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RTL, 14 mars 2003
Patrick Poivre d'Arvor
Retranscription de Elise Remy, Elise Ridel, Virginie Migne et Thierry
Patrick Poivre d'Arvor : Avec aujourd'hui Jean-Jacques Goldman, Barbara Schulz, Olivier Weber et Alan Stevell. On va commencer par Jean-Jacques Goldman, parce que c'est un homme qui se fait rare, qui est même on ne peut plus rare, à la radio comme à la télévision, comme dans les interviews tout court. Et pourtant, Dieu sait si on l'entend à la radio, on l'entend par les disques. Vous savez que vous êtes le chanteur qui est le plus passé de l'année 2002 à la radio ? Vous saviez ça ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, oui, je le savais.
Patrick Poivre d'Arvor : Avec des chiffres impressionnants, d'ailleurs, on peut les donner : vous avez eu 38 284 passages. Pas uniquement sur RTL, rassurez-vous. Enfin, quand même, 38 000 passages avec 63 chansons différentes sur l'ensemble des radios françaises. C'est une statistique du Syndicat de l'Edition Phonographique. Ça vous impressionne ou ça vous rend très très humble, au contraire ?
Jean-Jacques Goldman : Ça m'impressionne, ça ne me rend pas spécialement humble. Ce n'est pas le genre de choses qui rend humble.
Patrick Poivre d'Arvor : Au contraire...
Jean-Jacques Goldman : Mais par contre, sans faire de fausse humilité, ce sont aussi des concours de circonstances dans le sens où, maintenant, les radios ont plein de styles assez précis, elles sont assez formatées. Et donc quand on a la chance de faire des chansons qui peuvent passer sur plusieurs radios, c'est plus facile. C'est sûr que quelqu'un qui ne fait que du rap, par exemple, ne va passer que sur certaines radios. Ceux qui ne font que du rock, etc. Dès qu'on fait un peu de variétés, des choses comme ça, on passe forcément sur plus de radios.
Patrick Poivre d'Arvor : Alors, vous avez pour vous la quantité. Vous avez aussi pour vous la qualité, puisque dans un sondage, le fameux sondage traditionnel que réalise l'IFOP deux fois par an, vous êtes le troisième français le plus populaire, le chanteur le plus populaire devant Johnny Hallyday, devant tous les autres.
Jean-Jacques Goldman : Ce qui n'est pas un gage de qualité, mais bon...
Patrick Poivre d'Arvor : Si, de qualité ! Les gens vous aiment, tout simplement.
Jean-Jacques Goldman : Ah voilà, d'accord, d'affection.
Patrick Poivre d'Arvor : D'affection, puisque vous arrivez régulièrement derrière l'abbé Pierre et David Douillet. Donc ça veut dire que les gens se retrouvent un peu en vous, quand même, d'une certaine façon.
Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas exactement ce que signifie ce sondage.
Patrick Poivre d'Arvor : On demande aux gens : "De qui vous sentez- vous le plus proche ?"
Jean-Jacques Goldman : C'est ça ou "Qui aimez-vous bien ?".
Patrick Poivre d'Arvor : Ou bien "Quel est celui qui vous est le plus sympathique ?". Je ne sais pas. Enfin, on est quand même de l'ordre de l'affectif.
Jean-Jacques Goldman : Oui, je crois.
Patrick Poivre d'Arvor : L'abbé Pierre, on ne peut pas dire non plus qu'il se multiplie ni par le disque, ni par les passages radio et télévision. Non, il y a une sorte de sympathie, d'empathie avec quelqu'un.
Jean-Jacques Goldman : Ou d'absence d'antipathie. Peut-être que justement, le fait d'être assez peu en média fait que les gens vont vous juger sur votre travail, sur le fait que, par exemple, on me voit avec les restos du cœur, des trucs comme ça, et qu'on ne me voit pas ailleurs. Donc ils n'ont pas trop connaissance de mes vices. C'est peut-être ça aussi, le fait simplement de pas susciter non plus d'antipathie.
