Mickaël Miro : J’ai envie d’en raconter plus aux gens qui aiment "L’horloge tourne" Entretien exclusif pour "Parler
d'sa vie", enregistré par téléphone
le 19 avril 2011 Propos recueillis par Jean-Michel Fontaine Retranscription de Nathalie Darche, Jean-Michel Fontaine, Christelle Maillot, Delphine Roger Crédit photo : Richard Schlang |
Mickaël, le grand public te découvre depuis quelques mois, voire quelques semaines, avec "L'horloge tourne". Pourtant, c'est une chanson que tu as écrite il y a trois ans. Est-ce que tu étais convaincu de son potentiel fédérateur à ce moment-là ?
Si mon album s’appelle "Juste comme ça", c’est qu’il y a une raison : c’est que j’ai toujours écrit mes chansons juste comme ça, sans jamais intellectualiser, sans jamais savoir si ça toucherait des gens. C’était mes histoires. J’ai essayé de les écrire le plus simplement possible, pour que ça ne soit pas trop hermétique. Pour écrire une chanson, je pense qu’il faut se laisser aller. Il ne faut pas se créer de limites. Je n’écris pas une chanson comme on écrit un slogan ou une publicité. Je savais que c’était une chanson sur le temps qui passe et que le temps qui passe, ça touche tout le monde. Mais c’est vrai que jamais je n’aurais pu penser qu’autant de gens se reconnaîtraient dans les paroles et s’approprieraient cette chanson. C’est ce qui se passe en ce moment.
Trois ans, c'est long. Est-ce que tu as eu des doutes, des moments d'abattement ?
Oui, des doutes, on en a. Souvent, j’ai eu cette impression que mes chansons et moi, on était une équipe, qu’elles me dorlotaient et que je les dorlotais. J’ai toujours eu cette impression que le matin, je me réveillais et je croyais en mes chansons. Ça me permettait d’avancer. Mais même si tu fais tout de ton côté, c’est le petit coup de chance, ou les gens à l’extérieur, qui font que ça avance ou pas. J’ai eu des moments de doute, c’est certain. Que ce soit avant d’avoir trouvé une maison de disques, ou même après. Pour "L’horloge tourne", ça a mis quand même un moment avant qu’elle ne commence à être programmée en radio… Ça fait un mois et demi, deux mois, et pourtant, ça fait plus d’un an que la maison de disques essaie de convaincre les radios et les médias. Je pense que ça vient surtout du succès qu’elle a pu avoir pendant les premières parties de Florent Pagny ou de Calogero… et de toutes les vidéos que les gens ont postées sur Internet en faisant des reprises de "L’horloge tourne". Il y a eu un vrai succès populaire sur le net.
Le clip de "L'horloge tourne" a été mis en ligne en juillet 2010. Les radios ont commencé à programmer la chanson fin 2010, les télés ont commencé à diffuser le clip voici quelques semaines. A quel moment t'es-tu dit, "cette fois, c'est bon" ?
Ah non, je ne me le dis pas. C’est vrai ! Parce que la route est très longue, c’est un métier, une passion… J’ai constamment cette impression que c’est une sorte de blague ou de farce qu’on me fait et qu’à tout moment, il y a quelqu’un qui peut appuyer sur le bouton "off", que ça s’arrête. Je ne me suis jamais dit : "Ça y est, c’est parti". Je me rends compte qu’en ce moment, il se passe un truc et je suis le plus heureux du monde, je le savoure. Ça fait longtemps que je fais de la musique, et quand ça fait longtemps que tu fais de la musique, tu as plein de rêves, plein de fantasmes et quand ils se réalisent… J’ai eu dix ans pour m’imaginer en train de faire un concert où les gens chantent mes chansons. Maintenant que ça arrive, je prends ça en pleine tête et j’en profite vraiment au maximum. Mais ce n’est jamais gagné, la route est longue. Tant mieux, c’est ça qui est bien, il faut se renouveler, il faut continuer d’écrire… et puis, c’est une chanson, je ne sais pas trop comment les autres chansons seront perçues. C’est pour ça que je savoure le moment présent.
Dès l'été 2010, YouTube a vu fleurir des reprises de "L'horloge tourne", des tutos pour la jouer à la guitare. Qu'est-ce que tu ressens quand tu vois ces preuves d'attachement ?
C’est un des plus beaux cadeaux qu’un auteur-compositeur puisse recevoir, qu’à un moment donné les gens déchiffrent la chanson, se mettent à l’interpréter, à la chanter… Je trouve ça extraordinaire.
