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Olivier Delafosse : "Oldelaf me permet de dire des choses que je ne dirais pas dans la vraie vie"

Entretien exclusif pour "Parler d'sa vie", enregistré à Plan-les-Ouates (Suisse) le 4 février 2012

Parler d'sa vie, le 2 avril 2012

Propos recueillis par Jean-Michel Fontaine

Retranscription de Jean-Michel Fontaine, Elsa Léal-Martinez, Delphine Roger

Photos : Mathieu Duchesne, Jean-Michel Fontaine

Oldelaf

Olivier, où trouves-tu cette inspiration qui te permet de composer des mélodies entêtantes qui ne te quittent plus de la journée une fois que tu les as entendues ?

Quand je compose des chansons, je les joue deux ou trois fois. Je ne les retranscris pas. J’attends le lendemain pour voir si je m’en souviens. Si je m’en souviens, c’est qu’elles restent. Si je ne m’en souviens pas, c’est qu’elles vont à la poubelle par elles-mêmes.

Tu commences par la mélodie ?

Par la musique, oui. Mais la mélodie et les accords viennent en même temps.

Tu composes en guitare-voix ou plutôt en piano-voix ?

Soit l’un, soit l’autre. Parfois, il n’y a même pas d’instruments. C’est le truc bien à bloc, je ne m’explique pas trop pourquoi.

Tu as écrit la plupart de tes textes, mais tu collabores également avec tes petits camarades, comme Monsieur D. – 1 et 2, pas le 3 a priori, Alexandre Zapata (alias Pepito Valdez, alias Alain Berthier), Julien Breton (alias Aldébaran, alias Firmin Lepers, alias Charles Berthier), mais également d’autres auteurs comme le réalisateur François Goetghebeur ou Olivier Duboc. Comment travailles-tu avec tes auteurs ?

Pour François, c’est un peu particulier : il a eu un rôle d’aide extérieure sur mes paroles. On n’a pas co-écrit les chansons, il les a chapeautées et il m’a poussé à l’excellence. C’est un peu prétentieux, mais c’est un peu ça. Pour le dernier album, il m’a vraiment dit : "Attention : là, tu ne vas pas assez loin, là tu pourrais mieux le dire." Sinon, avec les autres, souvent j’ai une idée de chanson, ils me balancent des idées et je les mets en forme. Par contre, avec le premier Monsieur D., c’était vraiment du 50/50 : on écrivait la chanson ensemble, l’idée pouvait venir de lui ou de moi. J’étais moins central que je ne l’ai été sur les autres collaborations. Souvent, avec les autres, c’est plutôt moi qui ai l’idée ou qui fais la mise en forme, et les gens balancent des idées. Mais à partir du moment où ils balancent des idées, je fonctionne à 50/50 sur les droits : on ne va pas calculer à la phrase près.

Et les textes se font sur les musiques, ou parfois les textes sont venus avant la musique ?

Il n’y a pas de règle. C’est arrivé que les textes arrivent avant. Il n’y a pas de règle générale.

Qui est Olivier Duboc, avec qui tu as écrit huit chansons dont "La tristitude" ?

C’est un mec que j’ai connu en seconde, au lycée : il est devenu mon meilleur pote. La complicité s’est faite vraiment tout de suite, et c’est certainement la personne avec laquelle j’ai le plus rigolé de ma vie. On s’est créé un monde à nous qui souvent n’appartient qu’à nous, mais de temps en temps, il y a des choses qui débordent de manière plutôt saine [sourire], comme "La tristitude". De notre monde on a réussi à faire des trucs un peu plus universels, c’est assez sympa. C’est un gars qui a une culture musicale incroyable mais qui n’a pas écrit beaucoup de musique. Il a écrit plutôt des textes avec moi. On écrit d’autres trucs à côté, on a des projets, mais c’est dur de les mener à bien car on s’attaque toujours à des choses un peu compliquées.

Ce n’est pas un professionnel de la chanson, alors ? Ce n’est pas son métier ?

Non. C’est un professionnel de la musique dans le sens où il est discothécaire. C’est peut-être le meilleur discothécaire de France ! C’est un métier qui est en perdition car les gens ne vont plus dans les discothèques. Mais lui, c’est le seul à pouvoir parler de tous les disques qu’il a dans sa discothèque. Il a une culture qui dépasse l’entendement.

Tu as déposé 145 chansons à la Sacem, la plupart en tant qu'auteur-compositeur. J'en connais environ 90, issues de tes années passées avec les Petits Humains, Oldelaf et Monsieur D., ton projet solo et ton album pour enfants "Bête et méchant". Tu as donc de quoi faire cinq albums avec les chansons que tu n'as a priori pas encore interprétées.

C’est possible [rires], je n’ai pas calculé ! 145 ?

Oui, 145 à la date d’hier !

Oui, peut-être… J’en ai même écrit plus que ça ; je ne dois pas être loin de 200 chansons je pense… Et même plus parce que j’ai fait un grand nombre de trucs… Mais c’est vrai que j’ai déposé les chansons qui avaient des chances d’être exploitées un jour commercialement. Cela dit, j’ai vraiment envie de les enregistrer un jour. J’en ai enregistré certaines en acoustique mais ça me fait chier qu’il n’y en ait pas une trace quelque part. Sans les vendre forcément, mais c’est quelque chose que j’aimerais bien faire, si j’avais du temps, un studio… J’aimerais bien les enregistrer de manière très dépouillée, guitare-voix ou piano-voix.

Et les chansons que tu chantes en concert comme "A contre-jour", est-ce qu’elles ont vocation à être enregistrées un jour ou est-ce que tu tiens à ne les faire qu’en concert pour une raison ou pour une autre ?