Patrick Poivre d'Arvor : C'est un choix pour vous ou c'est simplement de la prudence que de ne pas aller beaucoup justement parler un peu partout ?
Jean-Jacques Goldman : Alors, ça va vous paraître invraisemblable, c'est toujours une...
Patrick Poivre d'Arvor : Ou de la flemme ?
Jean-Jacques Goldman : Ben voilà, c'est aussi simple que ça, je suis mieux chez moi. C'est à dire, ça ne me dérange pas du tout, mais... Je suis absolument convaincu de l'utilité des médias quand on fait nos métiers. Je sais très bien que vous pouvez même vous appeler McCartney aujourd'hui, ou Stevie Wonder, si vous ne faites pas une démarche vers les médias, on vous oublie. C'est-à-dire, la qualité de votre travail ne suffit pas, qui que vous soyez et donc, je suis tout à fait convaincu de ça. Mais par contre, je veux en faire vraiment le minimum, parce que le reste du temps, je suis super bien chez moi à lire le journal...
Patrick Poivre d'Arvor : Et vous ne vous sentez pas toujours bien interviewé, ou peut-être toujours interviewé sur les mêmes thèmes ?
Jean-Jacques Goldman : Ça me paraît normal. A priori, un type qui est responsable du réseau routier, on ne va pas lui poser des questions...
Patrick Poivre d'Arvor : Ah si, parce qu'il y a beaucoup d'artistes qui s'engagent, qui parlent d'à peu près tout. Là, on est à la veille d'une guerre probable en Irak. Chacun y va de son couplet. Vous n'avez pas envie, vous ?
Jean-Jacques Goldman : C'est-à-dire, si c'est dire pour des choses aussi fondamentales que...
Patrick Poivre d'Arvor : "Non à la guerre".
Jean-Jacques Goldman : "Non, la guerre, c'est mal. Les femmes pleurent, les enfants..." etc. Effectivement, ce n'est pas obligé de rajouter dans ces banalités-là.
Patrick Poivre d'Arvor : Alors, sur le caritatif, en revanche, vous avez votre œuvre, celle dont vous vous occupez le plus puisque vous étiez là dès le premier concert des restos du cœur et que vous êtes là encore 18 ans après.
Jean-Jacques Goldman : Oui, et c'est aussi un concours de circonstances dans le sens où, un jour, il y a un type bizarre qui a déboulé dans ma loge avec pas mal de persuasion.
Patrick Poivre d'Arvor : Une salopette...
Jean-Jacques Goldman : Voilà, en salopette. Donc, c'était Coluche. Et qui m'a dit "bon voilà, j'aurais besoin d'une chanson". Ce n'est pas le genre de type à qui on refuse des choses, ne serait-ce que par le charisme qu'il dégageait et puis aussi sa capacité de persuasion.
Patrick Poivre d'Arvor : Oui, mais la chanson des restos du cœur, c'est une chose, vous en avez écrites pour beaucoup d'autres, après c'est autre chose, il y a une vraie implication.
Jean-Jacques Goldman : Pas trop. J'ai continué un peu dans le même sens. Il avait décidé que j'étais la bonne personne pour faire la chanson. Ensuite, le concert lui-même, c'est-à-dire, on va dire, la manifestation médiatique annuelle s'était arrêtée, faute d'organisateur, de "susciteur", je ne sais pas si le terme existe, probablement pas...
Patrick Poivre d'Arvor : De fédérateur...
Jean-Jacques Goldman : Voilà, c'est fait, de "susciteur"... Et donc, j'avais demandé à Véronique Colucci pourquoi il n'y avait rien eu cette année-là. Elle m'a dit "parce qu'on n'a personne pour s'en occuper". Et il m'a semblé que j'étais apte à faire ce boulot-là.
