Les plus belles citations de Jean-Jacques Goldman
Tout sur l'actualité de Jean-Jacques Goldman
La vie de Jean-Jacques Goldman, de ses origines à aujourd'hui
Tout sur les chansons de Jean-Jacques Goldman
Tous les albums de Jean-Jacques Goldman
Tous les DVD et les cassettes vidéo de Jean-Jacques Goldman
Toutes les tournées de Jean-Jacques Goldman depuis 1983
Interviews, essais, livres
Robert Goldman : l'autre Goldman
Pierre Goldman : le dossier
L'histoire des Restos du Coeur et les tournées des Enfoirés
Les sondages de Parler d'sa vie
Listes de discussion et de diffusion, liens, adresses utiles, recommandations
Goodies : Jeu, fonds d'écran, humour...
Le livre d'or de Parler d'sa vie
Le pourquoi de tout ça...

Zep : il a fait le livret tout seul
(BoDoï n°35, janvier 2002)

Zep : il a fait le livret tout seul
BoDoï n°35, janvier 2002
Article de Frédérique Pelletier
Retranscription de Jean-Michel Royer

Le père de Titeuf raconte comment il a illustré le CD de Jean-Jacques Goldman.

On n’est pas peu fiers : c’est en découvrant le carnet de voyage de Zep, le père de Titeuf, paru dans BoDoï #33, que Jean-Jacques Goldman a eu l’idée de lui confier l’illustration du livret (68 pages !) de son album, “Chansons pour les pieds”. Goldman et le Goldfinger de la BD qui transforme en or tout ce qu’il touche, et qui adore le rock (souvenez-vous de l’hilarant “Enfer des concerts”) ont évidemment choisi votre magazine pour raconter leur collaboration.

Par une belle journée de l’été 2000, un fidèle lecteur de BoDoï, Alexis Grosbois, concepteur du livret accompagnant “Chansons pour les pieds”, dernier CD de Jean-Jacques Goldman, tombe sur les carnets de voyage de Zep parus dans notre n° 33. Il les montre au chanteur qui flashe illico sur ces vues de Katmandou, Grenade et Bakthapur (Népal). Globe-trotter lui aussi au temps de sa jeunesse d’étudiant à l’EDHEC (Ecole des Hautes Etudes Commerciales) de Lille, le célèbre songwriter s’est-il replongé dans ses années folles ? ”Difficile d’expliquer une séduction !, raconte Jean-Jacques Goldman. J’ai trouvé ces croquis émouvants, gais, “frais”, spontanés, beaux”. Bingo, Coup de téléphone à Zep. Première rencontre dans les bureaux du musicien à Montrouge (Hauts-de-Seine) trois mois plus tard. “Jean-Jacques a parlé brièvement du concept du concept de l’album, je lui ai montré deux, trois croquis de mes carnets”, se souvient Zep. Et en route pour une odyssée des deux artistes qui transforment en or tout ce qu’ils touchent.

L’idée du compositeur-musicien-chanteur : recréer l’ambiance de ces bals populaires dont les orchestres ruraux nous font perdre les pédales, cette musique sur laquelle on s’enlace, cette musique toute simple qui fait oublier les tracas quotidiens. Chaque morceau correspond à un style musical : du show à la tarentelle en passant par le rock quasi hard. Rien n’a échappé à la vigilance de l’homme qui, à 50 ans, caracole encore en tête des hit-parades. Chaque texte est illustré par le dessinateur suisse qui, en fana de musique, a demandé en condition préalable de pourvoir “croquer” les séances d’enregistrement. “Un vrai privilège !, s’exclame Zep, même si les consoles et tous les bidules techniques ne sont pas ce que je préfère dessiner. Mais je me souviens d’un micro magnifique. Son dessin ouvre le livret. Certains l’ont pris pour une potence ! J’ai commencé par réaliser des croquis pendant les enregistrements. Après une dizaine de pages, il me démangeait de quitter le studio pour illustrer les chansons. Jean-Jacques a été cool et m’a laissé sortir”, ironise le pôpa de Titeuf qui avait interdiction de dessiner façon BD. C’est pour cela qu’on ne voit jamais le visage de Jean-Jacques Goldman, qu’on l’aperçoit toujours de dos, grattant sa guitare, regardant la mer, ou un casque à sa table de mixage. “Je ne voulais pas de style bande dessinée, ce n’est pas ce qui m’intéressait chez Zep. Et visage = BD, explique Jean-Jacques Goldman. Sacré challenge pour le dessinateur qui cartonne dans les cours de récré. Zep réalise bien des carnets de voyages, mais juste pour lui, sans intention de publication. Il n’a fait jusqu’ici qu’une seule exception pour BoDoï. “C’est une partie de mon dessin qui jusque-là était privée, intime. J’étais moins à l’aise dans cette discipline que dans la bande dessinée. Du coup, le défi m’intéressait”.

