Auteur : Jean-Jacques Goldman
Compositeur : Jean-Jacques Goldman
Editée par : Editions J.R.G.
Version originale
Année : 1997
Interprétée par : Jean-Jacques Goldman
Distribuée par : Columbia / Sony Music
J'ai fait la liste de ce qu'on ne sera plus
Quand tu danses, quand tu danses
Mais que deviennent les amoureux perdus
Quand tu danses, y songes-tu ?
Quand tu danses, y songes-tu ?
Amis non, ni amants, étrangers non plus
Quand tu danses, quand tu danses
Mais quel après, après s'être appartenus ?
Quand tu danses, y songes-tu ?
Quand tu danses, y songes-tu ?
Je crois bien que j'aurais besoin de te voir
Quand tu danses, quand tu danses
Sans te parler, ni déranger, mais te voir
Quand tu danses, y songes-tu ?
Quand tu danses, y songes-tu ?
Et toutes les peines, toutes, contre une seule de nos minutes
Mais n'être plus rien après tant, c'est pas juste
Quand tu danses, y songes-tu ?
Quand tu danses, y songes-tu ?
Et j'ai fait la liste de ce qu'on ne sera plus
Mais que deviennent les amours éperdues ?
Quand tu danses, y songes-tu ?
Quand tu danses, y songes-tu ?
"J'ai fait la liste de ce qu'on ne sera plus. Mais que deviennent les amoureux perdus Quand tu danses y songes-tu ? (bis) Amis non, ni amants, étrangers non plus. Mais quel après, après s'être appartenus ?"
Artist News : Est-ce un constat amer et définitif sur l'usure de l'amour ou reste-t-il un espoir ?
Jean-Jacques Goldman : "Non, je ne crois pas que ce soit le thème de cette chanson. Il s'agit en fait de la question : "quel type de relation possible entre deux êtres lorsque l'amour est parti : amis ? ennemis ? étrangers ?" (Et dans ce cas particulier, on comprend que celui qui pose les questions aime encore). Comment répondre à votre question ? Il me semble que ça dépend plus de l'exigence amoureuse de chacun que de la relation elle-même. Il y a des couples qui "s'aiment toujours" parce qu'ils se contentent de très peu ! Je crois que la véritable question est : "Est-il souhaitable d'être dans un état de passion sur un très long terme? "
Gaël : Dans la chanson "Quand tu danses", la phrase "J'ai fait la liste de ce qu'on ne sera plus" est très belle.
Jean-Jacques Goldman : On sait ce qu'on ne sera plus, on ne sait pas trop ce que l'on va être et pourtant, on va être. On va être dans le même monde, les mêmes rues et parfois, on aura les mêmes amis, les mêmes enfants. C'est une vraie question. Je connais beaucoup de gens qui se coltinent avec ce problème. Cela se fait comme ça, d'un jour à l'autre et on ne sait pas exactement quel est le statut de l'autre. L'autre que l'on a aimé.
Gaël : Quelle est la meilleure façon de guérir d'un chagrin d'amour ?
Jean-Jacques Goldman : Je pense qu'on ne guérit pas et tant mieux. Ou alors, on guérit avec beaucoup de temps.
Gaël : Et le statut de l'autre que l'on a aimé, c'est aussi avec le temps qu'il se trouve ?
Jean-Jacques Goldman : Oui. Il ne se fait jamais en y pensant. Il se fait petit à petit, dans les faits. On trouve une espèce d'équilibre, de pacte de non-agression, de non- souffrance. Mais il n'y a pas un moment où l'on se dit: "C'est mon frère, ma soeur, ma belle-soeur, mon collègue de bureau, un étranger, mon ennemi...!". On ne sait pas qui c'est. "C'est mon ex." En tous cas, étant donné le rythme actuel des histoires d'amour, je crois qu'on doit réfléchir à cette question. Dans cette chanson, "Quand tu danses", il n'y a que des points d'interrogation. Une phrase que je connais dit: "Restons bons amis !". (il rit) Je ne sais pas si c'est possible quand on a fait l'amour avec quelqu'un. Moi, je ne connais pas le ventre de mes bons amis.