Sur les forums et les médias sociaux, je vois de nombreux témoignages de personnes qui racontent en quoi "L'horloge tourne" les a touchés. Parmi tous ceux que tu as lus ou reçus, est-ce qu'il y en a certains qui t'ont particulièrement marqué ?
Il y a une phrase que j’ai trouvée vraiment jolie. Un garçon m’a envoyé un message sur la vidéo : "Grâce à toi, je réécoute de la musique avec ma mère". J’ai adoré cette phrase. D’abord, j’ai eu cette impression qu’il y avait une réconciliation…
Transgénérationnelle ?
Voilà ! J’ai adoré cette phrase !
"L'horloge tourne" résume les événements qui t'ont marqué depuis que tu as 18 ans. Est-ce que tu comptes compléter "L'horloge tourne" au fur et à mesure des événements qui rythment ta vie ?
C’est une bonne question. Je ne sais pas… Le risque, c’est que l’horloge tourne un peu en boucle ! [rires] C’est une chanson qui est construite sur une série d’accords qui sont tout le temps les mêmes, ça tourne un peu en boucle : c’est l’arrangement qui est crescendo et la mélodie qui font qu’on a envie de l’écouter jusqu’à la fin, mais il me semble que l’équilibre est trouvé là-dedans.
A quel âge penses-tu recevoir les sms suivants : "mon album est un vrai succès, disque de diamant".
[rires] Je pense qu’il faut être réaliste, on ne devient pas disque de diamant du jour au lendemain ! Enfin, disque de diamant c’est énorme, je crois que c’est 500'000 exemplaires.
Le seuil a beaucoup baissé !
C'est quand même beaucoup. Donc, ta question… je ne sais pas… "un sms vient d'arriver, j'ai 34 ans", ce serait pas mal. [rires]
[rires] A quel âge penses-tu recevoir le sms suivant : "Les Enfoirés m'ont contacté, ils me veulent vraiment".
[rires] Je ne sais pas. J'ai une chanson qui s'appelle "Dans ma boule de cristal", je t'invite à t'y référer et à aller jeter un œil dans ma boule de cristal pour savoir. En tout cas, je répondrai présent avec grand grand plaisir. Je suis un enfant de la variété de ces années-là.
Je pense que "L'horloge tourne", comme "Toi + moi" il y a deux ans, est une chanson parfaite pour ouvrir les Enfoirés, pour ouvrir le spectacle des Restos.
En tout cas, je la leur prêterais avec grand plaisir, parce que je pourrais redonner un peu aux gens tout ce qu'on me donne. Ce serait un grand plaisir. Les Enfoirés est une émission que j'ai toujours regardée. Je suis fan de duos, et puis savoir que c'est en plus Jean-Jacques Goldman le chef d'orchestre… C'est une émission que je n'ai jamais ratée. Je suis un bon client. J'adore ça. Ce serait un rêve que d’y participer. Je suis un enfant de la télé, j'aime beaucoup regarder la télé, j'écoute la radio, j'écoute les émissions. Par exemple, ce soir, je viens d'apprendre qu'un candidat de X Factor allait reprendre "L'horloge tourne", c'est dingue! C'est incroyable. J'ai l'impression de rêver, parce que je me revois en train de regarder ces émissions. Tu vois ce que ce que je veux dire ?
Oui, je comprends tout à fait.
J'ai vraiment l'impression que c'est une sorte de rêve éveillé. Cela me fait sourire, et en même temps, il y a une sorte de jubilation, parce que c'est une chanson que j'ai écrite dans ma chambre, alors qu'elle fasse autant de chemin… Mais en tout cas, les Enfoirés, je ne sais pas. Je suis prêt, je suis un soldat potentiel. Je suis prêt à aller sous les ordres, au signe du Commandant.
Justement, à quel âge penses-tu recevoir le sms suivant: "Jean-Jacques Goldman m'a composé un tube hallucinant".
[silence] Alors ça, c'est particulier. J'écris et je compose mes chansons. Je serais donc très très touché, bien entendu, déjà, rien que de le rencontrer et de parler musique avec lui. A vrai dire, touché, ce ne serait même pas touché, je pense que je serais très stressé, parce que j'ai beaucoup écouté Goldman, et j'écoute toujours du Jean-Jacques Goldman. Notre univers, mon univers musical, je l'ai fabriqué aussi en digérant les univers musicaux de plein de gens. Et c'est sûr que l'œuvre de Jean-Jacques Goldman m'a, à un moment, donné envie d'écrire, envie de composer, c'est certain, parce que j'ai tellement écouté tous ses albums. Et le rencontrer, non pas en tant que fan, mais en tant que quelqu'un qui fait de la musique, comme lui, je serais vraiment dans tous mes états.
