard, explique et se plaint que d'autres artistes ont, je cite, "de plus en plus tendance à imposer leur photo au lieu de nous laisser décider et de faire confiance à nos propres photographes, à quand la livraison de l'article avec le reste de la promotion", écrit-il. Faut pas tout mélanger quand même. Maurice Achard pourra toujours bien écrire ce qu'il voudra dans la Parisien et il le prouve d'ailleurs, tout ça ce matin et c'est tant mieux mais pour ce qui est de la photo, ben oui, les artistes préfèrent choisir la photo plutôt que de se retrouver, comme ça arrive souvent, Julie, vous le savez, avec un cliché vieux de dix ans, les doigts dans le nez où le pif rouge parce que c'était pris à l'issue d'une soirée bien arrosée. Ce n'est pas la liberté de la presse qui est en cause non, c'est juste qu'on a parfois un mauvais profil, et si certains artistes et c'est sûrement le cas de Goldman réclament parfois de relire les articles c'est par exemple pour éviter de lire, je donne un exemple qui me concerne, dans le dernier reportage de Télé Star, que je fais une chronique tous les matins sur Europe avec Maryse alors que Julie, vous vous levez tous les matins à six heures pour être ici à mes côtés depuis deux ans et demi [Julie: le journaliste s'est excusé, il m'a écrit] C'est vrai ? C'est rare !
Revenons aux pages consacrées au cas Goldman, un autre journaliste du Parisien, Sébastien Catroux, écrit ce matin : "avec Jean-Jacques Goldman rien n'est jamais simple, avec la presse écrite surtout, le chanteur sait afficher ses exigences dignes de celles imposées par des stars américaines de la stature de Madonna ou de Michael Jackson". Et bien moi, je dis : il a raison Goldman ! Pourquoi la presse accepte des stars américaines ce qu'elle refuserait à une des rares stars de la chanson française avec Johnny Hallyday ? Goldman qui a fait le succès du dernier album de Céline Dion, succès international, signé le retour de Florent Pagny, de de Palmas, Patricia Kaas, fait le succès de l'album pour Johnny, Khaled ou même Yannick Noah. Alors oui, il a le droit d'avoir quelques exigences, Goldman. Il se méfie des journalistes, et bien, il n'a pas tout à fait tort, d'autant que dans le même journal ce matin, on peut lire, sous la plume d'un troisième journaliste, Bruno Courtois – décidément toute la rédaction du Parisien devait être mobilisée, il n'aurait pas fallu qu'un Boeing percute la tour Montparnasse hier ! – je cite cette phrase, dans l'article de Courtois, "s'il vient de s'acheter un sublime hôtel particulier à deux pas de la place Saint Sulpice à Paris –le quartier le plus cher de la capitale- , entre tirets, Goldman revendique haut et fort sa modestie". Et bien voilà, c'est à causes de phrases comme ça que Jean-Jacques Goldman peut se permettre de ne plus parler à la presse ! Ben oui, on peut être modeste et acheter un hôtel particulier place Saint Sulpice quand on en a les moyens. Moi, à la place de Goldman, j'en aurai même acheté deux hôtels particuliers place Saint Sulpice, n'importe qui ferait la même chose à sa place, modeste ou pas. Moi, j'aimerai bien savoir si Bruno Courtois, étant suffisamment bien payé par son rédacteur en chef Maurice Achard, s'il achèterai pas, dans ce cas là, un hôtel particulier dans le sixième plutôt qu'un F2 à la Courneuve uniquement parce qu'il est modeste ! Bon après tout ça, je ne suis pas près d'avoir ma photo à la une du Parisien, mon attaché de presse va s'arracher les cheveux qu'il lui reste et tout ça pour soutenir un chanteur que je ne connais même pas !
Signalons quand même que la critique de l'album est bonne dans le journal, festif avec quatre étoiles, c'était bien le moins ! Donnons le mot de la fin à Olivier Ranson, le dessinateur du Parisien et c'est pas parce qu'il a rejoint notre équipe sur Europe, [Julie : vous êtes sûr ?!] c'est parce qu'il est très bon ! Ranson dans le même journal dessine Goldman qui explique très bien sa position aux journalistes, je cite : "Désolé, quand j'ai quelque chose d'autre à dire que ce qu'il y a sur mes disques je le vends aux autres chanteurs !" Voilà, ça au moins c'est drôle. Signalons d'ailleurs que Libération n'évoque pas aujourd'hui la sortie de l'album de Goldman, "Chansons pour les pieds", voilà qui va en tout cas éviter un titre dans Libé du genre : "l'album de celui qui chante comme un pied" c'est toujours ça de gagné pour Jean-Jacques !
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