“L'embellie”, le nouveau Calogero
|
“L'embellie”, le nouveau Calogero
Le Soir (Belgique), le 21 avril 2009
Propos recueillis par Thierry Coljon
URL :
http://www.lesoir.be/culture/musiques/musique-aujourd-hui-sort-l-2009-04-21-702123.shtml
Pour son cinquième album, Calogero a fait appel à de
nouveaux auteurs, de A à Kent, de Jean-Jacques Goldman (qui signe "C'est écrit") à Annegarn.
De Stanislas à Adamo, en voilà un qui est resté en permanence
dans l'actualité. Pomme C paraissait il y a à peine deux ans
et voici son successeur, “L'embellie”, qui diffère plus par ses textes
que ses musiques toujours prises en charge par Calogero lui-même. Nous
l'avons retrouvé dans son hôtel bruxellois.
L'envie était-elle là ?
Oui, je m'ennuie vite en vacances. J'ai pris mon temps. J'ai commencé à travailler dessus il y a un an, en me disant que je n'allais pas faire le même album à chaque fois. Je me suis mis à composer. Pour les textes, je voulais me surprendre moi-même et surprendre les autres. J'ai donc fait appel à des gens qui, a priori, n'étaient pas faits pour collaborer avec moi.
À commencer par Dominique A.
Ses chansons sont d'une telle beauté. Sa voix, tout est beau chez lui. Pour certains artistes, notre collaboration est une évidence. Pour les médias, on est à l'opposé, c'est vrai. Benjamin Biolay m'a dit que Dominique A et moi, c'était une évidence pour lui. Collaborer avec Salvatore paraît plus évident parce que nous sommes tous les deux siciliens mais sa musique n'a rien à voir avec la mienne. Dominique a quelque chose de plus obscur et moi de plus lumineux mais notre culture est commune. Je pense qu'il se sent en confiance avec moi, comme Dick Annegarn.
Vous étiez intervenu sur l'album hommage à Dick Annegarn, en reprenant “Attila Joseph”, alors que sur scène, vous reprenez “Bruxelles” du même Dick.
Le déclic a été cette compilation, c'était une très bonne idée qu'on me demande d'y participer. Les gens s'approprient des artistes. À la mort de Bashung, subitement des artistes ont parlé de lui comme s'il leur appartenait. Pareil pour Gainsbourg, il n'appartient pas à la Rive gauche. Moi, je suis un jeune artiste populaire qui aime la chanson populaire. Gainsbourg adorait prendre des bains de foule à Saint-Tropez. Il n'arrêtait pas, il adorait ça. C'est pour ça que j'ai repris sur scène “Poupée de cire, poupée de son ”. Pour faire un pied de nez.
Vous estimez que le succès est difficile à vivre dans le regard des gens ?
Les médias, je n'ai pas à me plaindre, sont plutôt gentils avec moi. Mais je n'aime pas le côté appropriation d'artistes. Bashung était un artiste populaire au vrai sens du terme.
Kent, Dick, Dominique ne sont pas de gros vendeurs.
Dick déteste chanter “Bruxelles ”sur scène, ça ne l'aide pas. Moi, chanter “En apesanteur”, j'adore. J'aime chanter mes chansons connues. Plus elles sont connues et plus ça m'excite, avec les gens qui reprennent les refrains. Mais j'aime aussi, dans les albums, les extraits qui ne marchent pas. Il ne manque rien chez ces chanteurs. Le succès, c'est le hasard. Je n'ai pas de recettes à leur donner. Moi, je ne sais pas comment on fait un tube.
Jean-Jacques Goldman signe le texte du premier single, “C'est dit” qui parle de l'amitié…
On n'est pas ami mais on s'aime bien. On n'avait jamais fait de chansons ensemble. J'ai voulu travailler avec lui d'abord parce que je trouve que c'est un bel auteur. J'aime beaucoup ses textes, plus que ses musiques. Je trouvais intéressant de le faire travailler sur une musique qui n'a pas de refrain. Il m'a dit qu'elle était bizarre, ma chanson. Je lui ai dit : Trouve l'accroche. Il en a trouvé deux : On n'est riche que de ses amis et C'est dit. Pour l'anecdote, je trouvais très amusant de réunir sur le même album Dominique A, Dick Annegarn et Jean-Jacques Goldman. Ça, c'est moi !
Vous aimez vous poser en rassembleur…
Je n'appartiens à aucune chapelle. Je suis comme je suis. Je tiens beaucoup à mon indépendance et à ma liberté. Je suis un chanteur de variété mais complètement indépendant. Je ne fais partie d'aucune galaxie, d'aucune écurie, même si Obispo m'a aidé pour mon premier album. Je lui dois cette dette de reconnaissance à vie mais je ne veux pas faire partie de son écurie. J'ai bifurqué tout de suite sur le deuxième album. Pareil avec Zazie avec qui j'ai fait tout un album. Ensuite, je passe à autre chose. Je suis comme ça : infidèle. Mais fidèle avec mes amis. J'aime le mouvement. J'ai changé d'ingénieur et de guitariste, il y aura deux batteurs sur scène… Je suis heureux dans le mouvement. Je suis très frontal. Je dis les choses simplement et c'est comme ça que ça passe le mieux.
Vos deux filles apparaissent sur “Tu n'as qu'à m'attraper”…
Elles ont 5 et 2 ans. Je suis beaucoup avec elles. J'emmène la grande tous les jours à l'école et je vais la rechercher. Je prends la petite sur mon vélo et elle m'accompagne quand je vais boire mon petit café. Ma firme de disques sait que mes priorités sont mes filles et la musique. J'arrive à concilier les deux. Le mercredi après-midi, je vais à la piscine avec elles. On a de vrais moments ensemble. Quand on rentre, elles savent que papa fait de la musique dans son studio, à la maison. J'ai aménagé la tournée pour les faire venir de temps en temps.
Parler d'embellie en pleine crise économique, faut oser…
C'est un peu gonflé mais ce n'est pas fait exprès. Je ne suis, ceci dit, pas sûr qu'appeler un album La crise en pleine crise est une bonne idée.
Et puis il y a l'hommage à Fred Chichin dans “La bourgeoisie des sensations”…
On ne se connaissait pas très bien mais on s'est rencontré deux ou trois fois. C'est quelqu'un qui me respectait. On a eu chez lui de longues discussions de musiciens. Il m'apprenait plein de choses. Une belle rencontre qui laisse des traces. Il me disait quand j'avais 22 ans : “T'es un bon mélodiste mais il faudrait que tu travailles tes textes. C'est un peu niais pour le moment”.
Avec “Je me suis trompé”, vous signez votre premier texte…
Parce que personne ne pouvait le faire pour moi. C'est un truc très personnel. Seul moi pouvais exprimer cette colère. Une fois écrit, on se sent mieux. La chanson est suffisamment tendre pour qu'elle vieillisse bien. J'ai un tel goût pour la poésie de Dick ou de Dominique qui mettent la barre très haut que c'est plus évident et facile pour moi de faire des mélodies. C'est une manière de séduire : je leur donne envie d'écrire sur mes mélodies. Ce n'est pas de la facilité. Mais j'ai mis six mois à écrire un texte, c'est long. Je pense que ma collaboration n'est pas finie avec Dominique et Dick. Je suis déjà en train d'en écrire une autre pour eux. Dick travaille comme un orfèvre.
Retour au sommaire - Retour à l'année 2009