Rencontre avec Anne-Marie Battailler-Forestier
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Rencontre avec Anne-Marie Battailler-Forestier
Entretien enregistré le 16 juillet 2004
Propos recueillis et retranscrits par Ludovic Lorenzi
Ludovic Lorenzi : Qu'est-ce qui vous a conduit vers la chanson ?
Anne-Marie Battailler-Forestier : J'ai commencé à chanter, j'avais une dizaine d'années. Entre douze et quinze ans, j'ai fait tous les radio-crochets du cirque Achille Zavatta. Chaque année, je me présentais en Charente-Maritime, parce que j'allais en vacances là-bas, et chaque année, je gagnais ce concours. Je rechantais le soir au chapiteau Zavatta. Après, je me suis prise au jeu un peu plus sérieusement. Quand il y a eu des émissions de télévision, je m'y suis intéressée de plus près. J'ai eu la chance d'être sélectionnée, de gagner…
Ludovic Lorenzi : Comment avez-vous rencontré Jean-Jacques Goldman ?
Anne-Marie Battailler-Forestier : Je l'ai connu par l'intermédiaire de Jean- Michel Locret, qui est un ami. Il m'a dit qu'il connaissait quelqu'un qui faisait des chansons, qui s'appelle Jean-Jacques Goldman et qui fait partie de Taï Phong. Il est allé le voir. On ne s'est pas rencontré, on m'a donné une cassette avec trois chansons et les paroles. Ça a traîné un peu, c'était en 1978 et j'ai fait ma première télé en 1979, pour le concours "Les découvertes de TF1". La chanson, c'était "Gros câlin blues". Je ne pensais pas gagner, j'ai gagné. Je suis allée le rencontrer dans son magasin de sport à Montrouge pour le lui dire, et qu'il me faudrait d'autres chansons dans le même style. Il m'a dit "Pas de problème, je t'en écrit une pour la fin de la semaine". Je l'ai rencontré plusieurs fois dans son magasin comme ça, je suis allé le voir aussi quand il était dans son appartement à Montrouge. J'allais régulièrement chercher des cassettes et des chansons.
Ludovic Lorenzi : La première chanson était "Gros câlin blues", que vous a-t-il écrit par la suite ?
Anne-Marie Battailler-Forestier : "Fais-moi des sourires", "L'ethnologue", "Je les ai rencontrés un soir"… Cette chanson, il l'a reprise plus tard sous le titre "Bienvenue sur mon boulevard"… "Comme un tout p'tit bébé", qu'il a redonnée à Philippe Lavil, "Si tu veux m'essayer" (en français et en anglais), et "Il y a", qu'il a reprise sur un des ses albums. "Suis le soleil", "Quand on est seul", "J’m'en irai", "Je t’aimerai", aussi, qui sont restées inédites.
Ludovic Lorenzi : Vous répétiez souvent ensemble ?
Anne-Marie Battailler-Forestier : Non, je n'ai jamais répété avec lui. Je répétais dans une cave avec des musiciens. Il me fournissait simplement les chansons, cassettes et paroles. Il me les chantait pour me montrer comment les interpréter. Quand on avait des retouches à faire, on se téléphonait. Il prenait sa guitare et on se mettait au point.
Ludovic Lorenzi : A l'époque, il voulait être seulement être auteur-compositeur ou avait-il l'ambition de faire ses propres disques ?
Anne-Marie Battailler-Forestier : Quand je l'ai rencontré, il ne voulait faire que des chansons. Il ne pensait pas chanter.
Ludovic Lorenzi : Avec toutes ces chansons, quelles tournées et quelles émissions avez-vous faites ?
Anne-Marie Battailler-Forestier : J'ai participé au concours "Les découvertes de TF1", en 1979, présenté par Denise Fabre, que j'ai remporté. Suite à cela, j'ai enregistré mon disque. Il y a eu quelques tournées sur Bordeaux, la région Aquitaine, les boîtes de nuit, et la promotion du disque dans les magasins Nuggets à Paris.
Ludovic Lorenzi : Par la suite, vous avez participé à un concours de chanson francophone ("Chantons français")…
Anne-Marie Battailler-Forestier : Oui, suite aux découvertes de TF1, on m'a dit que j'apportais quelque chose de nouveau. J'avais 17 ans et on avait beaucoup de chanteurs de 25 ans qui chantaient du Piaf. On trouvait que dans la musique et les paroles, j'apportais quelque chose de neuf. On m'a proposé le concours. J'y suis allée, j'ai été éliminée en demi-finale.
