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On a tout essayé
(France 2, le 27 novembre 2001)

On a tout essayé
France 2, le 27 novembre 2001
Interview menée par Laurent Ruquier accompagné de son équipe : Isabelle Mergault, Gérard Miller, Isabelle Alonso, Jean-François

Intervention de Maurice Achard ("Le Parisien") dans "On a tout essayé", au sujet des conditions de lancement de l'album "Chansons pour les pieds" de Jean-Jacques Goldman.

[Dans la rue, Dan Bolender teste la "réaction des pieds" des passants à l'écoute de l'album]

Laurent Ruquier : "Chansons pour les pieds", c'est le titre du nouvel album de Jean-Jacques Goldman testé par Dan Bolender. C'est vrai que les chansons qu'on trouve sur cet album sont toutes des danses, il y a un canon, une gigue, un slow, une tarentelle, un rhythm'n blues, une ballade, du disco, du rock'n roll, un zouk, une fanfare swing et une chanson pop.

Alors vous avez, évidemment, Maurice Achard, écouté cet album. Vous êtes responsable du service culture au journal "Le Parisien / Aujourd'hui", et vous êtes un des premiers magazines quotidiens à avoir osé dénoncer le "système Goldman" le jour même de la sortie de l'album. Il donne des interviews, mais sous certaines conditions, à la presse. Expliquez un peu ce que vous avez fait ce jour-là.

Maurice Achard : Ce jour-là, on a décidé, à l'occasion de la sortie du nouvel album, d'en dire un peu plus. On a voulu parler aussi de la difficulté qu'on rencontre, nous, les journalistes, notamment de presse écrite, à travailler avec Jean-Jacques Goldman. Par exemple, pour la sortie de ce nouvel album, au départ, pour qu'on puisse écouter l'album et éventuellement avoir droit à une interview, on nous a dit qu'il fallait envoyer une lettre de motivation. Alors bon, on était un peu surpris, on s’est dit, pas question. Et puis, on nous a expliqué qu’une fois que l’interview serait acceptée, suite à cette lettre de motivation, il faudrait que la direction du journal envoie une lettre assurant Goldman, promettant à Goldman qu’il n’aurait pas la Une. Alors là, on s’est dit, c’est assez curieux car d’habitude les artistes posent d’autres exigences, mais en général, ils veulent la Une. Là, Goldman n’en veut pas.

Laurent Ruquier : Vous êtes d’accord que vous avez fait la Une sur Goldman pour emmerder Goldman ?

Maurice Achard : Oui, pour le coup on a mis la photo…

Raphaël Mezrahi : Est-ce que vous ne voulez pas m’emmerder la semaine prochaine ?

[rires]

Laurent Ruquier : Oui, c’est vrai qu’il y a beaucoup d’artistes qui aimeraient bien être emmerdés comme ça.

Maurice Achard : Plus ça va, plus les artistes posent des conditions aux journalistes. Alors il y a "Oui, à condition d'avoir la Une", "Oui, à condition que les photos soient les photos de la production et pas celles de vos photographes"… Ce que je constate simplement, c'est que parfois, au bout de quelques coups de fil, on nous demande, "Alors, vous allez titrer comment ?" Moi, je dis simplement, chacun fait son métier, c'est un problème de confiance. J'ai toujours été assez intransigeant là-dessus.

Laurent Ruquier : Je vous interromps parce que vous voulez faire votre journal comme vous voulez mais moi, je veux faire mon émission comme je veux et donc…

[rires]

Laurent Ruquier : Je voudrais qu'on réagisse point par point à tout ce que vous avez dit. D'abord, les conditions imposées par Jean-Jacques Goldman, qui, c’est vrai, on doit l'admettre, sont assez curieuses, la lettre de motivation, le fait de ne pas vouloir être à la Une s'il y a une interview…

Gérard Miller : L'idée de lettre de motivation, je déteste ça. Je déteste ça dans le monde du travail, je déteste ça pour tout. Par contre, que Goldman mette un certain nombre de conditions, par exemple pour ses interviews, je trouve que c'est la moindre des choses. Quand vous citez quelqu'un entre guillemets, c'est normal que la personne revoie ce qu'elle a dit. Moi j'ai donné une fois une interview pour "Le Parisien", on m'a dit "vous n'avez pas le droit de relire", je vous ai fait confiance, j'étais ravi, mais combien de fois est-ce qu'on ne m'a pas fait relire des propos tenus entre guillemets et c'étaient des propos absolument faux, parce que la journaliste ou le journaliste estimait qu'on peut transformer ce qu'on dit.