Elle ne s’appelle pas "A contre-jour" mais "Joli dimanche". J’espère bien l’enregistrer, pourquoi pas sur un prochain album : c’est une chanson que j’aime beaucoup à titre personnel.

Et qui est très différente de ton répertoire habituel…

Parce qu’elle fait partie de cette série de chansons plus graves : il n’y a aucun élément qui a trait à l’humour, ce qui est un peu particulier. Cela peut dérouter de but en blanc, mais lorsqu’on se concentre juste sur la chanson, je pense que ce n’est pas une mauvaise chanson. J’ai vraiment envie de la chanter, de la défendre. En tout cas, je prends du plaisir à la chanter. Quand les gens l’ont écoutée la première fois, j’étais très content car il y a eu un très bon accueil. Les gens m’en parlent et ça me fait plaisir.

Je l’ai trouvée très touchante effectivement. Est-ce qu'il y a des chanteurs, des chanteuses à qui tu souhaiterais confier tes chansons ? En dehors de Mathieu Madénian ?

[rires] Je n’ai pas envie de confier mes chansons. Si un jour quelqu’un venait me demander spécifiquement de chanter telle ou telle chanson, ce serait certainement avec plaisir, selon la personne. Mais si j’écris pour quelqu’un… J’écris toujours pour une personne spécifiquement, je n’écris jamais dans le vide. Et si j’écris telle ou telle chanson, c’est parce que j’imagine que moi je vais la chanter et je n’écrirais pas de la même façon si la chanson devait être chantée par Céline Dion ou J.P. Nataf. Tu ne peux pas écrire avec les mêmes effets de voix. Ne serait-ce que la mélodie ou les mots, j’adapterais forcément à la personne pour qui j’écrirais. Ça paraitrait bizarre qu’il chante une chanson qui finalement est composée pour moi, parce que j’ai un passé de la chanson qui est spécifique, j’ai une manière de chanter les choses, j’ai une voix qui est spécifique. C’est juste ça. Ça me ferait chier que quelqu’un chante une chanson qui n’est pas adaptée. On m’a proposé de chanter "La tristitude" à ma place par exemple, mais je me suis battu pour la garder, car c’est ma chanson, je veux la chanter, c’est moi.

Moi, je vois bien Francis Lalanne la chanter !

[rires] Ecoute, propose-lui !

Mais sinon, il y a une jeune chanteuse qui s’appelle Anna Flori-Lamour qui a sorti un premier album en fin d’année dernière, avec qui tu as écrit trois chansons ("14 juillet", "Je ne m’excuse pas" et "La valse sans nom"), d’ailleurs elles ne sont pas toutes sur l’album, de mémoire… Comment l’as-tu rencontrée ?

Je l’ai croisée comment, Anna... C’est une bonne question. Je ne sais plus. Si, c’est par Geneviève de La Péniche El Alamein. Je lui ai donné des cours de guitare, un moment, et puis quand elle a monté son spectacle - car elle était comédienne, à la base - quand elle a monté son spectacle de chansons, elle a cherché des gens, elle m’a proposé des textes et j’ai mis des musiques dessus. La valse sans nom, c’est une chanson dont j’aime beaucoup le texte, que je n’aurais pas pu chanter moi, parce que le texte, comme on disait, ne peut pas correspondre à un garçon du tout. Il aurait fallu la réécrire complètement, mais c’est une chanson dont je suis fier.

[Anna Flori-Lamour]

Tu n’as pas envie d’avoir une carrière comme celle de Vincent Baguian, qui écrit des tubes pour des interprètes comme Florent Pagny, Zazie ou Elisa Tovati, qui participe à des comédies musicales comme Mozart Opéra Rock - il a fait L’Assassymphonie - ou des projets caritatifs comme Sol en Cirque, et qui se fait plaisir, ceci dit, en gardant pour lui ses chansons les plus mordantes, mais aussi les plus abouties, quitte à avoir une carrière personnelle beaucoup plus confidentielle ?

Il y a deux choses. C’est une histoire de réseau, c’est-à-dire que si un jour on me propose de composer pour des choses qui sont très connues et qui rapportent beaucoup de sous, je serai ravi. Ensuite, en effet, je trouve que ça ne compromet pas beaucoup, le fait d’écrire pour ce genre de choses assez impersonnelles comme une comédie musicale. C’est sûrement un bon "songwriter".

Tu le connais, Vincent Baguian ?

Vaguement, enfin, je serais incapable de te citer une de ses chansons.

Je te conseille de les écouter, c’est vraiment un très très bon auteur compositeur.

D’accord. Mais pour le coup, le hasard a voulu que ce soit lui qui soit moins connu à titre personnel. S’il peut continuer à faire son boulot, c’est cool, enfin c’est le principal. S’il peut continuer à venir jouer sur des scènes et en vivre, en bouffer, c’est super. Ce qui est dur, c’est que si tu fais ton concert à toi et s’il n’y a personne, si tu dois annuler les dates parce que les salles sont vides, là ça doit être pénible. Tu as beau être très riche, je pense que le moral en prend un coup. S’il peut remplir des salles de cent personnes un peu partout, c’est cool.

Est-ce que ce n’est une question d’ego, finalement ? Il y a des gens qui sont auteurs-compositeurs et qui ne tiennent pas du tout à être connus. Peut-être parce qu’ils ne sont pas interprètes, mais pas forcément. Est-ce que pour toi, c’était évident de vouloir défendre tes chansons ? D’être sur scène ?