Patrick Poivre d'Arvor : Oui, sauf que 18 ans après, vous êtes toujours là. C'est-à-dire que vous l'avez fait tous les ans. Un certain nombre de gens sont partis en cours de route, parce qu'ils ont d'autres choses à faire.
Jean-Jacques Goldman : Assez peu, oui. Enfin, il se trouve aussi que la manifestation a pris une ampleur, je dirais, affective, amicale, que vous avez pu mesurer. Et c'est vraiment un plaisir de le faire aussi. Je pense que pour tous les gens qui participent, moi en particulier, c'est vraiment un moment qu'on attend. Et on vit des choses très intenses, très sympas, vraiment très agréables.
Patrick Poivre d'Arvor : Vous avez des artistes qui refusent d'y participer ? Plus maintenant ? Au début, ça ne devait pas être si facile, il fallait téléphoner beaucoup ?
Jean-Jacques Goldman : Au début, c'était dur, oui. Maintenant, au- dessus de huit / neuf millions d'audience, en général, on a beaucoup moins de refus.
Patrick Poivre d'Arvor : On a même un embouteillage, j'imagine, qu'il faut gérer ?
Jean-Jacques Goldman : Il y a quelques refus, des histoires de planning, des histoires de problèmes personnels aussi parfois. Un artiste qui ne veut pas chanter avec les autres ou des choses comme ça... Mais c'est tout à fait mineur.
Patrick Poivre d'Arvor : C'est quand même très rare de réussir justement à faire oublier les ego des uns et des autres, les faire chanter avec des gens qui ne sont pas du tout de leur style ou de leur génération. Il n'y a pas d'autre exemple en France et même je crois à l'étranger.
Jean-Jacques Goldman : Non, surtout, je pense qu'il n'y a pas d'autre exemple dans une corporation comme la chanson. On s'était posé la question "Pourquoi ?". Je crois que c'est dû au fait qu'on est une génération... Mais on en avait parlé...
Patrick Poivre d'Arvor : Lorsqu'on avait fait ce débat après les restos du cœur...
Jean-Jacques Goldman : Voilà, je me répète un peu. Je pense que c'est dû en gros aux Cabrel, Souchon, Maxime, même Renaud et moi...
Patrick Poivre d'Arvor : Les cinquantenaires ?
Jean-Jacques Goldman : Voilà, les "quinqua" qui s'entendent très bien et qui n'ont pas trop de problèmes d'ego. Et qui tiennent encore un peu le haut du pavé quand même maintenant sur le plan du succès. Et donc, lorsque les jeunes arrivent, ils sont quand même assez impressionnés par ça et ils rentrent dans ce moule d'ambiance détendue et sans ego. Et ça, c'est vraiment une chance.
Patrick Poivre d'Arvor : Il faut rappeler que les gens peuvent toujours acheter le disque qui est donc le produit du spectacle qu'ils ont pu voir à la télévision. Et puis que dans quelques jours, d'ailleurs, il va y avoir le DVD.
Jean-Jacques Goldman : Super informé...
Patrick Poivre d'Arvor : Voilà, vous ne le saviez pas ?
Jean-Jacques Goldman : Non.
Patrick Poivre d'Arvor : On se retrouve dans quelques instants, Jean- Jacques Goldman, avec un de vos confrères Alan Stevell, et avec également Olivier Weber et Barbara Schulz.
Patrick Poivre d'Arvor : Nous nous retrouvons avec Jean Jacques Goldman. Alors un bref retour dans le passé si ça ne vous gène pas juste pour évoquer votre enfance. Vous étiez éclaireur, ce que je ne savais pas. Vous auriez pu être chef éclaireur et au moment où vous alliez l'être, vous êtes parti. Vous ne vous sentiez pas doué pour être chef ?
