France D'Amour fait face à la musique à Paris
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France D'Amour fait face à la musique à Paris
Le Nouvelliste (Québec), le 27 avril 2002
Linda Corbo
Retranscription de Monique Hudlot
Fraîchement débarquée au Québec pour le lancement de son 5e album, entièrement conçu en France celui-là, l'auteur-compositeur et interprète France D'Amour n'en a pas fini pour autant avec les Français.
Au cours des mois à venir, c'est une valse entre les deux continents qui l'attend et c'est en présentant 13 nouvelles chansons, signées par les plus grands noms d'outre-mer, qu'elle fera face à la musique.
Après sa présence au sein du spectacle Notre-Dame de Paris, sa tournée en première partie de Garou et un passage appréciable à un spécial-télé qui a atteint 9 millions de cotes d'écoute sur une chaîne française, France D'Amour repartira bientôt là-bas pour un vaste exercice de promotion. Le tout sera suivi d'une petite tournée, ce qui reporte la tournée québécoise autour du printemps 2003, avec toutefois quelques présences sur les scènes estivales du Québec, aux Francofolies de Montréal avec Lynda Lemay, puis au spectacle de la Fête nationale à Québec notamment.
Le rythme est rapide, effectivement. "Un album, c'est au moins deux ans, et en plus sur deux continents...", lance la principale concernée, à peine remise du travail intensif qui prévaut depuis un bon moment déjà. À franchement parler, France D'Amour avait vu les choses un peu autrement. "Je voulais sortir mon album en septembre, je ne pensais pas faire tous les shows avec Garou et je voulais avoir des vacances. Mais là, c'est trop tard. C'est reparti", note-t-elle, sourire en coin.
C'est que les cousins français ont aisément adopté celle qu'ils ont connue, plus tôt, en Esmeralda. Avant même son apparition dans Notre-Dame de Paris, la jeune femme était déjà tombée dans l'oreille du producteur et compositeur Robert Goldman, le frère de l'autre. Celui-là même qui se cache derrière le nom de J. Kapler et qui fuit la publicité jusqu'à souhaiter se faire fantôme derrière ses mots.
L'homme avait tenu à la rencontrer en avril 2001. "Il aimait mon énergie, mon style", note-t-elle. Et voilà le dilemme. Lorsque les deux frères Goldman débarquent avec une trentaine de textes à offrir, que Jacques Veneruso se met de la partie après avoir écrit "Sous le vent" pour le tandem Garou-Céline, la pression commence à se faire sentir.
"Les Goldman, c'est vraiment immense en France", note France D'Amour. "Jean-Jacques Goldman sera au Zénith pendant 31 soirs bientôt et c'est déjà sold out", ajoute-t-elle. "Si Jean-Jacques est un Dieu là-bas, disons que Robert, c'est un peu Jésus..."
Bref lorsque le vent a commencé à tourner de son côté, la rafale a déferlé. France D'Amour n'a même pas eu l'occasion d'échanger avec Isabelle Boulay ou Lynda Lemay sur le marché français que les Goldman et compagnie s'amenaient. "Tout s'est fait tellement vite. J'ai terminé Notre-Dame de Paris à la fin août ; en septembre, Robert Goldman me rappelait ; fin octobre, j'étais là-bas ; fin novembre, toutes les voix étaient enregistrées et fin décembre, la pochette était prête". La sortie de son album éponyme en France se fera le 4 juin alors qu'au Québec, les disquaires ont reçu le tout mardi dernier.
C'est entre avril et septembre 2001 que le canevas de son album a été tissé. "Les Goldman, ça a beau être gros, reste que ce sont des gens très humains, très simples, qui ont des bonnes valeurs. On a beaucoup parlé et humainement, on se rejoignait", fait valoir l'artiste. "On croit encore en l'honnêteté, en la beauté des hommes, en l'intégrité. Quand les chansons sont arrivées, elles avaient vraiment été écrites pour moi", raconte-t-elle.
Comme ligne de conduite, France D'Amour avait signalé son désir de réaliser un album "positif, simple, qu'on prend plaisir à écouter", défile-t-elle. "C'est un album de guitares, qui a de l'énergie et qui a un beau fil conducteur."