Quelle est la première chanson de Jean-Jacques Goldman qui t’a marqué ?
Il y en a tellement… Je chantais beaucoup "Je te donne" avec un ami dans les karaokés. Sinon, des chansons de Goldman qui m'ont vraiment marqué, il y a "Veiller tard", "Puisque tu pars" qui est une énorme chanson. Il y en a tellement, on pourrait en parler des heures. Tu es bien placé pour le savoir… S'il y a vraiment une chanson que je dois retenir, c'est "Veiller tard". J'adore quand il chante "Veiller tard" de la manière la plus épurée possible. [enthousiaste] Tu me prends à un moment particulier de ma vie, où c'est tout nouveau qu'on me demande de parler de ma musique, de parler de moi. C'est tout nouveau. Je ne sais pas comment font les collègues musiciens ou chanteurs, mais moi, j'ai envie d'en parler, j'ai envie de partager. Jean-Jacques Goldman est tellement discret à ce niveau-là. Il a eu cette phrase incroyable : "tout est dans les chansons", pas besoin de faire d'interview. "Si vous voulez apprendre à me connaître, écoutez mes chansons, les réponses sont dans les chansons, dans les refrains". J'avais d'ailleurs écrit une petite chanson que je n'ai jamais vraiment chantée, où je me posais plein de questions qu'un fan peut se poser au sujet de Jean-Jacques Goldman, et où je disais que la meilleure manière de faire une interview de Goldman, c'était d'apprendre la musique, de glisser ses questions au cœur des refrains, et de les lui envoyer.
Pas mal.
Je me rends compte que j'ai moins de mal que lui à parler de mes chansons. C'est mon premier album, les gens se posent sur une chanson et tout à coup, il y a des gens qui en demandent plus, qui veulent en savoir un peu plus, c'est normal.
Tu as fait le choix de faire carrière sous un pseudonyme. Comment as-tu choisi ton pseudonyme ?
En fait, Miro est le prénom de mon grand-père. Mon grand-père, depuis que je suis tout petit, fait partie de ces gens qui, dès qu'il avait la moindre occasion, dès qu'un ami venait à la maison, dès qu'il y avait un micro, se débrouillait pour que son petit-fils prenne le micro et chante, surtout en anglais d'ailleurs. J'étais très jeune, j'avais 6-7 ans quand il me demandait de chanter an anglais, "We are the world" par exemple. Malheureusement, mon grand-père nous a quittés très tôt.
On va se la jouer Fréquenstar, et reprendre ta biographie en bonne et due forme. Si je te dis "Sacrifice", "We are the world", "Time after time" ou "Wind of change", qu'est-ce que cela t'évoque?
Et bien, ce sont mes premières émotions musicales, des chansons que j'ai aimé chanter. Cela remonte à la petite école.
Si j'ai bien compris, tu as fait partie d'un programme bilingue en primaire ?
Ce n'était pas un programme. J'étais dans une école bilingue et on apprenait l'anglais en apprenant des chansons en anglais, des grands standards. Il y avait du Cyndi Lauper, du "Sacrifice", du "We are the World", du Michael Jackson. Mon professeur nous apprenait les chansons, on faisait des traductions, et puis ensuite on les chantait. C'était une sorte de mini-chorale. C'était une école où la musique avait vraiment beaucoup d'importance. On faisait des spectacles deux fois par an pour les parents, avec beaucoup de chant. J'aimais beaucoup chanter. Je ne me souviens pas, par contre, qu'on m'ait dit que je chantais bien, mais je me souviens que j'adorais chanter et puis j'adorais reproduire les accents. Dans une chanson comme "We are the world", tu imagines, il y a les plus belles voix du monde dans cette chanson, et il y a une trentaine d'accents différents en anglais. Je me souviens, quand j'étais jeune, j'aimais ce jeu de reproduire les accents. Je pense que cela a développé mon oreille musicale.
Tu as appris à jouer d'un instrument également ?