Jean-Jacques Goldman : Non, ce n'est pas trop ça. Non, non, je suis pas mal doué pour ça. C'est que, en général, c'est vers 16 ans, après une grande carrière de six années de scout que vous commencez à rendre en étant chef et là, la musique m'a pris. A 15-16 ans, j'ai commencé à faire des bals, à jouer le samedi et le dimanche, c'était donc incompatible. Et j'en ai gardé vraiment une mauvaise conscience infinie.
Patrick Poivre d'Arvor : Alors après les éclaireurs, vous avez été pris en main par un prêtre qui vous a aidé, en tout cas qui a financé votre premier disque et votre première participation musicale.
Jean-Jacques Goldman : Il se trouve qu'il n'y avait qu'un orgue électronique à l'époque dans tout Montrouge, la banlieue où j'habitais. Il était à l'église. Donc il fallait jouer à l'église pour jouer de l'orgue...
Patrick Poivre d'Arvor : Et vous n'étiez pas timide ?
Jean-Jacques Goldman : Non, pas trop. Et j'avais des copains qui commençaient à faire du gospel, du blues. Et le prêtre avait les idées assez larges ou alors il voulait faire salle comble, je sais pas. Et donc on avait monté un groupe comme ça de gospel. Je devais avoir 14- 15 ans.
Patrick Poivre d'Arvor : Il avait le nez creux, quand même, ce prêtre ?
Jean-Jacques Goldman : Oui et comme ça marchait et qu'on faisait beaucoup de monde, il nous avait financé un disque de reprises. Il n'y avait pas que du gospel. Il y avait aussi une chanson anglaise que tu dois connaître, de Donovan.
Patrick Poivre d'Arvor : Ah oui, Donovan... Et vous à cette époque, c'était Aretha Franklin votre idole ?
Jean-Jacques Goldman : Ça a été une grosse rencontre.
Patrick Poivre d'Arvor : Alors on peut nommer le prêtre...
Jean-Jacques Goldman : Le prêtre Dufourmantelle.
Patrick Poivre d'Arvor : Et bien là où il est, qu'il soit fier de vous !
Jean-Jacques Goldman : Je crois qu'il est encore... Il a même dû prendre du galon.
Patrick Poivre d'Arvor : Vous êtes assez timide quand même dans la vie, non ? Vous intériorisez...
Jean-Jacques Goldman : Un peu moins maintenant.
Patrick Poivre d'Arvor : Mais on peut être timide et puis réussir quand même dans ces métiers ?
Jean-Jacques Goldman : Moi je crois qu'on peut pas réussir si on n'est pas timide, enfin quand je vois mes collègues dont on parlait, des gens comme Cabrel, Souchon, Renaud aussi. Si on n'est pas timide au départ, si on n'a pas ces problèmes de communicabilité, on ne passe pas comme ça des heures chez soi, à travailler la guitare, à écouter les autres et à rêver. Je pense qu'on est au flipper à draguer des filles, quoi ! Et nous, ça ne marchait pas.
Patrick Poivre d'Arvor : Et donc vous étiez obligés de vous réfugier dans la compagnie de la musique.
Jean-Jacques Goldman : Je crois qu'on a été contraints, oui. Bon alors c'est peut-être pas pour tout le monde la même chose, mais c'est quand même un trait de caractère que je retrouve dans beaucoup de mes collègues. Au début, on a une inaptitude qui nous force à des efforts, à des rêves, à du temps passé comme ça à travailler mille fois un chorus de Jimi Hendrix, des choses comme ça, qui nous font ensuite devenir ce qu'on est. J'ai une infinie tendresse pour ce mal-être, pour cette timidité et pour cette adolescence un peu malheureuse, quoi !
Patrick Poivre d'Arvor : C'est important de le dire d'ailleurs, pour les jeunes auditeurs qui nous écoutent, qui sont mal dans leur peau, qui pensent qu'ils n'y arriveront pas parce qu'ils sont beaucoup trop sauvages ou timides. En fait, c'est un atout sans le savoir, ça vous aide à combattre.
