Auteur : Khanh Maï
Compositeur : Khanh Maï
Editée par : Warner Bros. Music
Version originale
Année : 1975
Interprétée par : Taï Phong
Distribuée par : Warner
Remarques :
Sister Jane '93 , n'a pas été interprétée par Jean-Jacques Goldman, mais par Hervé Acosta, un chanteur inconnu au timbre de voix similaire pour cette reprise que l'on peut trouver sur trois doubles CD consacrés aux slows, ainsi que sur le nouvel album de Tai Phong, "Sun".
Sister Jane
Ah, Sister Jane
Ah, Sister Jane
You should go and see
Ah, Sister Jane
You should go and see
Ah, Sister Jane
Ah, Sister Jane |
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Jean-Jacques Goldman : Il y a des gens autour... J'ai entendu dire que, par exemple, une chanson comme : "Aaah !... Sister Jane, you left me blind upon those, Aaah !... Sister Jane don't let the sun go down on me..." enfin, etc... Ça, c'est une chanson de rock'n roll et que, par exemple, "J'ai trop saigné sur les Gibsons, j'ai trop rôdé dans les tobacco road..." Ça, c'est une chanson de variété. Bah, c'est possible ! Moi je suis pas vraiment un spécialiste...
Les Enfants du Rock, Antenne 2, 1984
Jean Mareska : [Bernard de Bosson et Dominique Lamblin] avaient reçu une maquette d'un groupe et ils me l'ont faite écouter. C'était une maquette extrêmement élaborée d'un groupe qui se faisait appeler Tai Phong. J'ai appris plus tard que cela signifiait "Grand vent" en vietnamien, et que cela était l'idée des deux frères qui drivaient le groupe et qui s'appelaient Tai et Khanh Ho Tong. Je ne me souviens plus exactement, ce qu'il y avait sur cette maquette, mais je suis sûr d'avoir écouté "Sister Jane", que Khanh avait écrit, et peut-être un ou deux autres titres.
Platine : Vous avez tout de suite flairé le tube ?
Jean Mareska : Nous avons été tout de suite très emballés. Le groupe nous proposait d'aller le voir là où il répétait, dans la maison des parents Ho Tong (Alias Mr and Mrs Minh). Nous avons pris rendez-vous et, quand nous sommes arrivés, nous avons découvert qu'ils répétaient dans le sous-sol d'une grande maison, qui avait été entièrement aménagé pour eux. Cela va sans dire qu'ils n'étaient pas dans le besoin et ne connaissaient pas la galère. Je me suis vite rendu compte qu'ils étaient techniquement très avancés, car ils avaient été jusqu'à faire un souple, c'est-à-dire une gravure de leurs enregistrements. Khanh avant était graveur de disque, il connaissait toutes les ficelles des studios d'enregistrement. Les frères Ho Tong avaient recruté trois musiciens français de leur quartier, le sud de Paris, du côté de Montrouge. L'un d'eux avait été organiste à l'église de Montrouge et avait chanté dans les Red Mountain Gospellers, avant de faire partie du groupe Phalanstère, dont le nom venait d'une vieille formation militaire. Son nom était Jean-Jacques Goldman. Les autres étaient Stéphan Caussarieu, le guitariste, et Jean-Alain Gardet, le clavier. Nous avons rapidement signé un contrat avec eux pour trois ans et trois albums, ce qui était classique à cette époque. Nous n'avons pas hésité car Tai Phong nous paraissait vraiment dans le coup. Ils étaient dans la mouvance Yes, Genesis, et en plus ils avaient un tube très commercial pour l'été qui arrivait. Une chanson au format radio périphérique, c'est-à-dire d'un peu plus de 3 minutes, "Sister Jane". Très vite, nous avons pris des dates pour aller en studio et je dois dire aussi que je n'ai pas eu beaucoup de travail, en qualité de directeur artistique. Lors des séances d'enregistrement des définitifs qui ont eu lieu au studio IP (un 16 pistes rue du Colisée) en février-mars 1975, les frères Ho Tong étaient très organisés et avaient des cahiers sur lesquels ils avaient tout noté scrupuleusement : les mélodies, les textes, les arrangements... Jean-Jacques chantait les principales voix lead, Taï, qui était le bassiste, en chantait aussi quelques unes, et puis les autres faisaient des choeurs. Les têtes du groupe étaient déjà Khanli (qui signait Khanh Mai alors que son frère signait Tai Minh), et Jean-Jacques. En studio, nous avons travaillé avec Georges Blumenfeld, Jean-Pierre Pouret, Andy Scott et Philippe Beauchamp. Pendant cette période d'enregistrement, Jean-Jacques est parti à l'armée. Comme il n'était pas très loin, à Issy ou peut-être Villacoublay, et que c'était assez souple pour lui, nous allions le chercher en voiture quand nous avions besoin de lui pour faire des voix ou des photos avec Claude Gassian. Il demandait une permission, nous attendait devant sa caserne, ses cheveux étaient devenus très courts - on le voit ainsi d'ailleurs sur la pochette du premier album - enregistrait et se faisait reconduire en voiture à la fin de la séance. Comme il était extrêmement doué, cela allait très vite. Nous avons fait le premier album en même temps que le single qui en était extrait. Ce n'était pas le cas dans toutes les maisons de disques, mais chez WEA, tous nos artistes sortaient un album, en même temps qu'un premier simple.