Laurent Ruquier : Pareil pour la photo, Monsieur Achard, si on n'impose pas parfois une photo, on se retrouve dans certains journaux ou certains magazines, et j'en sais quelque chose, avec des photos qui datent d'il y a dix ans, avec une grosse moustache et des lunettes. Or, ce n'est plus vous, ce n’est pas vous, tout simplement parce que le journaliste a mal fait son boulot, qu'il a pris la première photo qui traînait, parce qu'il avait envie de vous faire chier ou… peu importe.

Gérard Miller : C'est plus compliqué Laurent, vous ne pouvez pas gérer votre image dès le moment où vous êtes public.

Laurent Ruquier : Qu'est-ce que vous répondez à ça ?

Maurice Achard : D’abord, je répondrai à Gérard Miller que, bien évidemment, ça suppose que le journaliste fasse bien son travail. On est d'accord que si le propos est déformé, c'est très ennuyeux. Evidemment, quand je me défends comme je me défends, c'est parce que moi, c'est mon métier, je ne sais faire que ça, j’essaie de le faire bien, j'aime bien qu'on me fasse confiance. Goldman, ça fait dix ans que je lui cours après, je lui ai envoyé une lettre, il m'a renvoyé une lettre charmante me disant "Oui, vous avez l'air…"

Raphaël Mezrahi : C'est trop tard, il s'est marié.

[rires]

Maurice Achard : C'est dommage parce que moi j'ai des tas de questions intéressantes à lui poser.

Laurent Ruquier : C'est votre domaine, la musique, vous vous y connaissez en tout cas. Maurice Achard est responsable du service culture du "Parisien" mais en plus c'est un spécialiste de la variété, de la musique.

Gérard Miller : Monsieur Achard, vous savez qu'il y a des tas de journalistes éminents qui considèrent que c'est très normal qu'on relise une interview. Il y en a plein qui ont une autre conception de la chose.

Maurice Achard : Il y a un débat, je suis d'accord, moi je veux simplement qu'on me fasse confiance, qu'on fasse confiance à mon équipe. Maintenant pour les photos, on a des photographes au "Parisien". Maintenant, ils vont se croiser les bras parce que chaque artiste a son photographe attitré…

Annie Lemoine : La photo, c’est de l’info, et donc ça doit être une photo récente, ce qui n’est pas souvent le cas. Si vous mettez une photo d’il y a dix ans, ce n’est plus la personne d’aujourd’hui.

Maurice Achard : Cela dit, c’est à nous de bien faire notre travail. C’est vrai qu’une fois, on a placé une photo de Liane Foly qui datait d’il y a dix ans. Comme elle change de look tous les huit jours, c’est embêtant pour elle.

Laurent Ruquier : Elle va être contente, elle nous regarde depuis Londres, méfiez-vous.

Maurice Achard : Non mais on peut faire des bêtises, c’est vrai.

Isabelle Mergault : C’est pour ce genre de réflexion qu’on a envie de contrôler son image, pour la réflexion que vous venez de faire. "Elle change de look tous les huit jours". C'est dégueulasse comme réflexion, elle n'a pas changé de look depuis longtemps. Elle s'est fait refaire quelque chose qui ne lui plaisait pas et moi, c'est pour des réflexions comme ça, à la "mords-moi le nœud" que je refuse, que je veux tout contrôler, que je refuse qu'on parle à ma place. De toute façon, on ne me demande pas grand chose.

[rires]

Annie Lemoine : Goldman est un artiste qui a beaucoup de talent, il n'a pas besoin de vous, ni de moi, ni des médias pour vendre des disques, tant mieux pour lui. Il n'a pas envie de vous parler, c'est son droit, il n'y a pas autre chose à dire.

Maurice Achard : Moi, je ne me considère pas comme un relais promotionnel. Moi, je fais de l'information…

Annie Lemoine : Excusez-moi, mais ça s'est tellement mal passé avec les journalistes, avec la presse, avec les critiques. Quand il prend en pleine poire "Jean-Jacques Goldman est vraiment nul", etc. Rappelez-vous ce qu'il a fait, il a acheté un page dans "Le Monde" je crois, il a mis toutes les mauvaises critiques qu'il avait eues, et il en a eu plein, et après le Zénith, il a écrit en dessous "Merci d'avoir jugé par vous-même" à ses fans.

