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Goldman : "J'ai besoin de prévoir le pire"
(Télémoustique, 25 juin 2003)

Goldman : "J'ai besoin de prévoir le pire"
Télémoustique, 25 juin 2003
Propos recueillis par Jean-Luc Cambier
Retranscription de Monique Hudlot

Sa tournée record a prouvé que, contrairement à ses pronostics, Goldman restait aussi populaire qu'il y a dix ans. Des concerts événements qui nous valent aujourd'hui un album-souvenir étonnant et une interview à part.

Bientôt, il va entrer dans une nouvelle période de silence et de distance où il préparera son prochain album. Pendant ce temps, les articles dans la presse vont sans doute se multiplier puisque les médias français ont appris à faire sans lui. Ces derniers temps, il est de bon ton d'en vouloir à Goldman. On ne peut plus le réduire à un "chanteur pour gamines" mais on lui reproche son pouvoir, ses Enfoirés, son activité, son argent, son organisation, ou celle de Robert, son frère... L'homme n'est certainement pas un saint et on n'est pas forcé de trouver que le chanteur est un immense artiste. Mais que ce soit dans l'accueil réservé à un travail glissé par un étudiant ou son empressement à écourter son repas pour que l'interview se tienne dans les temps, il montre aujourd'hui comme hier un comportement à l'opposé des caprices d'un tyran. Goldman a certes le goût de l'efficacité. Il réfléchit aux voies du succès et même, n'hésite pas à le dire. Il calcule mais ne triche pas. Il vit à peu près "normalement", sans rien s'interdire. Il parle aussi avec une liberté qui ne correspond pas au statut de champion du "consensus mou" qu'on lui accorde paresseusement. Nouvelle démonstration.

Jean-Luc Cambier : Avec sa visionneuse de diapositives, le live "Un tour ensemble" est de nouveau un objet étonnant. Vous ne vous maudissez jamais d'avoir lancé cette habitude d'albums-gadgets ?

Jean-Jacques Goldman : Un peu. Mais il suffit que je regarde un CD en plastique ordinaire pour que la malédiction me paraisse légère. C'est trop laid. Ceci dit, c'est une équipe, toujours la même, qui sue des gouttes pour trouver d'autres idées. D'une certaine façon, je fais ça en musique en tentant de nouvelles choses.

Jean-Luc Cambier : Avec les chanteurs, on parle souvent du choix de leur répertoire pour un concert. Mais comment viennent des idées comme celle d'une troupe de danseurs ou d'une scène qui se soulève jusqu'à vous laisser suspendu au-dessus du vide ?

Jean-Jacques Goldman : Je trouve d'abord un concept général. Puis une équipe à la fois technique et créative voit ce qui est possible concrètement. Ainsi la scène annexe placée vers le centre des grandes salles (comme celle de U2 et des Rolling Stones) est née de l'envie d'un moment de vraie intimité. On l'avait déjà réussi avec la tournée "En passant" pour un moment acoustique. La scène qui bouge, c'est moi qui me suis levé un matin avec l'idée et j'en ai fait un petit croquis.

Jean-Luc Cambier : Autour de vous, personne ne tente de vous calmer quand vous venez avec ce genre d'effet difficile et coûteux ?

Jean-Jacques Goldman : Ce n'est jamais arrivé. C'est mon luxe. J'ai fini par être entouré de gars que la difficulté excite. Même mes techniciens sont des vicelards. Plus c'est compliqué, plus ça les intéresse. Les autres, je ne travaille plus avec eux. Un concert ordinaire les décevrait. Ça vaut aussi pour la musique. Quand je dis à Erick Benzi (complice aux arrangements et à la production) que la chanson "Tournent les violons" est à trois temps, qu'elle doit faire médiévale avec un passage Renaissance mais quand même passer sur NRJ, il trouve ça marrant.

Jean-Luc Cambier : Auprès de vos collaborateurs, passez-vous pour un patron un peu distant, mystérieux, avec sa part de légendes ?