Défi relevé. Pari gagné. Zep montre qu’il est capable de s’éloigner du style caricatural de “Titeuf” avec notamment de superbes vues de Bretagne. Il s’est baladé près de Lorient où fut enregistré “Je voudrais vous revoir” zouk lent sur les amours perdues, titre préféré du dessinateur. “J’ai travaillé avec une maquette de l’album, le texte de cette chanson n’était pas encore écrit, il n’y avait que la mélodie chantée par Jean-Jacques. J’ai reçu le texte quelques mois après par mail. Et quand je l’ai chanté pour moi, j’ai trouvé ça beau… C’est vous dire le chef d’œuvre !”.

Zep, lui-même musicien amateur, se produit dans les festivals de BD. Ce fan de Lep Zep, dont il a repris le nom en hommage, a découvert Jean-Jacques Goldman en concert à 16 ans. “Il y avait des filles partout !” L’enfer ! “Depuis, je suis son travail”. Le must de JJG reste à ses yeux “Veiller tard”, sorti en 1983 dans l’album qui comprend d’autres tubes ayant bercé notre jeunesse : “Comme toi”, “Elle a fait un bébé toute seul” et “Au bout de mes rêves”. Petits aperçus des paroles effectivement inspirés : ”… Ces appels évidents, ces lueurs tardives. Ces morsures aux regrets qui se livrent à la nuit. Ces solitudes dignes au milieu des silences (…) Ces raisons-là qui font que nos raisons sont vaines. Ces choses au fond de nous qui nous font veiller tard”.

Revenons au troisième millénaire. Le livret de “Chansons pour les pieds” nous fait découvrir un Zep aussi doué pour représenter les toits de Paris (où plutôt de Montrouge) que les fenêtres campagnardes s’ouvrant sur l’être animé. Bien que Jean-Jacques lui ait interdit de dessiner des bandes dessinées, Zep a quand même remporté une manche en illustrant “Les p’tits chapeaux” sous forme de strips animaliers. Les textes collent au dessin, et l’héroïne – qui met justement plein de p’tits chapeaux bizarres – est une petite souris sortie de l’imaginaire enfantin. On n’est pas loin des bêtes chères à Lewis Trondheim. “Ça a été une négociation”, reconnaît Goldman. Pour enlever le morceau, Zep, qui était pourtant resté sagement assis lors des enregistrements, s’est révolté. “C’est une des premières chansons que j’ai illustrées. Pour moi, elle était évidente. Et de toutes façons c’était ça ou je diffusais les photos de Jean-Jacques en pyjama sur internet !”. L’argument massue. Zep a gagné.

Pour chaque chanson, l’artiste suisse proposait en général plusieurs croquis au musicien français. Le choix s’effectuait à deux. La sélection la plus difficile à faire fut effectivement pour la pochette. Résultat, comme le dit Jean-Jacques Goldman, une illustration “touchante, cohérente avec le titre”. Mais avant d’arriver à ce couple de danseurs qui semblent s’envoler, Zep a multiplié les propositions. “J’ai dû faire une cinquantaine de projets. J’en ai présenté une dizaine à Jean-Jacques. Il y avait même un boîtier transparent avec un pixi, une petite figurine de plomb de JJG. Ça faisait un peu Tchô. J’aimais bien. Jean-Jacques moins. On est revenus à quelque chose de plus sobre. De très sobre même. Plus sobre, je vois pas”.

Résultat, une couverture superbement dépouillé, comme l’essentiel du livret. Ce qui fait sa force. Sans doute parce que Zep s’est attaché à mettre en scène l’atmosphère quotidienne des enregistrements plutôt que les interprétations hallucinées des textes. “Les ingénieurs du son s’affairaient, je dessinais planqué dans un coin et Jean-Jacques préparait les spaghetti (dessinés par le livret). Il faisait ensuite la vaisselle. Assez bien, je dois dire”, s’amuse le père de Titeuf.

