Rencontre avec Jean-Jacques Goldman
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Rencontre avec Jean-Jacques Goldman
Radio Maguelone, 17 avril 2002
Géraldine et Damien
Retranscription de Géraldine Gauthier
Géraldine : Tout d'abord bonsoir et bienvenue à Montpellier.
Jean-Jacques Goldman : Bonsoir et merci.
Géraldine : Merci de nous accueillir. Déjà, parlons de la tournée. Il s'agit de votre première date en métropole.
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Géraldine : Vous venez de l'île de la Réunion. Montpellier est un choix personnel ou… ?
Jean-Jacques Goldman : Non. Non, non. C'est un choix technique que l'équipe a fait en fonction de la disponibilité puisqu'on a dû rester ici presque une semaine avant pour tout mettre en place. Mais je suppose qu'il y a aussi, s'ils ont le choix entre plusieurs salles, ils prennent aussi les gens qui les accueillent le mieux donc ils doivent avoir des relations amicales, je pense, avec l'équipe technique du Zénith.
Géraldine : Cet album s'appelle "Chansons pour les pieds". C'est un titre qui lui va merveilleusement bien. Merci pour nos pieds ! [rires de Jean-Jacques Goldman]. Est-ce que les chansons de la tournée ont été choisies dans le même ordre d'idée ? Est-ce que nos pieds vont danser ce soir ?
Jean-Jacques Goldman : Un petit peu mais il n'y a pas que cet aspect. En fait, je ne sais pas si ça va… Je me suis posé la question, mais je ne pense pas que ça va changer énormément de choses par rapport aux autres tournées. C'est-à-dire qu'il y avait des moments calmes, enfin plus recueillis, quoi. Des moments plus musicaux et aussi des moments, on va dire plus festifs, où les gens dansaient. Je crois que ça va être un peu la même chose.
Géraldine : On bougera plus que sur "En passant" ?
Jean-Jacques Goldman : Bah… Ça bougeait pas mal sur "En passant", finalement, sur la fin. Il y avait toute une période très calme au milieu. Il y a à peu près la même, là. Je ne sais pas si c'est très différent. Peut-être un peu plus, oui.
Géraldine : Sur "En passant" vous aviez précisé : "Venez sur la prochaine tournée, ça bougera plus. Vous êtes assis la moitié du temps"…
Jean-Jacques Goldman : Oui, mais après, depuis, j'ai écrit une chanson qui s'appelle "C'est pas vrai" donc qui prouve que je peux mentir. [rires]
Géraldine : Dans l'album, est-ce qu'il y a une chanson que vous affectionnez plus particulièrement, qui vous tient plus à cœur pour une raison ou pour une autre ?
Jean-Jacques Goldman : [silence] Ah c'est diffi… Ah je sais pas, il faudrait que je revois la liste là des chansons de l'album… [regards autour de nous, les livrets sont dans le sac, derrière JJG, pas faciles d'accès…] Pff ! Non ! C'est difficile… alors j'ai déjà dû répondre à ça, mais c'est un peu comme si on demande de choisir son enfant préféré, quoi. On les aime tous pour… J'étais en train de penser à "Ensemble", parce qu'elle est un peu bizarre, parce qu'elle a une histoire, parce que je sais comment elle est née, je sais avec qui je l'ai enregistrée. Après je pensais à "Tournent les violons" parce que c'est une chanson que j'aime bien aussi. Après je pensais aux "Petits chapeaux" parce que j'aime bien le texte. Enfin des trucs comme ça. Et puis après, si je les prends les unes après les autres, je pense que je les aime toutes bien, quoi. C'est difficile.
Géraldine : Revenons sur "Tournent les violons", justement. C'est une chanson qui vous est venue comment au niveau de l'inspiration ? Parce que ce thème historique, c'est quand même particulier…
Jean-Jacques Goldman : Sur le plan de la musique ou sur le plan du texte ?
Géraldine : Et bien les deux en fait, parce que les violons guident le texte…
Jean-Jacques Goldman : Sur le plan du texte, très sincèrement, ce sont des lettres ou des rencontres de gens qui me disent : "Voilà, je voulais juste vous dire qu'il y a quatorze ans, vous m'aviez dit ça et depuis, voilà, j'ai fait ça dans ma vie et tout ça et cette phrase ne m'a pas quitté et tout ça". Et moi je ne m'en souvenais plus. Et ça, ça me frappait et puis ça me choquait ! Comment une phrase peut être tellement importante, ou un moment peut être tellement important pour quelqu'un et oublié par l'autre ? Donc, à partir de ce moment-là, à partir du moment où le thème existe, on cherche le moyen de l'illustrer. Donc c'est devenu cette petite servante et ce lieutenant un peu bourré là, tout à coup, dit une phrase qu'il va oublier et voilà. Mais le point de départ c'est cette idée de départ, oui, de malentendu, quoi.