En fait, je crois que c’est les deux, parce que j’ai vraiment envie d’écrire : c’est quelque chose qui m’éclate et qui fait partie de moi, qui est hyper important pour mon accomplissement. Par contre, je n’aurais jamais pu rester assis chez moi dans l’ombre, même si les chansons avaient été très connues. Ce n’était pas possible, c’est viscéral. Quand je ne joue pas pendant quinze jours, je suis malade, je tremble, donc j’ai besoin de la scène. Même quand je joue sur de très chouettes scènes, et un peu partout avec mon groupe, quand il y a des périodes sans concert, je suis malheureux, je tourne en rond. Par exemple, plutôt que de faire une grosse scène à Paris, je préfèrerais faire dix fois une salle de cent personnes pleine qu’une fois mille personnes. J’ai bon ?

A peu près. [rires]

On peut jouer mille fois devant une personne, on peut jouer une fois devant mille personnes, mais… Je sais plus ! [rires]

L’important, c’est qu’il y ait des gens.

Oui, tant qu’il y a des gens qui viennent pour écouter… Ce qui compte le plus pour moi dans la médiatisation qui peut arriver en ce moment, c’est le fait que ça me permet d’espérer pouvoir reporter dans encore plus longtemps le fait qu’il y ait des gens devant moi aux concerts et qui soient intrigués, ou intéressés, ou excités de venir me voir jouer et qui aient envie d’écouter ce que j’écris, ce que je chante et tout ça. Je ne serais pas excité pareil si je devais chanter les chansons d’autres personnes. Je ne pense pas que j’aurais pu passer ma vie à faire du karaoké ! Ça aurait été un peu frustrant.

[l’air grave] C’est qui "Le squatteur de ton cœur" ?

"Le squatteur de ton cœur", c’est une chanson que j’ai écrite avec Thomas des Blérots de R.A.V.E.L et que les Blérots ont jouée pendant un moment, que j’ai jouée une fois. C’est une chanson très con et très agréable. Non, je confonds complètement, excuse-moi… C’est une chanson que j’ai écrite avec Olivier [Duboc]…

Sur le site de la SACEM, de mémoire, tu es cité comme auteur-compositeur, mais il y a genre quinze arrangeurs… J’aurais dû noter les noms…

C’est bien une chanson que j’ai faite avec les Blérots de R.A.V.E.L, alors. Celle que j’ai écrite avec Olivier s’appelle "Clochard de ton amour" [rires], qui est très drôle aussi, et qui fait [il chante] "je suis clochard clochard de ton amour, je suis mendiant de tous tes sentiments". Ça doit être introuvable sur un enregistrement quelconque, mais c’est con parce que ça a été filmé, je crois, à titre privé.

Dans ton spectacle précédent, tu citais Jean-Jacques Goldman à deux reprises, en parlant du cajon, et sur "Ce soir". Que représente-t-il pour toi ?

Un vrai con ! [rires] Jean-Jacques Goldman, c’est une icône, volontaire ou involontaire de la chanson française. Sur une durée d’exercice assez courte, finalement, parce qu’il n’a pas une production incroyablement riche en terme d’albums. C’est assez concentré. A titre personnel, j’ai été vraiment déçu et même agacé de la période Fredericks, Goldman and Jones, vraiment, et pas tant par les chansons elles-mêmes, mais par les arrangements. Je trouvais qu’il faisait honte à son nom. Je trouve que c’est un génie, un génie de la grille d’accords, pour écrire des chansons, des mélodies qui restent dans la tête, qui s’accrochent. C’est un génie de la mélodie accrocheuse et puis surtout c’est un vrai poète, il y a des chansons que je trouve extraordinaires comme "Puisque tu pars". L’album "Entre gris clair et gris foncé" fait partie des albums que je connais le mieux, avec un vrai coup de cœur, une vraie préférence pour la partie acoustique, sans aucun doute. Les autres chansons de l’album vieillissent mal, dans les arrangements, à cause des synthés. Ce que je lui reproche, c’est que lui, qui n’a aucune limite budgétaire, a reproduit des orchestres avec des synthés, des nappes de cordes. Pour moi, c’est interdit. Que ce soit par négligence ou par souci d’économie, dans les deux cas, je trouve ça honteux. Si c’était un groupe qui débute, ou un jeune chanteur, qui ne peut pas se le permettre, tu pardonnes. Quand tu t’appelles Jean-Jacques Goldman et que toutes les prods te mangent dans la main, c’est pas possible. C’est surtout vrai pour les albums de Fredericks, Goldman et Jones. Ce ne sont pas les chansons qui sont en cause, ni les personnes. Leur idée est sympa : il était ultra connu, c’était déjà une légende vivante, et il décide de refonctionner comme un groupe. C’est touchant. C’est vraiment les arrangements eux-mêmes. Sur "un deux trois do you nana", tu ne peux pas faire jouer une fausse batterie et un pauvre petit synthé au lieu de riffs de guitares. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas du tout. Et puis "Chansons pour les pieds", j’en parle même pas, parce que c’est carrément une bouse. Mais dans les chanteurs des années 80, cela reste un orfèvre.

Parmi les chansons qu’il a écrites pour d’autres, est-ce qu’il y en a qui te touchent plus particulièrement, que tu trouves imparables, ou au contraire, pour lesquelles tu te demandes, "mais qu’est-ce qu’il est venu faire dans cette galère ?"

Parfois, je me suis demandé si c’était un test pour voir si les gens le suivaient à tout prix. Quand il fait "Je t’attends" pour Johnny, qu’est-ce qu’il a voulu faire ? Sur le même album, il y a "Je te promets", ou "Laura"...

Sur cet album, il y a dix chansons, dont cinq où tu te demandes pourquoi...