Je suis venu aux instruments très tard. Il y a toujours eu un piano à la maison. Je ne me suis jamais mis au piano, mais j’avais une attraction pour cet instrument. Je suis un piètre instrumentiste. Je me suis mis à la guitare il n’y a même pas trois ans. C’est le chant qui m’a vraiment fait venir à la musique. Je composais mes premières chansons uniquement à la voix. J’écrivais les mots et je les chantais.
Quelle est ta méthode de travail ? Est-ce que tu écris les textes d’abord, est-ce que tu composes d’abord ? Est-ce un cheminement ?
Dans l’ensemble, il ne me faut pas forcément le texte en entier, mais une accroche : un titre, une phrase que j’aime, qui sonne, qui me permet ensuite d’écrire un petit peu, un refrain, un couplet. Ensuite, je ne termine pas forcément le texte tout de suite. J’essaie de trouver une mélodie, de fredonner le texte de la manière la plus instinctive possible. Quand j’ai trouvé la mélodie que j’aime fredonner, je fais des va-et-vient entre la mélodie et le texte.
La plupart des artistes composent d’abord et les textes viennent après.
Je ne sais pas composer en yaourt. Je ne suis pas de l’école des compositeurs-instrumentistes. Au début, j’ai beaucoup composé avec ma voix.
Il y a une image que je trouve très belle et qui me fait penser à une interview que tu as donnée, il n’y a pas très longtemps. Une chanson, c’est comme une pelote de laine. Il faut tirer petit à petit pour la chanson vienne. Si tu tires trop fort, la chanson casse.
C’est une belle image. C’était une interview pour un site sur le tricotage. C’est ça, il ne faut pas se faire violence, il faut une dose de concentration et de vrai travail. Il faut se poser, s’isoler. Il ne faut pas croire que les choses arrivent par une sorte d’inspiration divine, il y a un vrai travail, une vraie rigueur. Quand les choses viennent, il faut se poser, les enregistrer, sinon tu oublies instantanément.
Jean-Jacques a écrit un texte là-dessus qui s’appelle "L’étincelle" dans lequel il explique qu’une chanson, c’est quelque chose de très très fragile.
[Mickaël Miro chante] "Quand la bouteille est vide, je craque une allumette, et la bouteille vide se remplit de lumière".
Non, ce n’est pas ça.
C’est la chanson la plus courte de Jean-Jacques Goldman ! Tu la connais ?
Oui, bien sûr !
Je ne sais plus sur quel album.
Le deuxième. Mais ce n’est pas de cette chanson dont je parlais. C’est un texte qui parle de la façon dont il écrit ses chansons. Ecrire une chanson, c’est une étincelle, et il faut la garder. C’est très fragile, elle peut s’éteindre à tout moment. Il faut nourrir cette étincelle pour que l’idée devienne une chanson. C’est un texte magnifique, qu’il a écrit, mais qui n’est pas un texte de chanson.
Je ne connais pas ce texte mais je suis entièrement d’accord avec lui. Si on a envie d’être chanteur et d’écrire des chansons pendant longtemps, il faut apprendre à se connaître et sentir quand il y a cette étincelle dont tu parles, et dont Jean-Jacques Goldman parle. Il faut parfois faire des sacrifices sur les choses à faire dans la journée et s’isoler. Je pense que c’est ce qu’il veut dire par l’entretenir.
Tu as co-écrit certaines de tes chansons avec Guillaume Boennec ou Eric Starczan. Est-ce que le processus de création est différent quand on est plusieurs à intervenir sur les textes ou les musiques ?
Avec Guillaume, c'était il y a presque 10 ans. Je me souviens débarquer dans son studio à Boulogne avec mes valises pleines de mélodies, et c'est lui qui a confronté pour la première fois mes chansons avec la rigueur d'une mesure et d'un arrangement ! "Mon amour de dictateur" est ressortie d'Issy (Rue d'Issy ;-) habillée de plein d'instruments et du thème que je siffle à la fin de la chanson. Avec Eric Starczan, c'est encore une autre histoire. "La lune s'en fout" et "Des mots qui rassurent" sont le parfait fruit d'un rendez-vous dans mon salon autour d'une guitare, d'un texte et d'une idée mélodique entêtante. Mes mélodies ont dû cohabiter et évoluer au contact des riffs et gimmicks guitaristiques d'Eric. Au final, on se retrouve avec une chanson qui est un mélange de plusieurs univers, et ça, c'est bon !
Si je te dis que tu es B.C.B.G…
[silence]
Balavoine, Cabrel, Berger, Goldman, évidemment.
