Auteur : Jean-Jacques Goldman
Compositeur : Jean-Jacques Goldman
Editée par : Editions J.R.G.
Version originale
Année : 1990
Interprétée par : Fredericks - Goldman - Jones
Distribuée par : C.B.S.
Année | Titre | Langue | Interprète | Auteur de l'adaptation | Pochette |
1990 | To the deeds we missed | français-anglais | Fredericks - Goldman - Jones | Michael Jones |
A tous mes loupés, mes ratés, mes vrais soleils
Tous les chemins qui me sont passés à côté
A tous mes bateaux manqués, mes mauvais sommeils
A tous ceux que je n'ai pas été
Aux malentendus, aux mensonges, à nos silences
A tous ces moments que j'avais cru partager
Aux phrases qu'on dit trop vite et sans qu'on les pense
A celles que je n'ai pas osées
A nos actes manqués
Aux années perdues à tenter de ressembler
A tous les murs que je n'aurai pas su briser
A tout c'que j'ai pas vu, tout près, juste à côté
Tout c'que j'aurais mieux fait d'ignorer
Au monde, à ses douleurs qui ne me touchent plus
Aux notes, aux solos que je n'ai pas inventés
Tous ces mots que d'autres ont fait rimer qui me tuent
Comme autant d'enfants jamais portés
A nos actes manqués
Aux amours échouées de s'être trop aimées
Visages et dentelles croisés juste frôlés
Aux trahisons que j'ai pas vraiment regrettées
Aux vivants qu'il aurait fallu tuer
A tout ce qui nous arrive enfin, mais trop tard
A tous les masques qu'il aura fallu porter
A nos faiblesses, à nos oublis, nos désespoirs
Aux peurs impossibles à échanger
A nos actes manqués
Philippe Robin : Arrive ensuite "A nos actes manqués" avec un rythme tout à fait nouveau. On s'attendait pas à ça.
Jean-Jacques Goldman : C'est venu un peu par hasard. Il y a un rythme un peu antillais là-dedans, ce qui est vraiment très loin de ce que j'aimais au départ jusqu'à ce que j'aille aux Antilles où je commence un peu à comprendre un peu ça. Ça vient pas trop de moi, parce que quand j'ai composé la chanson, elle avait pas ce rythme là car c'est pas un rythme que je ferais naturellement. Par contre, j'ai beaucoup travaillé avec un jeune arrangeur qui a fait tous les claviers et les programmations rythmiques, qui s'appelle Erick Benzi. Il a travaillé longtemps dans des studios spécialistes de musiques antillaises, donc c'est lui qui a eu l'idée un petit peu de donner cette empreinte. Cette chanson lui doit beaucoup.
Philippe Robin : Et vous avez accepté l'idée pourquoi ? Parce que c'est dans l'air en ce moment de jouer des chansons très rythmées, très ensoleillées ?
Jean-Jacques Goldman : C'est sûr que le fait d'en entendre beaucoup doit probablement influencer, mais pas au niveau du conscient... Inconsciemment, je me suis rendu compte que cette chanson pouvait tourner comme ça et que ça nous donnait du plaisir à la chanter comme ça. Mais cela a été bizarre pour Michaël et pour moi de chanter sur un rythme pareil !
Coffret audio Fredericks - Goldman - Jones
Sony Music France, novembre 1990
Marc Thirion : "A nos actes manqués" est peut-être la première chanson de toi un peu collée à une mode. Celle du Zouk. A l'origine, tu n'aimais pas trop ce rythme ?
Jean-Jacques Goldman : Cinq semaines d'Afrique et un mois d'Antilles m'ont familiarisé un peu avec ces rythmes que je ne connaissais pas, mais l'arrangement est surtout dû à Erick Benzi sur ce titre.
Marc Thirion : Peux-tu nous éclairer sur ces "Actes manqués" ?