Qu’a retiré Zep de cette rencontre au sommet ? De longues discussions sur Bob Dylan bien sûr. “On a les mêmes bases musicales, raconte Jean- Jacques Goldman. Du blues, du rock bien binaire. Zep a des références qui ne sont pas de son âge. Tant mieux !”.

Quelle leçon tire le dessinateur de l’expérience ? “Ce qu’il a de beau dans le croquis, c’est que, quand on commence, on n’a pas encore le dessin en tête. Dans la BD, je maîtrise beaucoup les codes, même s’il y a aussi une partie de surprise. Dans les croquis, on prend un risque. C’est tout l’intérêt de l’exercice. Soudain, on voit apparaître une belle image”… On ne va dire le contraire.

[L’article est composé de différents encarts et illustrations inédites de Zep]

Encart : Quand Goldman faisait chanter Obélix Bien qu’il dise s’intéresser de loin, à la bande dessinée, Jean- Jacques a signé la bande originale du film de Claude Zidi, Astérix et Obélix contre César (1999) avec Roland Romanelli. La barde en or a écrit et aussi interprété “Elle ne me voit pas”, chanson sur les amours contrariées du porteur de menhir avec la plantureuse Falbala ”Plus j’approche et plus je me sens maladroit, plus je déteste mon corps et ma voix, il y a des frontières qu’on passe, malgré des milliers de soldats, mais les nôtres on ne les franchit pas”. On sortirait presque un kleenex, la larme à l’œil, bien que l’émotion ne soit pas particulièrement au rendez-vous de la superproduction franco- française. Il a suffit d’un signe pour que le guitariste dise oui à Zidi. Comme il le reconnaît lui-même sur son site internet : “Astérix, pour moi, plutôt qu’un projet qu’on accepte, c’était un projet qu’on ne refuse pas”. Humain. Impossible de tourner le dos à autant de sesterces, même si on estime que “le film n’a jamais besoin de chansons (en dehors de chansons à boire !) et que le chanson “Elle ne me voit pas” sert clairement à entraîner le succès de la BO”. Lucide et pas si gentil que ça, en fin de compte, Monsieur Goldman.

Encart : Le passé rouge de Goldman Envolés les lendemains qui chantent, détruit le Mur de Berlin, Gorbatchev et sa tache lie de vin, en ouvrant l’URSS au libéralisme, a du même coup effacé le rêve de millions de communistes. En 1993, Jean- Jaques Goldman salue le miltatisme de ses parents avec l’album “Rouge”, illustré par Lorenzo Mattotti (l’auteur de “Feux”). “C’était un hommage à leurs idées perverties par la gauche du (appelons ça pudiquement) deuxième septennat” (de Mitterrand, déclare le compositeur dans l’Express en 1997. Soucieux de donner relief à des textes souvent poignants, le dessinateur italien souligne avec son talent habituel le blues de la terre rouge.

A l’intérieur du coffret gris métallisé sur lequel on aperçoit la faucille bien sûr, la fumée des usines, des combattants chinois qui courent vers un monde meilleur ou des mains désespérément accrochés aux barreaux d’une prison, c’est le bleu et le rouge qui ressortent le mieux. Surtout que l’image qui accompagne la chanson éponyme du CD, interprétée par Jean-Jacques Goldman, Carole Fredericks, chanteuse noire de gospel, Michael Jones et les Chœurs de l’Armée Rouge. Avec un graphisme proche du réalisme soviétique, Mattotti a représenté un friguant travailleur aux muscles saillants cintré dans un débardeur vermillon qui enlace une pin-up tout de bleu vêtue. Le tout sous un soleil resplendissant. Life is beautiful ! Derrière ce couple qui s’avance vers un avenir qui chante, des poings se lèvent. Les paroles, telle une triste litanie, parlent d’une terre promise où “on s’donnera la main, tous les moins que rien. Y’aura du soleil sur nos fronts. Et du bonheur plein nos maisons. C’est une nouvelle ère, révolutionnaire. Une monde nouveau, tu comprends. Rien ne sera plus jamais comme avant. C’est la fin de l’histoire, le rouge après le noir”. L’album a mieux fini que ces rêves rouges : il s’est vendu à un million d’exemplaires. Mattotti n’a pas le voyages pour rien.


Retour au sommaire - Retour à l'année 2002

- Signaler une erreur Ajouter à mes favoris