Maurice Achard : C'est intéressant que vous en parliez, c'est le fameux problème "Tant pis si les critiques n'aiment pas, l'important c'est que c'est le public qui décide" et c'est vrai. Et vous dites, Jean-Jacques Goldman n'a pas besoin de vous, ses disques sont assez bons pour marcher tout seuls. C'est vrai, en plus le dernier album est vraiment bien, on a mis quatre étoiles. Moi je l'adore, je le trouve sympa comme tout, festif.

Isabelle Alonso : Le coup de la lettre de motivation, moi, franchement, je trouve ça très drôle. C'est de l'humour, c'est un retournement des rôles. C'est-à-dire qu'en général, vous avez les artistes qui supplient quasiment la presse de bien vouloir parler d'eux, lui, il se paye le luxe de dire "Ah bon, vous voulez parler de moi, envoyez-moi une lettre de motivation". Très franchement, je trouve ça… Chapeau pour l'humour.

Maurice Achard : Je respecte beaucoup Goldman, j'aimerais simplement qu'on respecte aussi, encore un tout petit peu notre liberté d'agir dans le cadre d'un journalisme qui est un métier que j'adore parce que franchement, à vous entendre, vous dites qu’il a tous les droits.

Isabelle Alonso : Si vous respectez Goldman, s'il dit "je ne veux pas la Une", et bien il n'a pas la Une.

Jean-François Dérec : Mais pourquoi vous voulez faire une page, pourquoi vous voulez faire une première page sur Goldman, et pas sur Jean-Christophe Bérard qui a également sorti un disque, c'est intéressant ça.

[rires]

Laurent Ruquier : Parce que ça fait vendre, évidemment, Goldman. Est- ce que ça varie vraiment en fonction des unes un quotidien ?

Maurice Achard : Oui, je me souviens, mais il y a déjà pas mal de temps, à l'époque, mieux valait titrer sur Tapie que sur la Bosnie, parce qu'on vendait plus sur Tapie que sur la Bosnie.

Raphaël Mezrahi : Mais "Le Parisien" c'est rarement ça. C'est plutôt "Les Français préfèrent-ils la caravane…" ou je ne sais quoi, c'est toujours ça les titres du "Parisien". Ce sont des génies, les gars qui travaillent chez vous… "Les Français préfèrent-ils le caravaning ?" …

Jean-François Dérec : Le problème avec les photos, c'est que souvent, quand on dit qu'on n'est pas content des photos, en général, malheureusement, c'est surtout de sa gueule qu'on n'est pas content.

[rires]

Laurent Ruquier : Ça, c'est vrai, il a raison. Vous êtes d'accord, Maurice Achard, pour qu'on regarde ensemble un extrait de la chanson "Ensemble", premier extrait de l'album "Chansons pour les pieds" de Jean-Jacques Goldman ?

[extrait de l’enregistrement de "Ensemble"]

Laurent Ruquier : Ça a été enregistré à Alès cet été, avec la chorale des "Fous chantant d'Alès", mille choristes en tout, c'était un extrait du concert dédié à Gilbert Bécaud, enregistré, je l'ai dit, à Alès.

Jean-François Dérec : Je trouve qu'il a été un peu chiche parce que lui, il a mis un seul canon alors que nous on en a quand même trois !

[rires]

Isabelle Alonso : Alors ça s'appelle "Chansons pour les pieds", c'est une chanson pour la tête et pour le cœur. Ça vous fait vibrer, les paroles sont absolument géniales. "Tournent les violons" est une merveille. C'est un bijou d'un bout à l'autre.

Gérard Miller : Pas la moindre hésitation, c'est vrai que c'est formidable, on comprend qu'il soit quand même un des plus exigeants.

Laurent Ruquier : Voilà, maintenant il se dit "Tiens maintenant je peux faire chier tout le monde". Maurice Achard, vous aussi vous avez aimé l'album je crois. Ça n'empêche pas que vous dénonciez l'aspect marketing du chanteur.

Maurice Achard : Ça n'a rien à voir, les deux choses n'ont rien à voir.

Laurent Ruquier : Parfait, merci beaucoup.


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