Gaël : Mais certains amoureux désunis se remettent ensemble.
Jean-Jacques Goldman : Oui, mais dans la majorité des cas, ils se séparent et divorcent. Et ceux-là, il faut bien qu'ils se trouvent un statut. Peut-on rayer quelqu'un, quelques années de sa vie ? Autant avoir de la tendresse pour elle, pour ces années. C'est bien quand on peut encore. Quand il n'y a pas eu de trahison.
Gaël : Peut-on surmonter certaines trahisons ?
Jean-Jacques Goldman : Je crois que l'on peut surmonter beaucoup de choses, mais pas la trahison. Pas l'impression qu'il y a eu un malentendu. Que l'une des personnes vivait une histoire et l'autre en vivait une tout à fait différente. Quand on s'en rend compte, c'est triste. C'est comme si on n'avait pas vécu la bonne histoire, comme si on s'était trompé.
Gaël : Parce qu'on n'a pas assez parlé ?
Jean-Jacques Goldman : Ou parce qu'on n'a pas voulu comprendre. Ceux à qui c'est arrivé, ce sont eux que cela arrangeait de vivre cette histoire et ils n'ont pas su assez bien décrypter ce que voulait l'autre.
Jean-Jacques Goldman, flâneur sur la Terre
Gaël, 24 septembre 1997
Christophe Nicolas : Et parmi les thèmes chantés, la séparation, la fin de l'amour et, dans une chanson, qu'on va écouter, qui s'appelle "Quand tu danses", vous dites qu'on ne peut pas rester amis : "Amants non, amis non plus", enfin, quelque chose comme ça, vous le faites très bien, on va l'entendre. Vous êtes sûr qu'on ne peut pas rester amis après une séparation ?
Jean-Jacques Goldman : Mais la chanson dit pas. Elle dit pas ça.
Christophe Nicolas : Elle dit "amis non".
Jean-Jacques Goldman : Ah oui, "amis non, ni amants".
Christophe Nicolas : Ouais ?!
Jean-Jacques Goldman : Non, je pense pas qu'on puisse être vraiment amis avec quelqu'un dont on a touché la peau pendant des années, avec qui on a vécu des choses tellement intimes. Ça ne veut pas dire qu'on devient ennemis, non plus. Mais il y a certainement un statut à chercher et, je pense, c'est une question pour tout le monde.
Christophe Nicolas : Ouais. Mais on le trouve pas. Et Dieu sait si il y a beaucoup de monde dans cette situation-là. Quel est-il, à votre avis ? Il y a pas de solution, on ne sait pas ?
Jean-Jacques Goldman : Bah, j'en sais rien. C'est une chanson où il y a à peu près 20 points d'interrogations.
Christophe Nicolas : Voilà. C'est pour ça que... on laisse l'auditeur libre de trouver quelque chose.
Jean-Jacques Goldman : On essaye tous, dans nos problèmes, de trouver... En général, cette relation, elle s'équilibre, comme ça, peu à peu, avec le temps,... même parfois avec un reste de séduction, un reste de...
Christophe Nicolas : De jalousie aussi ?
Jean-Jacques Goldman : D'amertume, ouais. Ou parfois, une tendresse infinie. Tout dépend aussi du destin de chacun. Mais c'est, effectivement, un problème qu'on part... que beaucoup de personnes partagent.
Nostalgie, 26-27 septembre 1997
Yann Arribar : "Quand tu danses", moi je me demande si c'est pas ma préférée, très belle chanson d'amour, mais que deviennent les amours éperdues, c'est on peut quelquefois regarder dans le rétro et se demander ce que ça a pu devenir, ce qu'ont pu devenir les personnes qu'on a pu aimer.
