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Une chanson est forcément populaire
(L’Express, 20-26 décembre 2001)

Une chanson est forcément populaire
L’Express, 20-26 décembre 2001
Gilles Médioni
Retranscription de Yveline Masson

Rencontre avec Jean-Jacques Goldman, dont le nouvel album, Chansons pour les pieds, débarque dans nos rayons.

Patron de la chanson française et "anonyme de luxe", recordman des ventes et dévoué aux grandes causes, Jean-Jacques Goldman, 50 ans, brouille les pistes depuis "Il suffira d'un signe" (1981). Son nouvel album, Chansons pour les pieds (Columbia / Sony), contient des musiques à danser (gigue, rock, disco) et à reprendre en chœur. Son goût des chorales vient de l'école communale et du scoutisme – il écrit actuellement le nouveau "chant de promesse" des Scouts de France. Pour l'Express, cet homme de l'ombre qui refuse les Unes de magazine – "Cela vous met en devanture, agresse tout le monde, change absolument votre statut et votre vie quotidienne" - s'explique.

Gilles Médioni : Depuis toujours, vous dites composer "de la musique utilitaire sur laquelle on peut danser"…

Jean-Jacques Goldman : C'est ma façon la plus respectueuse de considérer la chanson. Il en existe d'autres, bien sûr : il y a le silence quand chante Oum Kalsoum. La connivence avec Barbara assise au piano. La puissance d'Aïda dans un stade. J'adore tous ces moments, mais celui qui m'émeut le plus, c'est lorsque les spectateurs se lèvent et se regardent. La musique devient alors comme un métal qui conduit l'électricité.

Gilles Médioni : La chanson aurait-elle une mission ?

Jean-Jacques Goldman : En tout cas, une singularité. Une chanson est forcément populaire, me semble-t-il. Je ne dis pas ça d'une façon poujadiste ou démagogique. Mais je ne crois pas qu'il existe une chanson élitiste : ça me paraît contradictoire, paradoxal.

Gilles Médioni : D'après vous, une chanson peut-elle changer sinon le monde, du moins une personne, une attitude ?

Jean-Jacques Goldman : Un professeur peut changer une vie. Pas une chanson. Elle peut désinhiber ; elle ne fait pas de nous un autre. Elle peut confirmer une vocation, pas la susciter. En ce qui me concerne, ma responsabilité est toute relative. Je ne traite pas de sujets lourds, comme le suicide. Je ne donne pas de solution politique. Et je ne me mouille pas vraiment en conseillant d'aller à l'école.

Gilles Médioni : L'album Rouge (1993) dressait pourtant la radioscopie des déçus du socialisme…

Jean-Jacques Goldman : Est-ce qu'il s'agissait d'un engagement profond ? Je ne le pense pas. Je disais juste que les idéaux de mon père, ce n'était pas Roland Dumas, que l'on avait dénaturé un idéal qui méritait encore le respect. Le disque a sans doute marqué parce que je ne parlais pas de moi, comme dans mes albums précédents.

Gilles Médioni : Lors de la campagne de Lionel Jospin pour la présidentielle de 1995, le P.S. a utilisé l'un de vos morceaux. Cela vous-a-t-il agacé ?

Jean-Jacques Goldman : Non. J'accepte tout de Jospin. C'est quelqu'un de respectable, d'honnête, qui fait ce qu'il peut entre les nécessités de la politique et ses vrais désirs. Il y a d'autres hommes politiques comme lui, à droite comme à gauche, qui servent la politique au lieu de se servir d'elle.

Gilles Médioni : Vous avez soutenu Michel Rocard. Pourtant, vous n'êtes le chanteur d'aucun parti…

Jean-Jacques Goldman : C'était un combat de fond entre Mitterrand et Rocard. Sinon, je ne pense pas du tout avoir le devoir ou le pouvoir d'influencer quiconque. D'ailleurs, je ne crois pas que les Français aiment tellement les présidents entourés de stars. Au contraire. En revanche, je veux bien militer pour inciter à voter.

Gilles Médioni : Dans "Un goût sur tes lèvres", vous demandez : "Combien d'échecs avant que l'on comprenne ? / Et d'autos brûlées pour voter FN" ?