Jean-Jacques Goldman : Thème typiquement quadragénaire ! Bilan gai de ce qu'on a loupé. Souvenir d'un dîner très émouvant et chaleureux.
Marc Thirion : Penses-tu avoir manqué des choses dans ta vie ?
Jean-Jacques Goldman : Tout choix est un renoncement. C'est ainsi pour tout le monde.
Jean-Jacques Goldman : On peut considérer la chanson comme une photo assez précise de l'air du temps. Ça a toujours été le cas, et que le mécano des années 20-30 se soit retrouvé dans "Ma pomme" de Maurice Chevalier et celui des années 80 dans les textes de Renaud démontre une constante évolution des moeurs. Il n'est pas insignifiant qu'un texte intitulé "A nos actes manqués" soit devenu le substitut de "Da dou ron ron".
Rencontre avec Jean-Jacques Goldman
Le Point, 27 mai 1991
Propos recueillis par Philippe Labro
Jean-Jacques Goldman : Il y a un rythme un peu antillais sur ce titre qui est très loin de ce que j'aimais au départ, jusqu'à ce que j'aille aux Antilles et que je commence à comprendre ça. Il faut dire que ça ne vient pas trop de moi car quand j'ai commencé la chanson, je ne suis naturellement pas allé dans ce sens. Cela vient d'Erick Benzi, qui a fait les claviers, les programmations rythmiques et qui a beaucoup travaillé avec des spécialistes de la musique antillaise.
Nicole Korchia : En dehors du tempo inhabituel à la production Goldman, le propos n'est pas non plus banal. Alors, dis-nous d'où sont revenus ces "actes manqués" ?
Jean-Jacques Goldman : Un soir j'ai fait un dîner avec des amis et on a lancé la discussion sur tout ce qu'on avait manqué dans nos vies, tout ce qu'on trouvait manqué. On a fait une liste de tout ça. Evidemment ça a commencé sérieusement puis à la fin c'était le délire... J'en ai fait une chanson !
Nicole Korchia : Ainsi que le petit mot que tu as glissé à la fin de l'album.
Jean-Jacques Goldman : Comme je n'ai pas pu tout mettre dans la chanson, j'ai mis à la fin tous les délires qui passent : les cafés froids, les néons des salles de bain, le loto...
Nicole Korchia : As-tu le sentiment d'avoir manqué beaucoup de choses dans ta vie ?
Jean-Jacques Goldman : Disons que j'ai le sentiment d'être passé à côté de certaines aventures mais il n'y a pas de détails à donner, car ce sont des histoires qui ne parleraient à personne... sauf à moi ! A partir du moment où on fait des choix dans la vie, on renonce toujours à autre chose...
En tournage avec Jean-Jacques Goldman
Salut, 13 mars 1991
Evelyne Pagès : Il y a, dans vos chansons, des thèmes de réflexion. "A nos actes manqués" par exemple. Ça a peut-être ouvert les oreilles ou les yeux de beaucoup. Personne ne savait très bien ce que c'était un acte manqué à moins d'avoir fait beaucoup de philo ou une psychanalyse. Qu'est-ce que vous vouliez dire par là, qu'on a tous nos actes manqués ? Que c'est des regrets, des loupés ? Que, finalement, on veut faire apparaître quelque chose que l'on ne veut pas dire et qui surgit malgré soi.
Jean-Jacques Goldman : Déjà, la musique est en contradiction avec le côté triste éventuel du texte, puisque la musique est très gaie. C'est ça l'intérêt avec une chanson : on peut dire beaucoup avec la musique. Rien que le fait que cette musique soit tellement légère, et tellement dansante, et tellement gaie, ça tempère déjà l'éventualité du tragique du texte. Mais même la première phrase dit : "A tous mes loupés, mes ratés, mes vrais soleils" et moi, je pense que dans mes actes manqués, et dans ce que j'ai manqué, il y a des choses positives. J'aime les échecs d'une certaine manière. J'aime bien mes succès aussi, mais il y a beaucoup d'échecs pour lesquels j'ai une petite tendresse.