Jean-Jacques Goldman : Je crois. Ça pousse à la lecture, ne serait-ce que ça, enfin à des choses qui vont vous faire une vie plus belle. Donc il ne faut pas trop admirer les gars qui jouent au flipper, qui tombent les filles et qui ont une super mobylette, qui savent s'habiller comme il faut. Vous voyez, ceux-là en général ils finissent contremaître.
Patrick Poivre d'Arvor : Vous êtes artisan d'une certaine façon. Vous avez votre petite PME...
Jean-Jacques Goldman : Ah bah oui, quand on est musicien...
Patrick Poivre d'Arvor : Et vous fabriquez aussi beaucoup pour les autres, vous aimez bien écrire pour les autres ? Parce qu'on vous le demande ou parce que c'est...
Jean-Jacques Goldman : Bah, en ce moment, j'écris pour des copains, des copines...
Patrick Poivre d'Arvor : Par exemple Céline Dion, lorsque vous aviez écrit pour la première fois pour elle - et là, vous allez recommencer avec son prochain disque - c'est la seule chanson française d'ailleurs et elle sera de vous, c'est parce qu'elle vous l'a demandé ou c'est parce que vous...
Jean-Jacques Goldman : Non, là, c'est le contre-exemple.
Patrick Poivre d'Arvor : Ah, vous êtes venus à elle ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, c'est la seule personne à qui j'ai demandé.
Patrick Poivre d'Arvor : C'est parce que vous avez trouvé qu'elle avait une superbe voix mais pas de beaux textes ?
Jean-Jacques Goldman : Parce que c'était dans les années 90. Il y avait une espèce d'ostracisme anti-grandes voix. Les grandes voix pour les gens c'était Michelle Torr, Mireille Mathieu,... C'était forcément des textes comme ça et en même temps les gens écoutaient Whitney Houston, Barbara Streisand. Je ne comprenais pas. Il y avait cette voix qui est une espèce de diamant.
Patrick Poivre d'Arvor : Oui, il n'y en a pas beaucoup dans le monde...
Jean-Jacques Goldman : Voilà, l'une des dix grosses voix donc grosse technique, grande musicalité et en plus, plus on la connaît, plus on est étonné de ses capacités. Et je ne comprenais pas, donc j'ai voulu tenter le coup et essayer de lui faire des chansons un peu plus crédibles, pas uniquement basées sur la prouesse vocale, sur la performance vocale, et puis les gens ont marché... Il y avait une attente, forcément.
Patrick Poivre d'Arvor : Et l'entente entre vous deux est bonne ? Parce que vous êtes d'univers complètement différents...
Jean-Jacques Goldman : Ça, ça été un peu la cerise sur le gâteau parce qu'à la limite, je m'en foutais. Ça aurait pu être une imbécile. Moi, ce qui m'intéressait, c'était vraiment ses capacités vocales. Il se trouve que c'est une fille adorable. C'est fondamentalement une fille de bûcheron, de quatorze enfants. Elle est restée la même, même dans ses excès.
Patrick Poivre d'Arvor : Oui, parce que là quand même, c'est un excès de se retrouver à Las Vegas, d'avoir pratiquement une salle pour soi, d'y vivre. Vous ne seriez pas capable de le faire ?
Jean-Jacques Goldman : Non, mais c'est un excès de pauvre, comme Edith Piaf qui paraît-il avait cinq cents paires de chaussures ou je ne sais pas, quoi. Je trouve ça super attendrissant ! Effectivement, la fille d'Onassis ne va pas faire ça. Mais dans son essentiel, dans ses réactions avec les gens, dans ses valeurs, elle est fondamentalement restée la même.
Patrick Poivre d'Arvor : Et alors ça vous arrive aussi, et c'est même le plus clair de votre temps, d'aider ceux qui ne sont pas vraiment en haut de l'affiche, qui sont dans un petit creux par exemple... Ça arrive, dans la vie d'un artiste.