Jean-Jacques Goldman : Et puis surtout ce qu'on a pu devenir avec eux parce que c'est... c'était extrêmement étrange de passer de tout c'est-à-dire quelqu'un qui est votre tout à rien. Donc il faut essayer de trouver un statut qui n'existe pas, qui n'est ni celui d'ami évidemment parce que là, la phrase "restons bons amis" c'est de l'esprit quand on a partagé la peau de quelqu'un, donc qu'est-ce qu'on peut trouver comme statut c'est extrêmement délicat, c'est extrêmement fragile, extrêmement douloureux et je pense que beaucoup de gens se posent cette question.
Yann Arribar : Et vous croyez vraiment quand une histoire d'amour est finie qu'elle est irrémédiablement finie, terminée ?
Jean-Jacques Goldman : Moi je crois pas. Je crois qu'une histoire d'amour dure toujours, toujours, sauf si on a l'impression qu'on s'est trompés mais il peut y avoir des aléas qui font que... que la vie ne soit pas possible mais c'est tellement rare d'aimer quelqu'un et d'être aimé par quelqu'un, enfin un amour partagé qu'à mon avis ça reste pour toujours.
Gilbert Jouin : Dans "Quand tu danses", vous êtes un contemplatif amoureux mais résigné au pire. Pourquoi ce rôle passif ?
Jean-Jacques Goldman : Je me demande tout le temps ce que l'on va devenir après une histoire d'amour. Redevenir "rien après tant", ce n'est pas juste.
Jean-Jacques Goldman sait enfin dire "je t'aime"
Télé Magazine n° 2189, 24 octobre 1997
Liliane Roudière : Plus que de la nostalgie, votre album "En passant" m'évoque la mélancolie et la définition qu'en donnait Freud : "la perte s'est bien produite, mais on ne parvient pas à savoir avec précision ce qui a été perdu". Puis, dans la chanson "Quand tu danses", arrive cette phrase terrible : "J'ai fait la liste de ce que l'on ne sera plus". Que ne serez-vous plus ?
Jean-Jacques Goldman : "Quand tu danses" est une histoire très claire entre un homme et une femme. Bien sûr, pour écrire cette chanson, il faut avoir vécu ces histoires. On ne peut pas écrire cela à 20 ans. A 20 ans, on ne fait pas la liste de ce qu'on va être : on a juste l'impression de vivre une histoire qui ne finira jamais. On n'écrit pas les mêmes choses à 20 ans qu'à 46 ans. C'est une question qu'on se pose après, au cours de son existence. Se demander : une fois que l'amour est parti, qu'est-ce qu'on devient ? Après avoir été tout, est-ce qu'on devient rien ? Quand on a touché la peau de quelqu'un, est-ce qu'on devient un ennemi ? C'est dommage. Quel est le statut des gens qui se quittent ?
Portrait
Solo n°2, novembre-décembre 1997
"J'ai fait la liste de ce qu'on ne sera plus (...) mais que deviennent les amoureux perdus ? /Quand tu danses, y songes-tu ?"
Jean-Jacques Goldman : A l'instant du bonheur je ne pense pas forcément au moment où il cessera. Mais je pense ensuite, quand il s'est enfui. J'ai un peu de recul et je me rends compte qu'il y a plusieurs problèmes : le problème de l'amour, le problème de la fuite de l'amour mais également de l'après-amour. Quelle relation instaurer avec quelqu'un qu'on a touché, à qui on a fait l'amour ? Est-ce que "après" c'est rien ? Comment ce serait possible ça ? Est-ce comme un ami ? Tout le monde s'est posé ce genre de questions.
Paul Ferrette : Que peux-tu me dire sur cette chanson à l'ambiance très "aérienne" ?
Jean-Jacques Goldman : Je l'ai enregistrée très vite, avec une guitare Gibson (que j'utilise pour tout ce qui est acoustique) dans un style folk-song, c'est-à-dire une histoire racontée avec une guitare. L'histoire, c'est la question que se pose le personnage : Que devient-on, après avoir aimé quelqu'un, lorsqu'on se sépare ? Quel est le "statut" ? C'est toujours ambigu, particulier : plus "amants", pas "étrangers", pas "amis" non plus. Quoi ? Ici, l'histoire ne finit pas de la même manière pour chacun des partenaires. On comprend que pour lui, l'histoire n'est pas tout à fait finie, alors qu'elle danse, vit, tout simplement.