Evelyne Pagès : C'est une petite leçon à méditer pour les jeunes qui nous écoutent, ou les vieux d'ailleurs. On se lamente sur un échec, alors que cela peut être tellement positif.
Jean-Jacques Goldman : Vaut quand même mieux être en bonne santé, et riche que pauvre et malade.
Grand Format
RTL, 29 juillet 1991
Je n'ai jamais douté du succès de [Long is the road], par exemple mais pour les faire, pour les construire, les arranger, c'est beaucoup plus difficile de faire une chanson comme "A nos actes manqués" qu'une chanson comme "Nuit". En gros, les chansons rapides sont beaucoup plus difficiles à faire que les chansons lentes.
Génération Laser, spéciale "intégrale de Jean-Jacques Goldman"
RTL, 15-19 novembre 1991
Jean-Jacques Goldman : Sur le livret du CD, je remercie les "Pauliniens" parce qu'on se trouve toujours à six, Sorj fait partie du cercle, dans le petit restaurant Chez Pauline. Je lance un thème et ils racontent ce qu'ils en pensent. C'est une de nos traditions. (...) Ce sont eux qui m'avaient dressé une liste d'actes manqués pour l'album précédent, même si la chanson "A nos actes manqués" ne reprend pas toutes leurs suggestions allant du poil sur le savon aux néons déprimants de la salle de bain. Je ne suis pas du genre à m'asseoir en me disant "aujourd'hui, réfléchissons à l'insémination artificielle ou au cours mondial de la patate". "Réfléchir", "penser" ce sont des mots qui me semblent lourds, je préfère plutôt "discuter", "être ensemble". C'est surtout le plaisir de se réunir pour tenter de trouver une logique à tout ça qui nous motive.
Goldman à l'heure de ses vérités
Télémoustique, 1994
Jean-Jacques Goldman : J'ai une vraie tendresse pour tout ce que j'ai loupé, je trouve que ça fait partie entièrement, de ce qu'on est et je suppose que dans le bouquin de Kundera que j'ai pas encore lu, "L'éloge de la lenteur", y'a aussi ça. On peut rien. Je pense, si j'avais eu la télé chez moi, si je m'étais pas tellement ennuyé, si j'avais pas eu tellement de problèmes de communication avec autrui... Je serai pas resté des heures et des heures à écouter des disques, à travailler la guitare, à... J'aurais peut-être, si j'avais eu un ordinateur, et puis... et d'autres parents, peut-être que,... que j'serais...
Astaffort
Europe 2, 23 mai 1995
Jean-Jacques Goldman : Il y a le texte et puis il y a la musique. La musique, c'était au cours d'une tournée aux Antilles, où on a découvert un peu le zouk et une musique très très éloignée de ce que je fais... et puis... Moi ma base c'était le blues, c'était vraiment des musiques très carrées et tout ce qui swingue un peu du genre [il tape sur un verre] comme j'comprenais rien quoi. Et je suis rentré dedans... avec quelques rhums on a tous réussi à s'y mettre un peu et donc, "A nos actes manqués" est très inspirée de cette joie-là et de cet enthousiasme là qu'on trouve là-bas et qui est très très impressionnant. Voilà. Sur le plan du texte, c'est parce que... j'ai trouvé que toutes les chansons faisaient une glorification de tout ce qu'on avait réussi, et des amours réussies,... de tout ça. Moi, je me suis dit que tous les échecs étaient aussi des choses auxquelles j'étais très attaché, finalement. Alors, j'ai fait une chanson sur tout ce qu'on avait échoué. Alors j'avais fait une réunion avec des amis, comme ça et j'avais dit : "Voila, on va mettre sur papier tout ce qu'on a loupé dans l'existence. C'était évidemment très gai et puis j'ai noté tout ça, et puis voilà...