Géraldine : L'insérer dans un thème historique, c'est venu comme ça, lors de la visite d'un château dans la région ou… ?
Jean-Jacques Goldman : Je pense que c'est venu probablement au fur et à mesure de l'évolution de la musique où je me suis rendu compte que ce serait comme ça, un rythme un peu tarentelle.
Géraldine : Donc vous connaissiez déjà la musique, la tarentelle, la musique médiévale ? Parce que vous avez parlé dans une interview de deux types de violons : les violons plutôt du côté paysans, des basses classes et puis les violons de la fête…
Jean-Jacques Goldman : Oui. Je les connaissais sans les connaître tout en les connaissant. C'est-à-dire le fait d'avoir fait de la musique classique, enfin d'avoir étudié le violon, probablement, j'ai dû faire des études, comme ça, de musiques folkloriques. Ces musiques folkloriques sont probablement utilisées par les musiciens classiques. En tout cas, ça ne m'est pas inconnu. Mais c'est vrai qu'en composant la chanson et en la terminant, c'est après, quand j'ai fait les percussions avec un musicien percussionniste traditionnel que j'ai demandé. Je savais que c'était quelque chose à trois temps, je savais que c'était une danse folklorique, mais je ne savais pas exactement ce que c'était. Et il dit : "Bon, je pense que c'est une tarentelle". Mais je suppose que si on va en Espagne ou si on va à Prague ou si on va en Pologne, il doit y avoir des rythmes comme ça qui ont un autre nom.
Damien : Par rapport au titre "Je voudrais vous revoir", quelle a été la base de l'inspiration ?
Jean-Jacques Goldman : Sur le plan du texte aussi ?
Damien : Oui.
Jean-Jacques Goldman : Moi je trouve c'est… [silence] J'allais dire, ce n'est pas loin de "Confidentiel"… L'idée, plus que de quelqu'un qui écrit une lettre pour revoir quelqu'un, c'est l'idée de se dire qu'il faut vénérer ce qui a été vécu, quoi. Et voilà. C'est toujours cette idée, même si ça s'est plus ou moins bien passé, il y a peut-être eu un autre déclic. J'avoue, je ne m'en souviens pas précisément. Mais en tout cas, l'idée de base c'est ça et, par exemple, la phrase : "Je voudrais nous revoir", à la fin, c'est une phrase qui vient dans l'écriture, quoi. C'est comme dans "Quand tu danses" : "Que deviennent les amoureux perdus ?" et, à la fin : "Que deviennent les amours éperdues ?", ça, ce ne sont pas des choses qui sont déterminées. Ça fait partie des surprises de l'écriture. C'est-à-dire, tout à coup, il y a cette évidence-là qui vient. Et qu'à la fin, le gars dise que c'est lui qu'il veut revoir, finalement, quand il était jeune à travers le regard de cette femme, ce n'est pas prémédité. C'est en écrivant que tout à coup, ça devient une évidence.
Géraldine : Dans les "Petits chapeaux", dont vous dites affectionner le texte, vous dites, je vous cite : "Elle ramasse les paumés, tout ce qui traîne, les vieux, les chats, dans le tas, y'avait moi". Alors vous vous considérez comme un vieux ou comme un chat ?
Jean-Jacques Goldman : Un peu comme les deux [rires]. Il se trouve que quand j'étais scout, on donne un nom d'animal, ça s'appelle la totémisation, et moi, on m'avait appelé Kafra, qui est une espèce de chat sauvage, à mon avis pas en très bonne santé [rires]. Il doit y avoir quelque chose.
Géraldine : Ce soir, j'ai entendu dire que vous alliez reprendre "Petite fille"…
Jean-Jacques Goldman : Oui !
Géraldine : … En concert. Et bien, déjà c'est un vrai bonheur, et est- ce que vous pourriez nous parler de cette chanson, parce que finalement, elle est connue mais très discrète. On vous en entend parler très très peu et on ne la connaît pas très bien par rapport à vous.
Jean-Jacques Goldman : Oui. Oui, oui. Elle a été écrite, je pense, dans les années 85, quelque chose comme ça…
Géraldine : 84.