Jean-Jacques Goldman : Pas forcément proche, un peu mystérieux, oui mais des histoires, je ne crois pas. Dans une tournée, on est tout le temps ensemble, il n'y a pas de place pour le mythe. Par contre, ils m'appellent "patron".

Jean-Luc Cambier : On sait ce que signifie répéter une chanson, mais comment faites-vous pour les textes où vous vous adressez au public, textes qui sont de vrais numéros ?

Jean-Jacques Goldman : Je répète tout seul et j'imagine les réactions. En 83, quand j'ai commencé, c'était inimaginable. Je ne connaissais pas les gens. Maintenant, c'est comme de répéter un numéro pour le mariage d'un copain. On sait exactement quelle chanson choisir, quels mots feront rire et ceux qu'ils ne vont pas supporter. Il y a dix ans encore, pour la tournée de "Rouge", j'écrivais des monologues auxquels je me tenais. Maintenant je suis en confiance. Je peux improviser et ne garder que ce qui marche.

Jean-Luc Cambier : Le premier concert est donc aussi la première fois où vous essayez votre dialogue avec les spectateurs.

Jean-Jacques Goldman : Oui. Mais les premiers concerts ont lieu à La Réunion dans de toutes petites salles, ce qui est à la fois plus facile et plus difficile. Les réactions ne sont pas tout à fait pareilles mais je peux au moins me tester.

Jean-Luc Cambier : Après un concert, vous restez un moment seul pour demeurer dans l'émotion de cette rencontre avec le public. A l'opposé, les médias vous donnent souvent l'image d'un industriel de la musique.

Jean-Jacques Goldman : A partir du moment où la musique génère beaucoup d'argent, pour certains, cela devient industriel. Le mot n'est pas forcément péjoratif pour moi. C'est juste triste. Le métier de journaliste devrait consister à analyser des faits pour tordre le cou à la rumeur, informer mais en mettant un peu d'éthique et d'objectivité dans le traitement des faits. Malheureusement, désormais, les journaux servent plutôt à propager la rumeur. Franchement, la situation est tellement épouvantable que ça ne me choque même plus.

Jean-Luc Cambier : Comment avez-vous pris la série d'articles où apparaissaient les gains records de Bruel (5,2 millions d'euros), Renaud (3,7) et vous-même (3,5) ?

Jean-Jacques Goldman : Il n'y a pas eu une série d'articles mais un article du Figaro repris d'une façon inouïe. Aucune autre information artistique n'a été relayée. Mais aucun de la centaine de journaux n'a vérifié les calculs ou expliqué les faits. Par exemple, personne n'a écrit que Patrick Bruel n'est pas auteur et compositeur de son disque "Entre deux". Cela fait une sacrée différence pour les droits d'auteur.

Jean-Luc Cambier : En publiant ces chiffres mirobolants, la presse leur donne un caractère honteux. Votre argent vous culpabilise ?

Jean-Jacques Goldman : Non, bien sûr. Il y a un mystère français. On culpabilise autour de l'argent mais, en même temps, tous les journaux ont fait leur couverture avec Amélie Mauresmo qui pourtant habite Genève. Personne ne tient rigueur à un artiste ou un sportif, notre équipe nationale de foot notamment, de faire une carrière française mais d'échapper à l'impôt qui est pour moi une façon tangible de dire : "nous faisons partie de ce pays". La population est peut-être indulgente parce qu'elle rêve de faire la même chose. On n'écrit jamais que Bruel, Renaud, Goldman, Cabrel gagnent certes des fortunes mais qu'ils en reversent 60% à l'Etat français.

Jean-Luc Cambier : Maurane nous racontait combien elle avait été frappée par la modestie de votre appartement marseillais. Vous avez une volonté d'ascétisme ?

Jean-Jacques Goldman : Pas du tout, j'ai simplement des luxes différents : vivre au soleil, habiter à côté d'une gendarmerie, dans un immeuble avec des voisins sympas... Effectivement, je suis sensible au bruit mais je n'ai pas le luxe des meubles, des dorures, de la surface. Je ne vois pas à quoi servent 1 000 m² ou même 300. Si c'est très beau ou correct, je ne fais pas la différence.