Backstage
Europe 2, semaine du 15 au 22 mai 1995
Philippe Richard : En tant qu'auteur-compositeur, écoutes-tu des styles différents : la World Music, parce que tu dis toi-même que tu as du mal à te renouveler (quoique nous tous, nous aimons beaucoup ce que tu fais) ? As-tu le temps d'écouter d'autres influences musicales ?
Jean-Jacques Goldman : Un peu par hasard, c'est-à-dire par des voyages ou des choses comme ça. C'est vrai que par exemple, lorsque j'avais composé "A nos actes manqués", c'était au début une chanson très West Coast, j'avais même demandé à Bruce Hornsby de l'arranger, donc tu vois, c'était vraiment un esprit comme ça. Et puis j'ai fait un voyage aux Antilles, et c'est devenu une chanson de Zouk. On est forcément influencés par ce qu'on écoute.
Rencontre avec JJG
Radio Kol Hachalom, le 24 avril 1998
Jean-Luc Combier : A l'opposé, comment se sent-on quand, pour "A nos actes manqués", la salle se soulève de 20 centimètres ?
Jean-Jacques Goldman : Je ne suis pas employé de banque à ce moment-là. [rire] Ce sont des instants très précieux. Même la répétition de cet effet ne le banalise pas. Je fais de la scène tous les quatre ans. Les six mois de tournée, j'en ai été donc privé pendant longtemps. Johnny et France Gall m'ont raconté qu'à leur époque, ils tournaient onze mois sur douze et donnaient 300 galas par an. Là, forcément, les données sont différentes mais, pour moi, c'est toujours très neuf.
Quand la chanson est bonne
Télé Moustique n° 3807, 16-22 janvier 1999
Texte triste sur musique gaie... Parce qu'il y a toujours un peu de tristesse dans la joie. Et vice versa.
Jean-Jacques Goldman
Livret de Pluriel
B.P. : Une particularité dans votre nouvel album, c'est la multiplicité des styles musicaux. Cela va du zouk au disco, avec des styles un peu étranges tels la tarentelle. Est-ce que cela veut dire que vous essayez cette fois-ci de dépasser les styles musicaux typiques du JJG que l'on connaît ?
Jean-Jacques Goldman : Disons que c'est la première fois que c'est revendiqué comme ça. Mais si vous regardez mes anciens albums, il y a les envolées tsiganes de "Comme toi", à côté de "Rouge" avec les Coeurs de l'Armée Rouge, mais également le style country-western de "Elle a fait un bébé toute seule" en passant par le zouk de "A nos actes manqués". On peut considérer que j'ai toujours été un petit peu un traître sur le plan du style, ou plutôt, un touche-à-tout. Disons que dans cet album, c'est revendiqué de façon plus claire.
Haute Tension
JFM, février 2002
Eric Saya : Que représente la danse ? Est-ce que c'est une chose sur laquelle tu voulais particulièrement t'arrêter sur un album ?
Jean-Jacques Goldman : Je pense que c'était déjà présent plus ou moins dans tous les albums précédents, mais de façon moins systématique. Je me rappelle qu'au début, toutes les chansons étaient reprises dans les discothèques. Nous avions même fait des remix de "Je marche seul", "Quand la musique est bonne", "Il suffira d'un signe". D'ailleurs, ce sont les discothèques qui en ont fait le succès aussi, mais peut être qu'à l'époque dans les années 1980, c'était une musique moins spécifique de danse qui passait. Ensuite l'idée a été de le rendre plus systématique, comme "A nos actes manqués". J'ai toujours été fasciné par les musiques de danses mais il faut dire que c'est aussi ma formation. J'ai commencé dans les groupes de bal. Nous faisions danser les gens et nous passions de Mike Brant à James Brown, à un Tango ou à un rock.
Sans limites
Radio Kol Hachalom, 22 juin 2002