[rires] C’est pas mal, ça, B.C.B.G. Balavoine, Cabrel, Berger, Goldman… Ce sont des artistes que j’adore, qui me touchent. Je trouve qu’il n’y a rien à jeter dans leurs albums.
Quand tu as repris "Evidemment" sur Chabada, je me suis fait la réflexion que cette chanson n’aurait pas existé si Balavoine n’était pas mort, et c’est sans aucun doute l’une des plus belles chansons de Michel Berger.
[ému] Il n’y a rien d’artificiel dans une bonne chanson. Elle est née d’un sentiment très fort. L’étincelle, c’est un incendie parfois. Ils étaient potes. Ces gens-là se fréquentaient. Quand il s’agit d’un accident d’une telle violence… Du jour au lendemain, il disparaît. Berger était quelqu’un de tellement sensible. Il n’y a rien à dire, quand ton meilleur ami part et qu’il n’a pas l’âge pour s’envoler ! On est heureux d’entendre de belles chansons comme ça mais en même temps, on se dit qu’elle aurait mieux fait de ne pas exister. Balavoine aurait écrit plein d’autres chansons et il serait encore aujourd’hui en train de faire des albums. On ne peut pas refaire le match, on ne peut pas refaire la vie.
Tu avais quel âge quand tu as écrit ta première chanson, "Tirer un trait" ?
Incroyable ! Quand tu me dis ça, je me replonge dans ces années avant d’avoir une maison de disques. J’étais avec mon pote Richard Schlang, qui est photographe. Il faisait mes sites internet. On essayait de créer un univers, de communiquer. "Tirer un trait"… C’était ma première chanson ?
C’est ce que mentionne ta biographie. Tu avais quel âge à ce moment-là ? Fin de l’adolescence ?
Non, pas l’adolescence. J’ai le souvenir d’être majeur quand je commence à écrire, entre 18 et 20 ans. C’est comme "Mon amour de dictateur", qui est ma première chanson aboutie et qui m’a donné envie d’écrire les autres. C’est la première que je faisais en piano-voix et que les gens pouvaient fredonner le lendemain. C’est pour ça que je voulais absolument qu’elle soit dans mon disque. C’était important pour moi.
En 2001, tu décroches une Maîtrise de Droit des Affaires à l’Université Jean Moulin Lyon 3. Pourquoi ce choix ?
Quand tu termines le bac, il y a une part de hasard dans ton choix d’orientation. Certaines personnes savent ce qu’elles veulent faire depuis qu’elles sont toutes petites, mais ce n’était pas le cas de mes amis et moi avant le bac. Je me suis inscrit en Droit parce que c’est un métier qui m’attirait. Mon grand-père me disait tout le temps : "Mon petit-fils, tu seras avocat international". A 18 ans, je me suis inscrit en droit. Mon grand-père était quelqu’un de très important de son vivant et il est encore très important aujourd’hui, bien qu’il ne soit plus là.
Après avoir décroché ta Maîtrise de Droit, tu pars à Paris. Quels étaient tes objectifs ?
Je suis parti pour faire un stage. Je n’avais pas vraiment d’objectifs. J’étais amoureux d’une jeune fille à Lyon, ma première relation sérieuse. Je partais mais je revenais souvent à Lyon. L’éloignement a eu raison de notre histoire. Je devais avoir 21 ans. J’étais assez léger dans ma tête. J’avais envie de profiter de Paris. J’avais quelques amis là-bas. Je ne partais pas pour conquérir.
Pas comme dans la chanson d’Aznavour ? Tu ne te voyais pas en haut de l’affiche ?
Non.
Tu ne voulais pas faire une carrière d’artiste à ce moment-là ?
Bien sûr que si, j’aimais chanter. J’avais des rêves, d’être chanteur, d’être dans la musique, mais ce n’est pas ça qui m’a animé pour monter à Paris. C’était le hasard. J’ai eu un stage puis l’année d’après, j’ai rencontré un pote avec qui j’ai monté une société dans les biotechnologies, un truc qui n’a rien à voir.
2004 : DESS de Droit Audiovisuel à la Sorbonne.