Jean-Luc Cambier : Près de Marseille comme dans votre maison du 16e arrondissement parisien, vous avez un studio. Il n'y a aucune séparation entre votre vie et la musique ?

Jean-Jacques Goldman : Non. Il m'arrive d'enregistrer dans de vrais studios mais il n'y a pas de séparation dans ma vie entre la composition et le privé. J'ai besoin d'être immédiatement en position de travailler. Quand j'avais des enfants en bas âge, j'avais un studio à l'extérieur mais aussi, chez moi, un petit "studio d'urgence".

Jean-Luc Cambier : Les artistes depuis longtemps dans ce métier s'accordent de longs moments loin de leurs instruments. Pas vous ?

Jean-Jacques Goldman : Je peux partir des mois entiers en vacances... mais j'emporte toujours une guitare ou un petit clavier et un ordinateur. J'ai toujours envie de les avoir avec moi, même pour dix minutes. C'est ma canne à pêche.

Jean-Luc Cambier : Les artistes qui paraissent se posent de plus en plus la question de votre motivation après tant de succès.

Jean-Jacques Goldman : C'est bizarre comme question. Quand j'étais lycéen puis étudiant, je rentrais chez moi et je me mettais au piano ou à la guitare. Et j'avais des groupes. Ensuite, pendant sept ans, j'ai travaillé dans un magasin de sport où ça marchait bien mais tous les week-ends et tous les soirs, je jouais avec le groupe Taï Phong. Je jure que je ne pensais pas alors en faire mon métier. C'est arrivé mais c'est bien plus qu'une profession, c'est une passion dont je vis. Pourquoi devrais-je avoir envie d'arrêter ?

Jean-Luc Cambier : Depuis le départ, vous avez prévenu qu'avec le temps, le succès diminuerait et que vos disques allaient se répéter. D'une certaine manière, vous vous êtes soumis à une pression supplémentaire, celle de faire durer un miracle.

Jean-Jacques Goldman : C'est vrai mais j'ai besoin de prévoir le pire pour goûter au meilleur. Quand je commence une relation, je me dis qu'il faut vite en profiter car je pense qu'elle va bientôt s'arrêter, même chose pour le succès. Petit, d'après mes parents, je montais dans la voiture en disant "on va avoir un accident et on va tous mourir". Quand on demande "comment voudriez-vous mourir ?", neuf personnes sur dix répondent : "d'un coup". Moi, je préfèrerais que ce soit d'une longue maladie. Bien sûr, je ne souhaite pas la souffrance ni la déchéance qui accompagnent ce genre de mort et que j'ai vues chez des proches. Mais j'aimerais avoir le temps de m'allonger, de repenser à tout, de me voir partir lentement.

Jean-Luc Cambier : "Les P'tits chapeaux" s'inspire notamment de votre soeur qui vous fascine parce qu'elle n'a pas peur de la vie.

Jean-Jacques Goldman : Enfant, moi, j'ai eu peur de tout. L'école, les autres, tout me terrifiait. Je ne comprenais pas le monde et les règles du monde. J'ai très tôt écrit un journal pour m'aider à voir comment ça fonctionnait, les filles par exemple, comment les séduire, etc. Il y a des gens qui sont dans le monde comme des poissons dans l'eau. Ils s'éveillent en souriant. Moi, je devais réfléchir. Tout a été compliqué. Mais ça va mieux, hein.

Jean-Luc Cambier : Régulièrement, vous vous énervez contre le prêt-à- penser. Vous estimez avoir toujours raison ?

Jean-Jacques Goldman : C'est un grand débat que j'ai avec mes proches à chaque conflit. Cela a beaucoup été le cas avec les enfants par exemple. Quand ils sont ados, c'est le moment de vérité car ils sont forcément "pas d'accord". Je n'ai pas de problème d'ego. J'ai l'impression que je n'ai pas besoin d'avoir toujours raison, mais, c'est épouvantable à dire, c'est quand même souvent le cas.