Je ne connais pas toutes les chansons, mais il y a eu au moins quatre singles.

Et cinq chansons sortent vraiment du lot : "J’oublierai ton nom", "Je te promets", "Laura", "L’envie", "Ton fils"…

Chanson incroyable, L’envie !

Il l’avait écrite en 1978 pour Johnny.

[surpris] Non ?!? Et il n’en avait pas voulu, à l’époque ?

Elle n’était pas parvenue jusqu’à lui.

[très enthousiaste] C’est génial ! C’est génial ! C’est une chanson ex-tra-or-di-naire !

Pour moi, il n’y a qu’un seul autre interprète qui aurait pu chanter ce thème : Michael Jackson. Avoir l’envie d’avoir envie. Quand tu es une star mondiale, c’est la seule chose qui peut te faire défaut.

Au-delà du symbole lui-même, peu de personnes auraient pu mettre autant de force dans cette chanson. Quand on parle d’écrire pour les autres, voilà un exemple parfait de réussite. Elle est extraordinaire. Sans doute l’une des trois plus belles qu’il ait écrites.

Il y a un an, j'avais défini Mickaël Miro comme étant un chanteur B.C.B.G. (Balavoine Cabrel, Berger, Goldman). Et toi, qui mettrais-tu dans ton panthéon ?

[silence]

Et on verra après si ça forme un acronyme.

C’est sûr qu’il y a du Souchon... Il doit y en avoir quatre ?

Dans tes interviews, j’ai noté que tu évoquais John Lennon, Julien Clerc, Joe Dassin, Debout sur le Zinc, Les Blérots de R.A.V.E.L., les Nonnes Troppo, les VRP. Peut-être plus des gens qui t’ont influencé que ton panthéon à proprement parler...

Tous ! Je me reconnais dans tous ceux-là et je signe. Il faut rajouter les Innocents, qui me touchent plus pour la musique que pour les paroles. Les paroles sont souvent trop compliquées. Qui d’autre ? Goldman, c’est surtout dans les années 80, et pas l’ensemble de sa carrière, contrairement à Souchon. Le top du top, c’est les Beatles. Brassens, c’est incontournable, tant pour les paroles que pour la musique.

De nombreux musiciens disent que cela a l’air simple, mais que c’est en fait très dur de jouer du Brassens.

C’est plus compliqué à chanter qu’à jouer. [il chante "Je me suis fait tout petit devant une poupée qui fait maman quand on la touche" en pointant chaque note sur une partition imaginaire]. C’est un exercice difficile, alors quand tu dois en plus te souvenir des paroles, l’interpréter et la jouer en même temps à la guitare... Je te laisse le plaisir de trouver une phrase rigolote avec tous ces gens-là.

LCDDBRNTVIGSBB... ?!? [rires]

Et là, tu vas trouver "Jean-Michel Fontaine" ! [rires]

Est-ce que tu as envie de faire un peu de promo pour des chanteurs que tu aimes bien, qui ne sont pas forcément connus, et qui mériteraient de l’être ?

Debout sur le Zinc, Les Blérots de R.A.V.E.L. Les Blérots de R.A.V.E.L. ont fait un album extraordinaire qui s’appelle "Les voleurs du dimanche", qui est pour moi leur meilleur album, et qui mérite vraiment le détour. Pour Debout sur le Zinc, le choix est plus large : "Des singes et des moutons", le dernier album aussi. Bon, ils sont encore plus connus que moi, mais je vous invite quand même à les découvrir. Dans le genre "chansons cons", il y a la Sex Bomb, les Joyeux Urbains. Allez voir Les Joyeux Urbains sur scène ! Ils ont des nouvelles chansons qu’ils ont déjà enregistrées, mais ils n’arrivent pas à sortir l’album. Si j’avais de l’argent, voilà un groupe que j’aimerais aider ! Et Adonis. Adonis, c’est un génie. Il est trop drôle. Il me fait vraiment beaucoup rire.

Dans tes chansons, tu as gentiment brocardé Pascal Obispo, Florent Pagny, Jamel Debbouze, Eddy Mitchell ou Jean-Michel Jarre. Est-ce que tu penses que ta nouvelle notoriété va te forcer à plus de retenue désormais ?

C’est une bonne question. C’est une bonne question, et ça m’emmerde d’y répondre. C’est en ça que c’est une bonne question. Ça fait peur. Je pense qu’on va me le faire remarquer. Il y a déjà eu des écrémages. La version de "La tristitude" qui passe à la télé, ce n’est pas la même que sur le disque, à cause de ce genre de problème. Ce que les gens ont aimé chez moi jusqu’à présent, c’est mon côté méchant, cinglant, borderline, et j’ai peur que si on me le retire, je devienne tout mou. C’est tout le problème de TF1, qui s’autocensure, et qui habitue les gens à l’autocensure. Ça entraîne le pays dans l’autocensure : plus ça va, et moins on a le droit de dire des choses.

Pierre Desproges avait dit qu'on pouvait rire de tout, mais pas avec n'importe qui. J'ai l'impression que depuis quelques années, on devrait également ajouter : "pas n'importe où, pas n'importe quand". Est-ce que tu as des limites, des sujets tabous dont tu ne voudrais pas rire ?

Oui. Il y a des sujets qui ne me font pas rire, comme la scatologie, qui m’emmerde. J’évite de parler de cul dans mes chansons. Il doit bien y avoir quelques dérapages, comme "Samedi", qui s’éloigne de ma ligne de conduite. On s’était mis d’accord avec le premier Monsieur D. : pas de cul, pas de politique. C’est vraiment Monsieur D. qui tenait les rênes de l’éthique.