Ludovic Lorenzi : C'est pendant "Les découvertes de TF1" que Jean-Jacques Goldman s'est fait remarquer par Marc Lumbroso ?
Anne-Marie Battailler-Forestier : Oui, c'est ça. Il voulait proposer des chansons mais je crois que son expérience de Taï Phong lui a quand même donné envie de chanter.
Ludovic Lorenzi : Le disque, donc, a été réalisé suite au premier concours.
Anne-Marie Battailler-Forestier : Oui. Il était déjà en prévision mais ça traînait. Je l'ai fait début 80.
Ludovic Lorenzi : Pourquoi le choix s'est-il porté sur les titres "Gros câlin blues" et "Fais-moi des sourires" ?
Anne-Marie Battailler-Forestier : Ce n'est pas moi qui ai choisi "Gros câlin blues", c'est une chanson que je n'aimais pas trop. Je l'avais chantée quasiment pendant deux ans. Et Jean-Jacques a dû la changer trois ou quatre fois. Au début, c'était très rapide, je la préférais à ce moment-là. Puis il l'a ralentie. J'aimais beaucoup "Fais-moi des sourires" et "Je les ai rencontrés un soir". Malheureusement, pour ce dernier titre, un producteur véreux m'a coincée sur ce contrat, j'ai été bloquée pendant un certain temps et la chanson ne m'appartenait plus. Quand je l'ai récupérée, il était trop tard, les deux autres titres étaient en prévision. "Gros câlin blues" a été mise sur la face A, alors que la face B a plus marché. Elle est passée en radio sur France Inter parce que Jean-Louis Foulquier m'aimait bien. Il avait toujours eu une petite préférence pour moi lors du concours.
Ludovic Lorenzi : Quand j'écoute le disque, j'ai l'impression d'entendre Jean- Jacques Goldman dans les chœurs.
Anne-Marie Battailler-Forestier : Il n'était pas dans les chœurs. Il y avait les frères Costa et une fille que je ne connaissais pas. Il y a eu Andy Scott pour la production. Les musiciens, je ne les connaissais pas. Je suis arrivée, j'ai posé ma voix. Ça a été fait dans un contexte assez spécial. Le disque devait être enregistré au départ à New-York. Je n'ai pas trop cherché à comprendre. Je voulais absolument faire ce disque qu'on me promettait depuis deux ans.
Ludovic Lorenzi : Est-ce qu'il s'est bien vendu ?
Anne-Marie Battailler-Forestier : Non. Il n'y a pas eu de promotion. Il y avait Esther Galil qui revenait sur le devant de la scène. La maison de disques a tout misé sur sa promotion. J'ai fait un peu plus de promo en Aquitaine. Je ne sais pas pourquoi, ça a bien fonctionné là-bas (quatrième du hit-parade FR3 Aquitaine en juillet 1980).
Ludovic Lorenzi : Au bout du compte, pourquoi n'y a-t-il pas eu de suite à votre carrière de chanteuse ?
Anne-Marie Battailler-Forestier : D'une part, j'attendais un bébé. Ce n'était pas prévu au programme. J'étais déjà enceinte quand j'ai fait "Chantons français". Par la suite, après AZ, je me suis retrouvée dans une autre maison de disques. Comme d'habitude, ça traînait. Et quand ils ont vu que j'avais un bébé, ça n'allait plus. Six mois après, j'ai un peu laissé tomber. On m'avait promis monts et merveilles mais rien ne venait, ni télé, ni rien… Je ne me suis pas accrochée non plus, mais j'ai été tellement déçue… Je suis repassée à la télévision en 1993, à la demande de Roger Giquel, journaliste de TF1, dans une émission qu'il présentait le soir de Noël.
Ludovic Lorenzi : Qu'est-ce que ça fait de savoir qu'on a été la première interprète des chansons de Goldman ?
Anne-Marie Battailler-Forestier : Je me dis que j'ai eu de la chance. Je ne pensais pas qu'il allait faire carrière comme cela. Et puis, il a écrit pour des grands : Céline Dion, Johnny Hallyday… J'en suis fière mais j'ai l'impression que lui a complètement zappé cette période. Il ne faut pas renier ce qu'on a fait. Je pense qu'il n'était pas mécontent. Quand mon disque était fini, on est allés avec son frère chez Jean-Michel Locret. On l'a écouté et il était très content.
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