J’ai repris mes études. Il a fallu refaire un stage. Tout cela était teinté de castings, d’écriture de chansons, mais pas de concerts. Je ne faisais pas de concerts. Je ne rencontrais pas d’autres musiciens. J’étais très solitaire dans ma manière de faire de la musique. J’avais l’impression que c’était un hobby. Jusqu’en 2006, j’étais connu dans mon groupe de potes comme quelqu’un qui aimait chanter. J’avais des textes qui vivaient dans ma sphère intime. Et là, il y a eu la fin d’un cycle, celui des études où tu appréhendes ta vie de manière légère, où tu as l’impression de ne pas être responsable. D’un coup, je me suis trouvé face à une réalité professionnelle. On me proposait d’avoir un vrai contrat de travail. Je me suis dit : "non, pas de contrat de travail". Je vais essayer de gagner ma vie en faisant de la musique. C’est la deuxième partie de ma vie : ne faire que de la musique, rencontrer des gens, des musiciens, des arrangeurs, faire des maquettes, produire moi-même mes concerts.
Une rencontre intéressante, justement. En 2005, Thierry Cadet sort son premier album, "Popscriptum". Comment l’as-tu rencontré ?
Ma musique existait sur tous les sites internet que j’avais créés avec mon ami Richard, sur Myspace… C’est comme ça qu’on s’est connus avec Thierry. Il est très curieux, il aime découvrir les nouveautés et il m’a fait une interview.
Est-ce que tu connais sa musique, cet album, "Popscriptum" ?
Il me l’avait donné à l’époque. Je me souviens qu’il y avait la reprise de "Doux".
Une version absolument renversante, phénoménale.
C’était une très belle reprise. Quand il m’a donné son album et que j’ai vu qu’il y avait "Doux", la première chose que j’ai faite en rentrant chez moi, c’est d’écouter cette chanson avant les autres. On avait ce point commun. Puis, il y a une amitié qui s’est tissée. Un jour il m’a appelé pour faire partie des Marguerites. On ne s’est jamais vraiment quittés.
En 2007, tu sors un premier album autoproduit, qui s’appelle "Démo qui rassure".
Il n’y a rien qui soit vraiment sorti ! Ce ne sont que des maquettes. J’ai toujours pensé qu’il vaut mieux faire envie que pitié, donc je présentais mes maquettes, je mettais une belle pochette dessus, et je les vendais en concert. Ça donnait cette impression qu’un album "sortait". Il a même été chroniqué. C’est grâce à ça que j’ai rencontré Thierry Cadet, ou Jean-Pierre Pasqualini [le directeur du magazine "Platine"]. Mais mon premier album, c’est celui qui sort maintenant, c’est "Juste comme ça". D’ailleurs, il y a beaucoup de chansons de mon album qui étaient déjà dans cet album de maquettes.
Combien as-tu vendu d'exemplaires de "Démo qui rassure" ?
Aucune idée. Peut-être 500.
Cinq titres de cet album démo figurent sur ton premier album "officiel". Deux ont entre temps changé de nom : "Les muses assassinent" est devenu "La lune s’en fout" et "Une fois de plus" est devenu "Jolie libellule". Comment s'est opéré le choix ?
Les chansons ont tellement évolué ! Tu ne les reconnaîtrais même pas ! J’ai changé tout le texte de "La lune s’en fout". La mélodie de "Jolie libellule" a beaucoup bougé. Elles sont issues de ces années laboratoire où je ne donnais pas un point final à une chanson.
Que comptes-tu faire des quatre autres chansons qui figuraient sur Démo : "Sans faire de vagues", "Rien de personnel", "Plus je l'aime", "Dis-moi que (des mots qui rassurent)" ?
Je ne sais pas encore. Il fallait faire un album de onze chansons, donc certaines chansons ne sont pas sur cet album. Mes je les adore, alors elles existeront peut-être sur scène. Ou sur un prochain album.
Cela te plairait, d’écrire pour les autres ?
Ça me plairait parce que cela me permettrait de sortir de ma propre vie, d’aller dans la peau d’autres gens. C’est un travail d’acteur, d’interview aussi, pour apprendre à les connaître. Essayer de percer leurs secrets, leurs failles, pour les retranscrire en musique. Tout un travail d’analyse que je ne fais pas sur moi. Pas consciemment, en tout cas.
Si tu devais écrire pour d’autres artistes, est-ce que ce serait du sur mesure ?