Il y a eu "Trahis"…

Voilà. J’ai débordé. J’ai une certaine conscience politique, qui fait que j’ai envie de dire plus. Il y a des chansons un peu plus engagées sur le dernier album, de près ou de loin. Des petites piques. En tout cas, je n’ai envie de donner de leçon. Peut-être souligner des choses qui m’énervent trop pour ne pas les signaler, mais je ne veux pas faire de provoc’ à deux balles. Je ne veux pas devenir un donneur de leçon. Si un jour cela arrive, il faudra me me le dire.

[l’air grave] Tu donnes des leçons… de guitare. Je le sais.

[rires] Pour revenir à ta question, il m’arrive de taper sur des gens qui n’ont rien demandé, mais j’essaie de ne pas m’acharner non plus.

Quand tu as chanté "La tristitude" dans Chabada, Thomas Dutronc t’a fait remarquer que ce n’était pas très charitable de te moquer du handicap de Jamel Debbouze, tout en faisant le parallèle avec le styliste d’Eddy Mitchell. Je me demande, cependant, dans quelle mesure on n’a pas chacun nos propres tabous. Rire du psychiatre de Francis Lalanne, cela peut faire rire tout le monde, mais rire du handicap de Jamel, "ah non, quand même, c’est pas drôle".

Ce qui est spécial avec le handicap de Jamel, c’est qu’il est handicapé parce qu’il a joué au con. Ce n’est pas une raison pour se foutre de sa gueule, parce toute sa vie en a été bouleversée. Il a un talent fou, et son succès lui permet de banaliser le handicap. Il joue des rôles de gens "normaux" dans ses films, pas des rôles de personnes handicapées. L’apparition de Jamel dans "La tristitude" rejoint la phrase de Didier Super : Mieux vaut en rire que de s’en foutre, mieux vaut rire que d’en pleurer. Je suis confronté au handicap de très près, dans ma famille, à plusieurs reprises, et cela ne m’empêche pas d’en rire, avec les personnes que cela concerne, alors que cela me touche au plus profond de moi-même. Si je rencontre Jamel un jour et qu’il me dit que cela lui fait de la peine, alors j’arrêterai immédiatement.

Tu as eu un écho, direct, indirect ?

Non. Nous avons des amis communs, qui m’ont dit qu’a priori, ce n’était le genre à se bloquer pour ça. Mais si jamais il me dit que cela l’a blessé, je ne chanterai plus jamais cette phrase de ma vie.

Et D.S.K. ?

Je m’interdirai de m’interdire de chanter cette phrase. Et puis je ne le cite pas, D.S.K. A aucun moment.

C’est vrai. Que tu dises "Quand Naffisatou dit : allo ?" ou "femme de chambre au Sofitel", tu ne le cites pas.

Je n’ai jamais cité D.S.K. Chacun entend ce qu’il veut, et c’est ça qui est d’autant plus drôle avec cette formulation.

Au temps pour moi. C’est vrai que l’on entend ce que l’on veut bien entendre. Plus généralement, est-ce que tu as eu des retours des personnes que tu as citées dans tes différentes versions de "La tristitude" ?

Non, jamais. Une fois, j’ai croisé Pascal Obispo sur un plateau télé, mais je ne pense pas que j’aurais eu le courage de lui dire, de but en blanc, "j’ai écrit une chanson pour me foutre de ta gueule". Je pense que cela aurait été un peu déplacé, et je ne pense pas qu’il aurait compris.

Dans ton bestiaire merveilleux, on trouve pêle-mêle des hippopotames, des gros ours, des pitbulls... Te sens-tu une certaine proximité avec ton lointain ancêtre Jeandelaf ?

Jeandelaf… Notre oncle à tous les deux ! [rires] C’était un précurseur dans la métaphore, et c’est quelque chose que j’ai toujours adoré. Même quand tu es tout petit, tu arrives à comprendre le message qu’il veut faire passer. C’est un vrai bon auteur. Son imaginaire est toujours d’actualité. Je l’aime vraiment bien, Jeandelaf.

C’est aussi une de tes forces. "Les hippopotames" peut être prise au premier degré, comme une chanson pour enfants, et d’ailleurs, les enfants l’adorent, alors que les adultes peuvent avoir une lecture différente, au second degré, sur la paresse et le monde de la consommation.

Le second degré n’est pas très caché dans cette chanson… Mais effectivement, la métaphore est une forme d’humour fine que j’adore. Je n’y arrive pas toujours, mais je m’entraîne. J’ai une carrière pour le faire ! [rires]

Boris Vian a dit, "L'humour est la politesse du désespoir". Qu'est-ce que tu en penses ?

C’est peut-être plus vrai pour mon album solo, mais ce n’était pas la philosophie d’Oldelaf et Monsieur D., où nous étions plus à la recherche du gag pour le gag. En revanche, cette phrase s’adapte bien à la situation actuelle : si l’humour marche aussi bien en ce moment, c’est que les gens en ont vraiment besoin, pour tenir. D’eau, d’air, et d’humour. La chanson est mon mode d’expression : j’en ai besoin pour exprimer mes opinions – tristes, dures, engagées – mais ce n’est pas un but en soi. Ce n’est pas systématique. Je n’aime pas rire que de mes tares, des tares de la société. J’aime aussi rire pour rire. Il y a des moments où je vais bien. Je n’utilise pas l’humour seulement quand je vais mal.

On dit souvent que les grands comiques sont avant tout de grands névrosés. Rassure-nous : ce n’est pas ton cas.