Jean-Jacques Goldman : 84. Oui. Il y a presque 20 ans et je trouve que tout ce qui se passe dans le monde ne fait qu'accréditer cette idée que plus les sociétés donnent du pouvoir aux femmes, et plus ces sociétés sont paisibles et, je ne pense pas qu'il y ait de possibilité de paix où que ce soit, lorsque le pouvoir n'appartient qu'aux hommes. Il me semble que le seul combat, semble-t-il politique, qu'on devrait faire, c'est sur l'accession de la femme au pouvoir, enfin, pas au- dessus des hommes, mais à cette égalité. Je crois que les hommes sont absolument incapables de faire la paix ensemble et même, je crois que la guerre les amuse un peu.
Géraldine : Dans les pays nordiques, c'est déjà beaucoup féminisé…
Jean-Jacques Goldman : Voilà. Prenons l'exemple des pays nordiques.
Damien : Justement, on parle de politique : Qu'est-ce que vous pensez du fait qu'une grande partie de la population, on est à quelques jours des élections, pense que le programme de gauche ressemble fortement à celui de droite ?
Jean-Jacques Goldman : Moi, personnellement, ça ne m'effraie pas. Je trouve ça très positif parce que, ce qu'il y a de moins, dans le programme de droite, par rapport à avant, ce sont les extrémismes, c'est-à-dire les racismes, etc. qui n'existent plus dans les programmes de droite "traditionnelle". Et qu'est-ce qui n'existe plus, quasiment, dans les programmes de gauche ? C'est la dictature du prolétariat. Tous les dogmes qui ont fait leurs non-preuves partout. Donc, je ne crois pas du tout qu'il s'agit d'un renoncement à des idéaux, mais simplement le recentrage sur des idées de bon sens, quoi. Je pense pas que le problème se situe là.
Damien : Il est où alors ?
Jean-Jacques Goldman : Sur des équilibres dans la société et sur la façon de la vivre ensemble et sur la justice ! La justice, globalement. Pas sur la prise de pouvoir ni de la bourgeoisie, ni de la classe ouvrière sur l'autre. On n'en est plus là, je crois.
Damien : Vous avez employé le mot "ensemble" et justement, c'est la chanson qui a été choisie par le parti socialiste pour ouvrir les meetings. Comment ça se passe dans ces cas-là ? Qui vous a demandé l'autorisation ? Parce que je suppose qu'il y a autorisation…
Jean-Jacques Goldman : Je ne suis pas sûr qu'ils aient à le demander. Mais bon, ils me le demandent. Et à partir de ce moment-là, normalement, je devrais avoir trois solutions : je devrais pouvoir dire : "Oui, j'accepte parce que je suis partisan", "Non, je refuse parce que je suis adversaire" ou, troisièmement : "Non, je refuse parce que je ne veux pas m'engager. Je pense que ce n'est pas mon rôle et il s'agirait d'un engagement". Cette troisième solution est, étant donné le niveau des médias actuellement, impossible. C'est-à-dire, il est hors de question que je puisse… Il ne me semble pas possible que je puisse répondre ça et que la presse puisse comprendre ça. Je pense qu'ils titrent forcément : "Jean-Jacques Goldman refuse que sa chanson soit…" Voilà. Donc, ayant cette conscience de l'insuffisance des médias, et de leur manichéisme, on va dire, c'est à moi de choisir ce qui me semble le moins éloigné de ce que je souhaiterais. Mais si je pouvais dire : "Ecoutez, je ne pense pas que ce soit mon rôle, si vous pouviez en choisir une autre, ça m'arrange". Je pense que ça, c'est tout de suite repris en disant "Jean-Jacques Goldman refuse que sa chanson soit prise par…" Voilà.
Damien : Est-ce que vous avez eu des échos des Alésiens suite à ce choix de chanson ? Parce que c'est vrai qu'à chaque diffusion télévisée des meetings de Lionel Jospin, on entend "Ensemble". Est-ce que vous avez eu des réactions particulières de gens qui se sont ou révoltés en disant "Ah je ne savais pas que ça allait être récupéré !" ou alors : "Par contre, je suis ravi de ce choix…"
ean-Jacques Goldman : Non. Alors je n'ai pas eu de réactions. La seule réaction qu'il y a eu pour le moment, c'est la mienne. C'est-à-dire que dès qu'on me l'a demandé et que j'ai donné mon accord, j'ai demandé que cette version soit réenregistrée de façon à ce que ce ne soit que la chanson mais qu'on ne puisse pas faire référence aux chœurs d'Alès. Et si j'ai demandé ça, c'est exclusivement pour ça. C'est-à-dire pour que eux ne soient pas impliqués dedans. Voilà. Mais je suis tout à fait d'accord sur cette réflexion et je l'ai eu le premier.