Je pense que tu connais la réponse ! A chaque fois que j’écris une chanson, j’ai l’impression que c’est un miracle, un coup de bol, donc je n’ai pas des tonnes de chansons à placer. Si je devais écrire pour quelqu’un, ce serait forcément après avoir rencontré la personne, écouté sa voix, son parcours, ses envies…
Mercury t'a laissé le choix de ton équipe pour l'enregistrement de ton album. Lorsque vous avez commencé à parler de l’album, ont-ils proposé un réalisateur, des musiciens, une équipe... ? Est-ce que tu as eu carte blanche ?
Je sortais de six années où je menais moi-même ma barque, et j’étais content d’avoir enfin un directeur artistique, une équipe, à qui poser mes questions, et à qui confier mon bébé. Il y avait des choses qui étaient évidentes à mes yeux, et qui l’étaient aussi aux leurs. Il y avait des équipes qu’il ne fallait pas casser, et Mercury était entièrement d’accord avec moi. Par exemple, j’avais besoin d’Eric Starczan, qui fait partie de mon univers, pour maquetter, pour les pré-prod. Il fallait qu’il soit là. On n’a pas perdu de temps à s’apprivoiser, et c’est pour cela que mon album me ressemble.
Tu connaissais déjà Volodia [qui a co-réalisé l’album] à ce moment-là ?
Je le connaissais de nom. Dodo, mon directeur artistique, m’a proposé une co-réalisation avec Volodia. J’ai trouvé que c’était la meilleure idée du monde. Entre la jeunesse d’Eric, sa créativité – il est issu de la scène, il n’est pas formaté du tout, c’est la première fois qu’il réalise un album – et Volodia, qui a réalisé tous les albums que l’on sait, avec ce son particulier…
En janvier 2009, tu as uploadé le clip de "Ecrire quand même" sur ton compte dailymotion. A ce moment-là, pensais-tu te lancer grâce à ce titre, plutôt qu'avec "L'horloge tourne" ?
Ah non ! C’était encore une période où j’étais totalement libre ! Pas de maison de disques, aucune logique de lancement de single, de promotion, de marketing… Dès que je faisais un truc, je le mettais dans la nature. Avec une copine, July Hygreck, qui est réalisatrice, on a pris une caméra flip flap, on est partis une journée à Paris faire un clip. Le lendemain, le clip était monté. Deux jours après, il était sur le net ! Simplement pour que la musique vive. Il n’y a aucune logique marketing. C’est une période où je ne vis pas de ma musique. Rien n’est payant. Tout est mis à disposition dès que ça existe. On l’uploade. On le partage. Et on attend les commentaires, comme des applaudissements.
Pour l’instant, j’ai écouté ton album une quinzaine de fois, et "Ecrire quand même" me semblerait le deuxième single le plus logique. Si c'est le cas, garderais-tu le clip d'origine, ou est-ce que tu le ré-enregistrerais ?
Honnêtement, j’aimerais le garder, ce clip. C’est quelque chose qui ne peut pas être refait. C’est fait dans la spontanéité, entre amis. Il n’y a rien, juste une caméra flip. C’est un moment magique. Ce serait difficile, parce que la qualité n’est pas assez bonne pour qu’il soit diffusé à la télé. Ce serait compliqué pour une maison de disques de travailler avec. Si je devais le refaire, je ne referais pas du tout le même clip. Il existe, il est comme ça, il est unique. Je ne vais donc pas refaire la même chose.
La jeune fille que l'on voit dans le clip, c'est elle, ta scandaleuse, ton amour de dictateur ?
Ça se pourrait. C’est possible. Elle a du caractère, en tout cas ! [rires]
Dans "Juste comme ça", tu parles des rencontres fortuites, sans MSN, sans Facebook, sans Internet. Une rencontre sur cinq a lieu sur Internet. Et toi, comment as-tu rencontré Natasha St-Pier ?
J’avais écrit cette chanson, j’avais absolument envie que ce soit un duo. Ma maison de disques m’avait demandé d’adapter les paroles pour que je puisse la chanter seul. J’ai répondu qu’elle serait sur l’album seulement si c’était un duo. Je la chantais déjà en duo avec ma chérie, sur la maquette. Et la rencontre a eu lieu, "juste comme ça", par l’intermédiaire d’un ami, qui a écouté la maquette et qui m’a proposé de la faire écouter à Natasha St-Pier. Natasha a adoré la chanson. Deux jours après, on s’est rencontrés. Elle se reconnaissait parfaitement dans le texte. Le lendemain, on était en studio chez Volodia.
Maintenant que tu connais Natasha St-Pier, si elle te demandait de lui écrire une chanson, quel serait le premier thème qui te viendrait à l'esprit ?