Non, je suis plutôt optimiste. Je vais plutôt bien. Enfin, je crois. Il y a des moments où j’aime me morfondre, écouter des trucs très tristes, mais je ne crois pas être quelqu’un de névrosé.

Quand tu as écrit "Nous les vedettes", est-ce que tu imaginais, dans tes rêves les plus fous, que tu te retrouverais un jour sur le canapé de "Vivement dimanche" ?

Non. Enfin, sur le canapé, si, j’espérais, parce que je crois en ce que je fais, et que je pensais que cela marcherait un jour. Mais je ne pouvais pas imaginer que tout arriverait en même temps, que je deviendrais chroniqueur de Michel Drucker à la radio. Ça, je ne pouvais pas l’imaginer.

Comment l’as-tu rencontré, d’ailleurs ?

C’était dans son émission de radio, sur Europe 1. Il m’a gentiment serré la main. Enfin, quand je dis "serrer la main", il m’a tenu la main. Parce qu’il ne serre pas la main, Michel Drucker, il te tend la main. C’est à toi de la lui serrer ! A la fin de l’émission, il est venu me voir et il m’a dit : "je crois qu’on ne va pas tarder à se revoir". Cela m’a permis d’avoir des choses à raconter dans les soirées mondaines et dans les soirées populaires. Je crois qu’il aime bien ce que je fais. Si ce que je fais fonctionne, on sera en bons termes – on ne peut être qu’en bons termes avec Michel Drucker ! – mais si ça ne marche plus, ce n’est pas lui qui ira se battre pour toi. Michel Drucker, c’est une institution. Ce sont les gens qui viennent à Michel Drucker. Ce n’est pas lui qui vient aux gens.

Est-ce qu’il connaît "Nous les vedettes" ?

Non, mais j’espère pouvoir la lui jouer un jour.

Dans "Vivement dimanche" ?

Quel que soit mon succès, je ne jouerai pas vingt chansons dans "Vivement dimanche". Quitte à jouer une chanson, ce n’est pas celle-là que je jouerai en priorité. Donc non. Mais par contre, sur scène, j’aimerais bien… Cela risque d’arriver au cours de l’année.

Taratata, c’est quoi ? Une consécration ?

Non. C’est un rêve de musicien qui se réalise. Une excitation, plutôt. Une consécration, c’est plutôt le canapé rouge, qui est arrivé avant, paradoxalement. Tu touches au populaire. En termes de taux d’audience, tu ne peux pas faire grand-chose de plus. Une consécration, en termes de médiatisation, ce serait plutôt Champs-Elysées, ce qui risque d’arriver un jour ou l’autre. Non. Une Victoire de la Musique. Ça, ce serait une consécration !

Grâce à ton passage hebdomadaire sur Europe 1 dans l'émission de Michel Drucker, "La tristitude" est en passe d'entrer dans le dictionnaire. Qu'en pense Ségolène ?

Les gens pensent que j’ai écrit "La tristitude" à cause de Ségolène, alors que je l’ai écrite avant sa "bravitude". Je n’ai pas d’avis sur son avis. [rires] J’aime les mots, les néologismes que l’on comprend du premier coup.

Les mots-valises. Tiens, tu te laisses poustache ?

Voilà ! Exactement ! Je l’ai fait dans une chanson qui s’appelle "la pluie" : "la pluie dégringouline sur les carreaux".

Comment as-tu réagi à chaque fois que les Monsieur D. successifs t'ont annoncé qu'ils souhaitaient arrêter ?

Pour le premier, cela me semblait une bêtise de sa part. Et je le pense toujours. Il n’aurait pas dû arrêter, mais pas tant pour moi que pour lui. Cela ne m’a pas empêché de continuer le groupe, mais je trouve que c’est une vraie erreur pour lui d’avoir arrêté le monde artistique, parce qu’il a un talent fou et que c’est l’un des mecs que j’admire le plus, artistiquement. Le deuxième, c’était beaucoup plus violent, et cela s’est fait de façon beaucoup plus brutale, et de manière irrespectueuse, sans se soucier de savoir comment nous allions pouvoir gérer son départ. On avait signé des contrats pour une tournée, et il n’a pas tenu ses engagements. J’ai fait une grosse déprime à la suite de ce départ, qui m’a paradoxalement donné beaucoup d’inspiration, puisque de cette déprime est né l’album "Bête et méchant". On m’a proposé le projet en mars, Monsieur D. m’a annoncé qu’il arrêtait fin mai, début juin, et le 15 juillet, je rends 15 chansons enregistrées et mixées. Pour moi, c’est un record. Quand le troisième Monsieur D. a été recruté, il savait que je voulais arrêter Oldelaf et Monsieur D. C’était déjà planifié et organisé.

C’était un CDD ?

Oui. A l’arrêt du deuxième Monsieur D., j’ai hésité à lancer mon projet solo, car j’y pensais déjà, mais les gars m’ont convaincu que c’était trop tôt pour le faire. C’était un super conseil de leur part. On avait déjà commencé à écrire des chansons avec le deuxième Monsieur D., pour une tournée qui devait durer jusqu’en décembre 2008. En décembre 2008, Benjamin, le troisième Monsieur D., m’a dit qu’il était prêt à prolonger jusqu’à l’été 2009, et de cette prolongation est né le troisième album, avec toutes les chansons qui étaient déjà prêtes mais que je n’avais pas encore enregistrées. Oldelaf et Monsieur D. avait alors neuf ans et demi, et je me suis dit qu’on pourrait peut-être terminer en beauté. Benjamin n’avait jamais chanté sur scène : il a commencé en octobre 2008, et il a fini en janvier 2010 sur la scène de l’Olympia. Un record en termes de progression de carrière ! [rires]

Comment est venue l’idée du concert d’adieu à l’Olympia, pour fêter les dix ans d’Oldelaf et Monsieur D. ?