Géraldine : On va totalement changer de sujet. On vous voit tout bronzé, vous revenez de l'île de la Réunion. Dans un livre de photographies de Claude Gassian, on vous voit en tenue de plongée avec votre frère, Robert. J'aimerais savoir si c'est une passion ou si c'est simplement un loisir ?
Jean-Jacques Goldman : Non, non. Ce n'est pas une passion comme les vrais plongeurs et tout ça, mais c'est un loisir. J'aime bien, dès que je suis dans ces pays-là et d'ailleurs, même en France, de temps en temps, faire une petite plongée.
Géraldine : Vous avez un niveau de plongée, déjà ?
Jean-Jacques Goldman : J'ai le niveau… J'ai passé, finalement, le niveau minimum de façon à ne pas avoir à le repasser chaque fois et à ce qu'on me laisse partir. Voilà.
Damien : Si on vous demande ça, c'est parce que nous, on en fait depuis un an. C'est pour ça.
Jean-Jacques Goldman : Ah oui, d'accord. Vous êtes des PADI, des trucs comme ça, etc. Voilà… Moi j'ai le niveau… Je ne m'en rappelle plus. Disons qu'on me file des bouteilles et puis…
Géraldine : Un niveau 2 alors.
Jean-Jacques Goldman : Non, non. Je peux aller avec un moniteur. Je ne suis pas obligé de repasser les tests avant, etc, etc. Voilà.
Damien : Niveau 1.
Jean-Jacques Goldman : Voilà. Niveau 1.
Géraldine : En France, vous connaissez sûrement Porquerolles, Port Cros,…
Jean-Jacques Goldman : Oui. J'ai plongé dans ces coins-là.
Géraldine : Est-ce que vous accepteriez de nous lire un petit morceau de votre carnet que vous gardez toujours sur vous et où vous notez les idées…
Jean-Jacques Goldman : Soit ce sont des choses personnelles du genre "Téléphoner à Yannick", "Laisser deux places à l'entrée pour mon beau- frère" ou alors "Ne pas oublier de faire ça, etc, etc." , donc d'un côté. Et de l'autre côté, ce sont des idées de chansons, des petites réflexions, mais qui sont absolument incompréhensibles. Voilà.
Géraldine : Et une chanson acoustique, comme je ne vois pas de guitare, je pense que ça ne va pas être possible ?
Jean-Jacques Goldman : Non, non. Là, je pense qu'on n'a pas le temps [rires].
Damien : On aurait remplacé les chœurs d'Alès !
Jean-Jacques Goldman : Ah d'accord !
Géraldine : Est-ce que vous avez vu un film récemment ?
Jean-Jacques Goldman : Non. Non, non.
Damien : C'était "Titanic" la dernière fois [rires].
Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas si j'y suis beaucoup retourné. Franchement…
Géraldine : Est-ce que vous êtes en train de lire un livre ou est-ce que vous venez d'un terminer un ?
Jean-Jacques Goldman : Non.
Géraldine : Toujours le journal ?
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Géraldine : Où pensez-vous passer vos prochaines vacances ?
Jean-Jacques Goldman : A la montagne. C'est très limité. Alors à la montagne. Ensuite, je vais faire une petite randonnée en vélo pour rejoindre la tournée début août. Voilà.
Géraldine : Vacances sportives.
Jean-Jacques Goldman : Non. Ce n'est pas très sportif !
Géraldine : Une dernière question qui va vous paraître culottée mais beaucoup de personnes me la demandent. Alors tant pis, allons-y ! Etes-vous slip ou caleçon ? [rires]
Jean-Jacques Goldman : Ah ! [rires] Alors, comme ça me paraît une question super intéressante et, vraiment, qui doit prendre beaucoup de temps. Je la laisse comme ça, en suspens. Si je puis me permettre ? [rires]. De façon à ce qu'elle puisse nourrir les discussions, les colloques, les comptes-rendus et même, pourquoi pas, des mémoires de troisième cycle, sur cette question-là. Voilà. [rires]
Géraldine : Merci beaucoup.
Jean-Jacques Goldman : Ce que j'ai beaucoup aimé, c'est "C'est une question culottée", ce qui est quand même… [rires]. Ok ! Bah merci bien.
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