Jean-Luc Cambier : Vous ne pensez pas que votre goût du contre-pied vous amène parfois à prendre des positions surprenantes à défaut d'être justes ?

Jean-Jacques Goldman : Non, ce serait un autre prêt-à-penser, archi- courant d'ailleurs. Pour moi, Thierry Ardisson est la personne la plus banale du monde. On sait par avance ce qu'il va penser. Finalement, il est très conventionnel. Il faut être capable de dire que Sarkozy (ministre de l'intérieur à poigne) fait des choses bien. [rires]

Jean-Luc Cambier : Vous êtes un des rares chanteurs à aimer expliquer vos textes. Parce que c'est le monde des idées que vous préférez ?

Jean-Jacques Goldman : Parce que je ne suis pas un poète. J'écris toujours sur un thème. Le seul contre-exemple pourrait être "Nuit". J'en ai joué pendant des heures la mélodie qui a fini par susciter des "mots musicaux". Mais même pour ce titre, à la fin, il a fallu que j'y mette un sens.

Jean-Luc Cambier : Il y a dix ans, vous étiez persuadé que la société progressait. Est-ce encore vrai ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne suis plus sûr qu'on se donne les moyens d'un avenir meilleur. Il y a, en particulier en France, une décadence de la raison et du bon sens. Par exemple, tout le monde est d'accord qu'il faut prendre des mesures pour garantir les retraites. Mais personne ne veut rien faire. Cela fait peur, cette impossibilité à trouver des consensus, même violents, sur des choses douloureuses. Comme ce qui a pu se passer en Angleterre quand les mines du Pays de Galles ont fermé, que l'on a réformé le pouvoir syndical ou le statut des dockers. Je vois en France une sorte de fatalité à aller dans le mur. Ce n'est pas du cynisme. Des gens sont sincèrement persuadés qu'on ne peut pas travailler plus de 35 h par semaine ni au-delà de 55 ans.

Jean-Luc Cambier : Quand vous écrivez pour Fiori ou Maurane, vous espérez leur apporter un succès comme ils n'en ont jamais connu ?

Jean-Jacques Goldman : Oui, mais ce n'est pas seulement une question d'orgueil personnel. Ce sont des gens qui me touchent profondément. Je leur suis attaché et je leur trouve un talent qui n'est pas assez reconnu. Patrick Fiori est un cas d'école. C'est un chanteur hors norme mais très méprisé. Auprès de beaucoup, il a une très mauvaise image et, pourtant, c'est un type que je trouve adorable. Là, ça m'intéresse de travailler avec lui alors que j'ai refusé de collaborer avec des millionnaires en albums vendus. Je viens aussi de faire des maquettes avec Lââm, un autre cas difficile. Et quand ça ne marche pas pour eux, ça me fait mal. Oui, ça me fait chier !

Vacances de star

Si la vie des stars fait fantasmer, un aperçu des "vacances" de Goldman devrait briser quelques vocations. Comme tout le monde, il aura assisté à Roland Garros... à la télévision. Mais il aura aussi proposé quelques chansons à Patricia Kaas, collaboré avec Lââm, mixé un single pour la promotion du live, donné un concert pour le mouvement "Ni putes ni soumises", fait une chanson avec le Breton Dan Ar braz... A partir de ce 25 juin, il commençait aussi le mixage de son troisième album pour Céline Dion (sortie en octobre). Jean-Jacques est content : il n'est en studio que le soir. Dans la journée, il peut jouer au tennis, faire du vélo, voire se promener... D'ailleurs, pour cet album de Dion, il n'a écrit que quatre titres. La flemme méridionale pointerait ? "J'ai beaucoup d'affection pour elle. C'est par respect et honnêteté que je n'ai pas écrit plus. Pour mon ego ou mes finances, je n'ai pas besoin de signer un album entier et je ne me sentais pas capable d'en faire davantage. Je suis content de ces quatre chansons parce que je crois sincèrement que ce sont de bonnes idées et qui changent des 24 chansons que je lui ai déjà écrites".


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