C’était le rêve de ma vie. Un rêve d’enfant. Un aboutissement. Si j’avais arrêté ma carrière après l’Olympia, je me serais dit que j’avais réussi mon projet. J’aurais pu arrêter en me disant que j’avais fait quelque chose de ma vie. Quand tu es chanteur, ou musicien, tu rêves de pouvoir finir ta carrière en passant à l’Olympia, et moi, j’avais 34 ans. Ce jour-là, je me suis dit, "yes !". On a réussi à convaincre notre tourneur de prendre le risque financier, et bien lui en a pris.

Je comprends. Il était incroyable, ce concert. Incroyable. Avoir 3'000 personnes qui connaissaient les paroles de toutes les chansons par cœur – y compris celles qui n’étaient pas sur les albums – ça montrait que c’étaient vraiment les fidèles qui étaient là.

Ça dépasse largement le cadre de l’accomplissement professionnel, effectivement. Pratiquement tous les gens que je connaissais étaient là, de partout dans le monde. Il y a des gens qui étaient venus d’Amsterdam, de Madrid, de La Haye, de Buenos Aires, de Montréal, de Moscou, de Pékin... [très ému] Et là, tu es devant ta vie. Tu es devant tes parents, tu es devant ton frère, ta famille, tes amis de toutes les époques, tes amis du métier, devant tous tes fans. Tu es face à ta vie. Et c’est en ça que c’était un accomplissement. Tous les gens me l’ont dit. Ce jour-là, ils venaient pour me dire, "Chapeau, Oliv’. Tu nous as bluffés. On n’y a pas toujours cru. Tu as fait le pari un peu fou de devenir musicien. Putain, ça fait plaisir que tu aies réussi à ton âge !".

La prochaine question ne vient pas du blues, mais elle vient de loin, quand même. Est-ce que tu as vu Alien IV, de Jean-Pierre Jeunet ?

[méfiant] Oui. Pourquoi, je lui ressemble ? [rires]

La tentative désespérée des scientifiques de clôner l'alien qui est au creux de Ripley les conduit à générer des hybrides, mi-aliens, mi-humains. Tu as toi-même fait l'objet d'une malencontreuse expérience scientifique qui a mal tourné, quand on a essayé de fusionner ton patrimoine génétique avec celui de Coeur de Pirate. Est-ce que tu peux me parler de GiedRé?

[après avoir montré plusieurs signes de perplexitude pendant que j’énonçais ma question, Oldelaf affiche un large sourire] Effectivement, elle vient de loin ! Il faut que je lui en parle, je vais lui envoyer un texto tout à l’heure. Ça la fera rire. Je suis fan de GiedRé. Elle a un humour que je n’aborderais pas, mais elle le fait de façon très personnelle. Le succès qu’elle rencontre est à la hauteur de la nouveauté qu’elle amène. C’est ultra-mérité. C’est quelqu’un qui écrit bien, c’est quelqu’un avec qui j’ai déjà bossé et qui sait bien bosser. C’est une fille qui me fait vraiment rire, et c’est une fille très intelligente. Très intelligente ! Une intelligence qui touche à un engagement, une violence qu’elle aborde dans ses chansons. Je dirais plutôt que c’est un croisement entre Didier Super et Coeur de Pirate. Elle se met en jeu dans ses chansons, avec une vraie provocation. Je me mets moi très peu en jeu, j’ai plutôt un côté gendre idéal.

En dehors de tes personnages, comme le Père Noël.

Oui, mais j’incarne un personnage.

GiedRé est un personnage.

Voilà, exactement. Ce n’est pas la même démarche. Didier Super, c’est une globalité. Il explique comment se situe son personnage, ce que ne fait pas GiedRé. GiedRé est bien plus courageuse que moi. J’ai un côté bien plus lâche, bien plus pleutre, dans ma démarche, que dans la leur.

N'est-elle pas une preuve de plus, avec l’ornithorynque, que Dieu a le sens de l'humour ?

[rires] Je ne soutiens pas cette phrase. GiedRé a beaucoup plus d’humour que Dieu, je pense.

Est-ce que tes duos avec GiedRé ("Mais waouh", "Qui es-tu ?"), que l’on peut trouver sur YouTube, ont vocation à être disponibles sur un support numérique ?

Je ne pense pas. Ces duos n’ont d’intérêt que si on connaît GiedRé, si on a assisté à mon concert et au sien. Je pense qu’on a besoin de connaître nos deux univers pour pouvoir comprendre ces chansons.

Sur un dvd live ?

Il faudrait qu’il y ait son concert et le mien, alors. On a fait une troisième chanson ensemble, à Montpellier [le 26 janvier 2012].

Mathieu Chedid s'est construit un alter ego en la personne de M. En est-il de même avec Olivier Delafosse et Oldelaf ?

Oldelaf me permet de dire des choses que je ne dirais pas dans la vraie vie. L’alter ego n’est jamais l’opposé de ce qu’on est vraiment, mais à partir du moment où j’enfile la chemise d’Oldelaf, je me transforme vraiment.

J'ai toujours pensé que ton humour cachait une hypersensibilité et un être très pudique. Dans "Les mains froides" figure une phrase qui m'émeut profondément : "Et le reste, ça n'appartient qu'à nous".

La chanson évoque des choses précises de mon existence.

Elle est autobiographique ?