Jean-Jacques Goldman : Oui, j'aime bien ça. C'est plus marrant.
Patrick Poivre d'Arvor : Et puis ça les redope. Parfois ils remontent très haut...
Jean-Jacques Goldman : Oui, et puis je pense à moi en le faisant. Pour moi, c'est plus intéressant, effectivement que d'écrire une chanson pour des gens qui vendent déjà un million d'albums. En général, ça veut dire qu'ils sont biens entourés, qu'ils ont ce qu'il faut. Moi, je trouve ça plus marrant quand je trouve que quelqu'un n'a pas ce qu'il mérite.
Patrick Poivre d'Arvor : Et vous-même, vous refusez qu'on écrive pour vous ?
Jean-Jacques Goldman : C'est-à-dire, je ne me sens pas un interprète inoubliable. Ça ne veut pas dire que je me sente mauvais, mais je suis tout à fait moyen, et je sais ce que c'est qu'un grand interprète. Il faut beaucoup travailler, et puis c'est un métier à part.
Patrick Poivre d'Arvor : Mais auteur-compositeur en revanche, vous savez ce que vous valez...
Jean-Jacques Goldman : Oui... Je trouve que je ne suis pas mauvais... Moi, chanter des chansons des autres, je trouve qu'il y a des tas de gens qui peuvent le faire mieux, de façon plus intéressante.
Patrick Poivre d'Arvor : Et chanter davantage vers l'engagement comme certains l'ont fait à un moment donné, vous ne le sentez pas...
Jean-Jacques Goldman : A priori non. Je n'ai pas l'impression que ça soit, alors là c'est tout à fait personnel, mais que ce soit...
Patrick Poivre d'Arvor : Attendu ?
Jean-Jacques Goldman : … Ce qu'il y a de magique dans la chanson. Je trouve que c'est un peu en dessous de ce que la chanson peut donner. Donner de l'engagement, donner des pamphlets, des pensées, je pense que n'importe quel écrit, n'importe quel éditorial, n'importe quel livre peut le faire. La chanson peut faire ça, mais à mon avis elle peut faire beaucoup plus.
Patrick Poivre d'Arvor : Et surtout de la poésie par exemple ?
Jean-Jacques Goldman : Par exemple de la poésie, et en particulier dans tout ce que la chanson a de rassembleuse. Quand un type va mourir, il chante, quand un stade gagne, il chante, quand les gens partent à la guerre, ils chantent, quand un enfant naît, on chante. J'avais fait une chanson pour Patricia Kaas qui s'appelait à ce moment-là "Les chansons commencent". C'est-à-dire que lorsqu'il n'y a plus de mots, les chansons commencent. Donc je trouve ça un peu limiteur et facile de faire des chansons engagées, voilà.
Patrick Poivre d'Arvor : On se retrouve dans quelques instants, Jean- Jacques Goldman, avec Alan Stevell, Olivier Weber et Barbara Schulz
Patrick Poivre d'Arvor : Avec donc Jean-Jacques Goldman, Alan Stevell aussi. On parlait de stade et il va, Alan Stevell, remplir un stade, pas à lui tout seul mais quand même avec tous ses amis bretons, et c'est samedi soir à Paris.
[Interview d'Alan Stevell au sujet de la nuit celtique]
Patrick Poivre d'Arvor : Vous, Jean Jacques Goldman, guitare sèche ou guitare électrique, ça vous est égal ? Ou préféreriez-vous une guitare sèche simplement si les gens pouvaient vous entendre ?
Jean-Jacques Goldman : Non, ça dépend de l'utilisation. C'est vraiment deux instruments tout à fait différents dont on se sert dans des registres tout à fait différents.
Patrick Poivre d'Arvor : Vous n'avez jamais joué au Stade de France, jamais chanté ?