Habituée à composer elle-même ses chansons, la jeune femme s'est limitée cette fois. En fait, elle avait écrit une dizaine de textes mais n'en a gardé que deux au bout du compte. Parmi les autres signatures, on note celles de Gildas Arzel, Christophe Battaglia, Cyril Tarquiny, Enrique Andreu et Frédéric Kocourek, autant de noms qui ont la cote en France.
Lors de ses prestations en première partie de Garou, les Français ont découvert celle qui se cachait réellement sous le costume d'Esmeralda. La perception qu'ils ont d'elle est plutôt claire, rapporte-t-elle. "Ils disent que je suis comme une Sheryl Crow francophone", note la principale concernée, un brin amusée. Mais la jeune femme ne se fera pas qualifier de "rockeuse" sur ce continent. "Ils ne disent pas rock, eux. Ils disent: le charme de la chanson française électrique, c'est comme ça qu'ils disent."
France D'Amour ne déteste pas cet espèce de second départ, après dix ans et cinq albums au Québec. "C'est l'fun de recommencer. C'est comme une deuxième vie, mais avec de l'expérience". Autrement, l'accueil est sensiblement le même qu'ici. "La différence, c'est qu'ici, on a des références communes. On peut se parler de Fanfreluche et on sait de quoi on parle. Là-bas, la seule réalité commune que nous avons, c'est mon disque. C'est un peu plus restreint dans une entrevue, je ne peux pas beaucoup débarquer de ce sujet..."
Mais décidément, elle ne vivrait pas en France. La citoyenne du nord de Montréal, du bord de la rivière des Prairies, qui se dit semi-urbaine, semi-campagne, a des besoins qu'elle ne retrouve pas là-bas. "J'ai besoin des oiseaux, du vert autour de moi. En France, je déteste le bruit". Dans l'appartement-hôtel où elle loge, elle évite d'ailleurs soigneusement son balcon. "Je tombe sur un six voies", lance-t-elle, les yeux écarquillés. "Je ne peux pas ouvrir la fenêtre, c'est comme si je restais sur le boulevard Métropolitain".
Autre référence, autre ressemblance. Alors qu'au Québec, Isabelle Boulay s'est souvent fait appeler France D'Amour à ses débuts, la situation est inversée outre-mer. "Il y a la couleur des cheveux, on est petite toutes les deux, on a trop de dents dans la bouche toutes les deux...", rigole-t-elle. "C'est un compliment pour moi de me faire appeler Isabelle parce que je la trouve belle et que je l'aime bien".
Par contre, les bagages, elle n'aime pas du tout. "J'ai déjà hâte à dans deux ans", pouffe-t-elle. "J'aime la vie, moi. J'aime ça avoir du fun, prendre des vacances, faire du snow l'hiver. C'est pas que je suis paresseuse, mais j'aime ça avoir du bon temps".
Sur son nouvel album, un titre nous dit d'elle, "Le bonheur me fait peur". "Il me fait peur parce que c'est tellement hot", lance-t-elle. "Je suis une fille qui court après le bonheur, je le recherche, c'est tellement bon...." Tant et si bien que lorsqu'elle y goûte, la peur lui prend à la pensée qu'il pourrait ne pas durer.
La veille de cette entrevue, elle avait vu Aznavour en spectacle. Après six mois d'abstinence, c'est ce grand homme qui lui a donné le goût d'écrire de nouveau. "Comment je vais être sur scène moi, à 80 ans ?", glisse-t-elle au passage.
À défaut de se risquer dans une hypothèse, on peut facilement imaginer que la vie lui aura procuré plusieurs autres albums, dont l'un teinté de blues. Plusieurs l'ont questionnée sur le sujet. Et à la question, elle se questionne à son tour. "Comment ça se fait que les gens savent que j'aime ça autant ?", note-t-elle avant de renchérir, tout sourire. "C'est ben sûr que ça va arriver. Demain matin, moi toute seule, j'ai de la matière pour faire tout un album blues-jazz, avec des covers inédits... Il faut que je le fasse un jour. C'est sûr que ça va arriver".
Tout comme elle compte bien un jour dévoiler sa peinture, un dada qu'elle cultive. "C'est dans mes projets...", rigole-t-elle. "Je suis Madame projets".
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