Pas à la lettre, mais sur des ambiances et des détails précis, oui. Je mets des limites entre ce que je chante et ce que je garde pour moi-même, mais les choses les plus belles de ma vie, je ne les chanterai jamais. Je déguise des choses, j’utilise des métaphores, des symboles, des remplacements… Quelqu’un qui monte sur scène est forcément un écorché vif. Tous les artistes sont hypersensibles, quelle que soit la façon dont on pratique son art. Tu parlais de GiedRé tout à l’heure, qui balance des horreurs sur scène : c’est probablement l’une des personnes les plus délicates, les plus sensibles, que je connais. A mon avis, c’est même inversement proportionnel. Plus les paroles sont douces, plus les personnes peuvent être indélicates et insensibles.

Tu pourrais faire "Dors, bébé dors", une chanson vraiment premier degré ?

J’ai des chansons de cet ordre-là, dans mon répertoire, mais ce ne sont pas forcément celles qui ont touché le plus les gens qui m’entourent. A titre personnel, j’aime les chansons premier degré. Mais après avoir fait des chansons comme "Vendredi", mes producteurs, mon tourneur, mon manager, m’interdiraient beaucoup plus de faire des choses trop premier degré, en disant : "ce n’est pas ça que les gens attendent de toi". Je trouve que c’est dommage, parce que j’ai des chansons qui sont très premier degré – soit gaies, soit tendres, soit tristes – qui ont une vraie raison d’être, mais que je ne pourrais pas chanter aujourd’hui. Je pense que je pourrais me faire tacler par les personnes qui me suivent : "c’est plus ce que c’était" ou "c’est moins caustique que cela ne l’a été".

Tu pourrais faire "Je suis politiquement correct et je t’emmerde" ?

C’est un gars que j’aime bien, mais je trouve que cette chanson n’est pas une réussite. Le "je t’emmerde" n’était pas nécessaire. C’est une chanson contre les journalistes, certains journalistes, un règlement de comptes. Et comme tous les règlements de comptes, les personnes qui ne se sentent pas concernées se sentent exclues. Je ne trouve pas que ce soit une bonne chanson. Pour revenir au premier degré, si tu prends Julien Clerc ou Joe Dassin, quel bonheur, mais quel bonheur !

Carlos et Henri Salvador avaient comme point commun de faire rire à l'insu de leur plein gré : ils enregistraient essentiellement des disques comiques, et gardaient pour eux leurs chansons plus sérieuses, car leurs maisons de disque ne voulaient pas les mettre en avant. Est-ce que tu écris des chansons qui sortent de ton registre habituel, d'une part, et est-ce que tu vas attendre d'avoir 83 ans pour sortir ton Jardin d'hiver ?

Actuellement, je peux faire des choses beaucoup plus mixtes, ce qui n’aurait pas été le cas si Oldelaf et Monsieur D. avaient continué. Cela aurait été un vrai problème, une vraie névrose. C’est pour cela qu’Oldelaf, c’était une envie, mais aussi un besoin. "Les mains froides", cela n’aurait pas été possible avec Oldelaf et Monsieur D. "Joli dimanche", je l’espère, aura une place un jour sur un disque. Dans mon projet Olivier D. – que tu n’as certainement jamais vu sur scène – il n’y avait que des chansons tristes, mais ce n’était pas moi non plus, dans la mesure où il manquait une facette de ma personnalité. Par contre, je trouve nécessaire qu’il y en ait au milieu de mes spectacles ou de mes disques. Je suis ravi d’apprendre qu’elles plombent le spectacle ! On a besoin de chansons extraordinaires – qui sortent de l’ordinaire – comme "Bartek" ou "J’ai chaud", qui sont la vitrine d’Oldelaf, pour pouvoir présenter derrière des chansons qui sont – j’espère – pas trop mal écrites, et qui disent des choses plus profondes. Parce que "J’ai chaud", ça ne dit pas grand-chose… Ou alors j’ai pas vu… [rires]

Mais elle est jouissive !

Elle est jouissive, à jouer, et j’espère à écouter, à voir sur scène. Les gens s’éclatent, et c’est un vrai bon moment de scène ! Les barres tech, ça ne veut rien dire du tout…

"J’ai chaud" parle quand même de la maltraitance d’un animal par des adolescents débiles.

Oui, mais ce n’est pas un combat, pas comme "Raoul" a pu l’être en réaction à des faits divers. C’est une chanson où j’ai utilisé le rire pour exprimer un vrai désespoir, une vraie émotion.

La dernière question m’a été transmise par un certain Monsieur D., qui a souhaité rester anonyme.

Le tien ou le mien ?

Non, non, le tien, le vrai ! [rires] La question de Monsieur D., c’est "Penses-tu développer la partie chorégraphie de ton spectacle maintenant que tu as des Repetto ?"

La danse, je crois que… Non, réussir à… [silence]

Repetto, il faut le préciser, fabrique des ballerines, des chaussures de danse…

Des chaussures adaptées à la danse, oui. Celles que j’ai sont plutôt adaptées à la danse de salon, mais ce ne sont pas des ballerines. J’ai un problème avec la danse, mais j’aimerais développer un côté gracieux sur scène. Je pense que j’ai vraiment progressé dans l’interprétation de mes chansons, et je suis fier de cela. On me dit que je joue bien la comédie, et cela me fait plaisir, parce que je n’ai jamais pris de cours, mais par contre, j’ai l’impression d’être un peu gauche, un peu lourd sur scène. Quand je vois des rockers bouger avec leur guitare, je trouve cela extraordinaire, et j’ai l’impression que je n’ai jamais su le faire. Je voudrais alléger ce côté-là, pour répondre sérieusement à cette question.

Jean-Michel Fontaine et Oldelaf

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