Jean-Jacques Goldman : Moi, je suis l'artiste qui a chanté le plus souvent du monde au Stade de France ! Personne n'a fait plus que moi.
Patrick Poivre d'Arvor : Dites-moi, comment ?
Jean-Jacques Goldman : J'ai chanté trois fois avec Johnny et deux fois avec Céline mais chaque fois cinq minutes ! Mais personne n'y a été plus de cinq fois. [rires]
Patrick Poivre d'Arvor : Et si vous en faisiez un Breton d'honneur, Alan Stevell, il aurait le droit de venir à la nuit celtique, ça vous plairait ? S'il était d'accord...
Alan Stevell : Ah, évidemment !
Jean-Jacques Goldman : Ils sont larges d'esprit.
Patrick Poivre d'Arvor : Oui, c'est vrai. En plus, la Bretagne, ce n'est pas le droit du sang, ce n'est pas le droit du sol, c'est le droit du cœur.
Alan Stevell : Non, la Bretagne est un pays ouvert. On a certainement aussi des défauts, mais on a cette qualité-là qui est bien. C'est des circonstances qui le font, souvent, parce qu'on connaît moins le racisme. Mais il y aussi quand même cette ouverture naturelle peut- être...
Patrick Poivre d'Arvor : La mer.
Alan Stevell : Bon, on ne va pas refaire l'histoire ni remonter aux anciens Celtes, mais simplement, les Celtes ont toujours été des gens qui prenaient des choses de toutes les cultures, de toutes les civilisations, qui étaient curieux par exemple des civilisations méditerranéennes. Ils prenaient des choses de là, ils les réadaptaient etc. Et donc ça n'a été qu'un voyage permanent de métissages. Donc dans la celtitude, il y a toujours un métissage, qui est très naturel.
Patrick Poivre d'Arvor : Et puis il y avait eu souvent le besoin, l'obligation même de partir. Quand il y a eu la pauvreté...
Alan Stevell : Oui, après, bien sûr il y a eu tous ces voyages, les Bretons étaient des grands navigateurs, etc. Et donc l'ouverture sur le monde, et la mer bien entendu, devant soi, qui réunit la planète.
Patrick Poivre d'Arvor : Et plus de poètes qu'ailleurs, forcément. Parce qu'on a besoin de rêver quand on est face à la mer, quand on a besoin d'ailleurs.
Alan Stevell : Je pense qu'il y a quelques grands poètes bien sûr, mais au fond il y a une sorte de poésie qui baigne le pays, qui baigne chaque Breton.
Patrick Poivre d'Arvor : Voilà, donc cela est dû à Jean-Pierre Pichard, qui est l'organisateur de cette nuit celtique, samedi. Ça sera retransmis en direct sur TV Breizh et puis un grand nombre de radios et de télévisions qui s'intéresseront à ce grand concert de cette nuit celtique, suivie tout particulièrement par Noël Pouedel. On se retrouve dans quelques instants.
Patrick Poivre d'Arvor : On évoquait à l'instant les racines d'Alan Stevell. Vous, Jean-Jacques Goldman, vous avez des racines, ou vous êtes vraiment un gars de Montrouge ?
Jean-Jacques Goldman : Ah non, je ne suis pas un gars de Montrouge ! Enfin, moi je suis enfant de parents immigrés donc, forcément, ils ont trimbalé cette immigration avec eux. Enfin, chez moi, on ne parlait pas français à table, donc, déjà, ça me faisait une différence par rapport aux autres.
Patrick Poivre d'Arvor : Et vous restez attaché à cette enfance, à ces racines que vos parents vous ont offertes ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, oui, tout à fait. C'était une immigration un peu particulière dans le sens où ils avaient beaucoup de haine pour les pays dont ils étaient issus, qui étaient la Pologne et l'Allemagne, c'était vraiment une immigration forcée. Donc il n'y avait pas ce que beaucoup d'enfants immigrés ont actuellement, qui est une espèce de mythe du pays dont ils sont issus, moi au contraire c'était le mythe de la France...