Bonne question. "Si j'étais un homme" de Diane Tell lui irait tellement bien, je trouve. Le reste est à écrire...
Tu as un certain nombre de points communs avec Grégoire. Notamment, vous avez tous les deux travaillé au sein d'une maison de disques avant de devenir artiste.
Mais je vais même aller plus loin que ça : c’est mon camarade de stage ! On travaillait dans le même label. On mangeait ensemble à la cafet ! Au moment où je te parle, je vais le retrouver pour un concert à Lyon, pour Radio Scoop, et je ne l’ai pas revu depuis l’époque des stages.
Est-ce que tu es jaloux du fait que Grégoire soit le premier artiste à convaincre Jean-Jacques Goldman d’interpréter un duo sur une chanson originale qui ne soit pas de lui ?
Au contraire ! Je bénis tous les artistes qui arrivent à faire sortir Jean-Jacques de sa tanière ! La jalousie n’existe pas dans mon champ lexical.
Est-ce que tu as été tenté par l'aventure MyMajorCompany ?
J’ai été tenté, mais j’avais peur. J’avais peur d’être pieds et poings liés à un système que je ne maîtrisais pas.
Est-ce que tes chansons sont autobiographiques ?
Certaines, totalement. D’autres sont issues de situations, de sentiments que j’ai vécus personnellement.
Est-que ta scandaleuse t'a fait un scandale, quand elle a entendu la chanson qui lui était consacrée ?
J’ai l’impression qu’autour de moi, il y avait beaucoup de scandaleuses. J’ai beaucoup d’amour pour ce genre de femmes. C’est vraiment une déclaration aux scandaleuses en général.
"Dans les bras de personne", c'est une variation sur le thème du chanteur abandonné ? Même si l'artiste est seul dans la vie, il est présent dans le coeur de son public ?
C'est exactement comme ça que j'ai interprété ce texte de Jérôme Attal moi aussi ! Et c'est pour ça d'ailleurs que cette chanson prend tout son sens en concert.
Te souviens-tu de la dernière fois où tu n’as pas allumé ton iPhone pendant toute une journée ?
C’était la semaine dernière. Il est tombé en panne ! [rires] Je suis un peu accro… C’est un peu aliénant. Cette journée de panne m’a fait beaucoup de bien.
Combien de SMS gardes-tu précieusement dans ton iPhone, d’ailleurs ?
Sur un iPhone, tu n’as plus de problématique d’espace de stockage ! No limit ! Autant, à l’époque des vieux Nokia, il fallait faire un arbitrage entre les sms quand il n’y avait plus de place sur la carte sim – et c’était très difficile pour moi d’arbitrer – autant avec l’iPhone, c’est diabolique : on peut tout mettre, ne rien effacer. Comme il y a moins de sélection, les textos perdent un peu de leur impact.
Ce qui m’a surpris, c’est que tu m’as donné ton numéro de portable dès notre premier échange. C’est quelque chose que tu fais facilement ?
Non… Je sais pas… Je me suis dit, il est fan de Jean-Jacques Goldman, il ne doit pas être méchant. J’en sais rien… Ça me touche beaucoup. Que quelqu’un comme toi, qui es animé par cette passion, par cette musique "B.C.B.G.", et en particulier Goldman, que quelqu’un comme toi, me demande une interview, me demande de chroniquer mon album, ça veut dire qu’il y a quelque chose dans "L’horloge tourne" qui te faisait penser à cette famille de chanteurs. Ça me rassure, ça me fait plaisir, ça me touche énormément. Ta démarche est très agréable.
Je me suis pris "L’horloge tourne" en pleine gueule quand je l’ai entendue la première fois. Je me suis dit, "wow". Il n’y a pas de mot pour décrire ce que j’ai ressenti à ce moment-là. J’ai deux enfants, qui ont six et deux ans, et ils la chantent à tue-tête. Quand mon fils Jérémie, qui a deux ans, entend la chanson ou voit le clip, il devient fou. C’est effectivement une vraie chanson transgénérationnelle.
J’ai envie de parler de ma musique, j’ai envie de parler de mon album, j’ai envie de parler de "L’horloge tourne". La musique que j’ai écoutée, je l’ai aussi découverte en lisant des interviews. J’ai envie d’en raconter plus aux gens qui aiment "L’horloge tourne". Ils le méritent.
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Mickaël Miro : Juste comme ça (sortie : 9 mai 2011)
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