Livre de partitions de "En passant"
Hit Diffusion, juin 1998
Paul Ferrette : Ici, j'ai l'impression que vous avez recherché encore plus de dépouillement ?
Erick Benzi : C'est ma chanson préférée. Que dire ? Tout était là : le texte, la mélodie. Superbes. Toute notre attention a porté sur la manière de la chanter. Enregistrée comme les autres, à l'aube, pour avoir cette distance, un ton détaché, presque froid. Nous avons fait 3 ou 4 prises de voix, très près du micro. Et systématiquement, nous avons coupé tout ce qui était trop... pathétique. Nous voulions cette opposition entre le texte qui est lourd de sens et, cette voix qui dit presque froidement les choses. Nous tenions à éviter tout accent dramatique. Juste une petite nappe de synthétiseur derrière, suffisante pour ne pas polluer une ambiance guitare (arpège et voix).
Paul Ferrette : Cela évoque une fragilité extrême. Un rien pourrait rompre le charme et tout le monde retient son souffle.
Erick Benzi : C'était le matin. Nous étions tous les deux dans le studio. Peu de lumière, le calme. Toujours cette atmosphère intimiste. Il aurait été impossible d'imaginer une telle ambiance dans l'effervescence, le bruit. La réussite de cette chanson tient à son équilibre. Equilibre entre le texte et les silences qui lui servent de ponctuation. Des silences dont la densité est essentielle pour souligner le sens du texte. Une nappe très aérienne afin de ne pas détourner l'attention du texte. Un équilibre complexe. Une alchimie rare à trouver.
Paul Ferrette : Et l'on passe d'arrangements très sophistiqués à des passages extrêmement dépouillés comme voix et guitare acoustique. Avec toujours, à l'arrivée, cette émotion, ce frisson intérieur.
Erick Benzi : C'est une alternance très étudiée. Quand c'est nécessaire, il ne faut pas de demi-mesure mais pour l'intimiste, pourquoi rajouter de l'inutile ? Je ne me sens jamais frustré d'en faire peu. Seul le final compte et l'émotion qui en reste.
Livre de partitions de "En passant"
Hit Diffusion, juin 1998
Jean-Luc Cambier : Pendant "Quand tu danses", il y a toujours trois mecs qui se sentent obligés de siffler pour combattre l'émotion. Comment réagis-tu ?
Jean-Jacques Goldman : Je les entends mais je pense que trois abrutis, c'est très peu et 7 997 silencieux, ça me ravit. Je n'ai jamais de salle hostile mais je ne me mets pas en danger. J'ai refusé de faire les Eurockéennes (Festival rock). Au tout début, une fois, j'avais fait une Grande Ecole et, comme à l'époque, j'étais très "boys band", il y a eu beaucoup de quolibets. J'ai dû me battre avec la salle.
Quand la chanson est bonne
Télé Moustique n° 3807, 16-22 janvier 1999
Raphaël Toledano : Quel part d'autobiographie se retrouve dans vos chansons, Jean-Jacques ?
Jean-Jacques Goldman : Moi, je vis assez peu de choses. Oui. Enfin... [JJG est troublé par la question].
Raphaël Toledano : Par exemple, dans l'album précédent, beaucoup de chansons parlaient de séparation : "Quand tu danses", "Les murailles".
Jean-Jacques Goldman : Oui, mais franchement, ces chansons ont été écrites de façon tout à fait indépendantes de ce que je vivais ou de ce que j'ai vécu avant. J'ai une vie normale mais je suis beaucoup plus un observateur. A la limite, je parle assez peu de ce qui m'arrive et je suis beaucoup plus touché par un livre ou par un fait divers ou par quelque chose qui arrive à un proche. J'ai l'impression d'être beaucoup plus journaliste dans ma démarche que psychanalyste.
Rencontre avec Jean-Jacques Goldman
L'Arche n° 535, septembre 2002