Jean-Jacques Goldman : C'est une déclinaison de "Né en 17 à Leidenstadt" (1990). Comment réagirions-nous dans une situation exceptionnelle, comme en 1939-1945 ? Et s'il fallait entrer dans un maquis ? Et si l'on était capturé ? Evidemment, je ne souhaite pas faire face à ce genre de choix, mais cela reste un enjeu. On ne sera probablement jamais dans le troisième avion [du 11 septembre], où certains se sont révélés des héros…

Gilles Médioni : Vos textes débordent toujours de points d'interrogation.

Jean-Jacques Goldman : Sur ce plan-là, oui. J'aime puiser des enseignements du passé, peut-être parce que je suis peureux de nature.

Gilles Médioni : On vous voit plutôt rempli de certitudes.

Jean-Jacques Goldman : J'en ai. J'ai aussi des peurs, comme tout le monde. Je mets plein de réveils pour me réveiller. Je ne sais pas comment marcher dans une salle de restaurant [il rit]. Des choses banales me demandent parfois beaucoup de réflexion.

Gilles Médioni : Comment décririez-vous cette "génération Goldman" qui a aujourd'hui entre 35 et 40 ans ?

Jean-Jacques Goldman : Je la sens bien intégrée à la société. Ceux qui me suivent depuis mes débuts ont très souvent un rapport avec la vie associative. Ils sont profs, instituteurs. Ils cherchent ou ont une dimension autre que strictement matérialiste, un lien avec la religion.

Gilles Médioni : Que vous disent les gens qui vous croisent dans la rue ?

Jean-Jacques Goldman : Un mot d'une chanson. Ou ils me demandent une explication. Par exemple, pour qui avez-vous écrit "Puisque tu pars" ?

Gilles Médioni : Pour qui ?

Jean-Jacques Goldman : Mais pour eux ! A la fin de mes concerts, ils reprenaient "Ce n'est qu'un au revoir", une chanson que je trouve moche. Alors, j'ai réfléchi à un texte sur le départ à la fois triste et positif. La troisième chose dont on me parle, ce sont Les Restos du cœur.

Gilles Médioni : Le chanteur Sinclair a récemment déclaré que c'était une "mascarade" où régnait un "climat d'animosité, voire mafieux". On vous reproche de fonctionner en bande.

Jean-Jacques Goldman : Le ticket d'entrée aux Restos du cœur est super simple : il faut avoir été plébiscité par le public. Faire des cartons. On est au service des restos, donc de l'audience télé. Si je prépare une émission spéciale autour de moi, là, c'est autre chose. J'appelle mes amis, même s'ils n'ont pas de succès.

Gilles Médioni : Comment réagissez-vous quand la presse révèle que vous gagnez 40 millions de francs par an, que vous touchez 24 % de royalties sur les ventes de disques ?

Jean-Jacques Goldman : Je gagne énormément d'argent, voilà… Je n'ai pas négocié de droits d'auteur. A un certain niveau de notoriété, on vous fait des propositions très élevées : je ne vais quand même pas demander moins ! Sur cette question d'argent, je voudrais juste qu'on fasse une différence entre ces grands écrivains, ces grands acteurs, ces grands footballeurs… qui vivent à l'étranger et ne paient pas d'impôts en France et ceux qui acceptent de reverser plus de 60 % de leur revenu à la collectivité avec le sourire [il sourit].

Gilles Médioni : On vous a souvent comparé ou opposé à Pascal Obispo. De quelle façon le définiriez-vous ?

Jean-Jacques Goldman : Il a 36 ans, il aime être aimé, il a envie qu'on l'aime… Ça lui passera, j'espère. Et puis c'est très bien : c'est un moteur, une énergie, un enthousiasme. Moi, je ne me sens pas de cette génération de combattants.

Gilles Médioni : Qu'aimeriez-vous qu'on dise de vous plus tard ?

Jean-Jacques Goldman : Si l'on ne dit rien, ça ne me dérangera pas. J'adore l'histoire de Jean Sablon, un chanteur des années 40 que ma mère aimait bien. En pleine gloire, il a décidé de s'installer dans le Midi et on n'a plus entendu parler de lui. Je suis plus fasciné par ce genre de destin que par celui de John Lennon.

Gilles Médioni : Qu'est-ce qui vous pousse à continuer ce métier ?

Jean-Jacques Goldman : J'écris des chansons entre deux tennis, deux Scrabble et deux promenades. Je n'ai aucune obligation. Je me sens comme un retraité qui aime bien la chanson.


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