Patrick Poivre d'Arvor : Le mythe de la France et le rejet du pays d'origine...
Jean-Jacques Goldman : Voilà, il y a un amour absolu de la France que j'ai reçu en héritage, je dirais.
Patrick Poivre d'Arvor : Ils étaient tous les deux communistes ?
Jean-Jacques Goldman : Non, non, et puis mon père a été un communiste très éclairé dans le sens où il a été communiste à un moment où je pense que... bon c'est un peu con de dire ça, mais où on pouvait l'être, c'est-à-dire où ça restait sur le plan de l'idéal, des idées. Mais dès qu'il y a eu ne serait-ce que les histoires des blouses blanches, enfin tous les procès bizarres d'après-guerre, mon père tout de suite a rompu avec une très très grande clairvoyante parce qu'on ne se séparait...
Patrick Poivre d'Arvor : Bien avant tout le monde...
Jean-Jacques Goldman : Bien avant tout le monde, oui, il a rompu avec ces idées-là tout en restant tout à fait fidèle à l'idéal d'égalité, d'antiracisme, etc. Mais en tout cas il a vite rompu avec les hommes.
Patrick Poivre d'Arvor : Et vous, ça vous a dégoûté des idéologies ou vous avez gardé les mêmes principes que ceux de votre père ?
Jean-Jacques Goldman : Non, non, moi, ça ne m'a pas dégoûté en tout cas de la réflexion politique, puisque eux-même sont les témoins de ce que la politique, l'absence de politique ou la lâcheté politique peuvent amener comme tragédie. Donc on ne peut pas se désintéresser de la politique quand ont a été juif polonais ou juif allemand. Mais disons, avec beaucoup de clairvoyance, enfin je parle de sa part, je n'oserais pas le dire de ma part, mais en tout cas beaucoup de questions qu'on peut se poser...
Patrick Poivre d'Arvor : Toujours de la distance...
Jean-Jacques Goldman : De la distance oui, et puis surtout ne pas aller dans les lieux communs, comme se rendre compte qu'actuellement être contre la guerre c'est aussi être contre la fin probable des Kurdes et, donc quelqu'un ne peut pas dire "je suis contre la guerre", il faut qu'il dise aussi "je suis pour que les Irakiens continuent à souffrir et que les enfants continuent à mourir"... Voilà, c'est ça la politique aussi.
Patrick Poivre d'Arvor : Vous étiez proche de votre frère Pierre ?
Jean-Jacques Goldman : Pas très, il y avait six ans d'écart, sept ans d'écart qui font une grosse différence à cet âge-là... Entre l'enfance et l'adolescence.
Patrick Poivre d'Arvor : Et son assassinat, ça a été pour vous une blessure très profonde ?
Jean-Jacques Goldman : Oui... C'est bizarre de répondre un "oui" comme ça, ce que je veux dire, c'est que ça se passait dans une histoire, donc...
Patrick Poivre d'Arvor : A la fin d'une histoire...
Jean-Jacques Goldman : Bien avant, il y a eu beaucoup de choses, il y a eu toute une affaire...
Patrick Poivre d'Arvor : De la prison, une affaire...
Jean-Jacques Goldman : Qui a fait que ce dénouement tragique n'était pas... tout à fait... pour nous, c'était un chapitre tragique d'une histoire, ce n'est pas arrivé à n'importe qui... ce n'était pas tout à fait une surprise, quoi.
Patrick Poivre d'Arvor : Et ça n'a pas fondé chez vous une nouvelle révolte ?
Jean-Jacques Goldman : Non, non...
[Interview d'Olivier Weber, puis de Barbara Schulz]
Patrick Poivre d'Arvor : Voilà, merci de nous avoir écoutés. Vous pouvez retrouver l'intégralité de cette émission sur rtl.fr, et dans quelques instants les informations.
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