Platine : Comment s'est passée la promo de "Sister Jane" ?
Jean Mareska : Pour faire la promo, qui s'est résumée à quelques radios et quelques télés, Jean-Jacques prenait d'autres permissions. Si Tai Phong n'a pas fait beaucoup de télés c'est que le groupe n'était pas très "télégénique" : ils chantaient en anglais, n'étaient pas très à la mode côté variété, n'avaient pas beaucoup de présence scénique car ils ne bougeaient pas, étaient très statiques. Je leur disais d'avoir un peu l'air gai quand ils chantaient "Sister Jane", mais ça n'était pas "Le sirop typhon", pas vraiment la chanson pour rigoler. La chanson est également passée beaucoup en discothèque et avait reçu la mention Spécial Disc-jockey, comme tous les disques "aptes" à séduire les boîtes de nuit, comme les Doobie Brothers. Le groupe était plus un groupe de studio qu'un groupe de scène : c'étaient des auteurs, des compositeurs, plus que des gens de scène. Ce qui explique aussi qu'ils en ont fait ensuite très peu. Leur formule musicale ne leur permettait pas de faire la scène comme ça. Il leur fallait de gros moyens, beaucoup de matériel, des synthés, qui étaient à l'époque nouveaux et très chers. Si pour les Variations, quelque temps avant, quelques Marshall étaient bons, pour Tai Phong trois amplis dans un coin de night-club étaient largement insuffisants.
Platine : Deux compilations propose un "Sister Jane 93". Qu'est ce que c'est ?
Jean Mareska : L'année dernière, Stéphan et Khanh - qui tient maintenant un magasin de musique - ont trouvé un chanteur qui chante comme Jean-Jacques. Comme Alain Puglia voulait "Sister Jane" pour "Génération slow" chez Flarenasch, ils l'ont réenregistrée et ça ressort cette année chez Vogue dans les "Méga summer hits"... en attendant le vingtième anniversaire de la chanson...
Ludovic Lorenzi : Décembre 1985, Zénith de Jean-Jacques Goldman, et il vous invite à monter sur scène. (...) Comment ça s'est fait ? Comment en êtes-vous arrivés à monter sur scène ?
Khanh Mai : C'est tout bête. J'avais rendez-vous avec Jean-Jacques pour... parce qu'il m'avait dit "Tiens, je n'arrive pas à faire sonner "Sister Jane" sur scène". Parce qu'à l'époque, il avait des musiciens qui ne savaient pas très bien jouer ce type de musique. Et donc, il m'a dit "Tu ne pourrais pas venir en répet pour montrer comment on doit jouer". J'y suis allé et, là dessus, je lui ai fait écouter des morceaux que je composais - parce que je composais sans arrêt des morceaux - et ça l'a emballé. Il me dit "Tu ne veux pas venir au Zénith ?". Et là, j'ai dit "Bon, d'accord". Mais au départ, je devais venir tout seul. Et après, j'ai demandé "Est-ce que les autres peuvent venir ?". Il me dit "Oui, oui, ils peuvent venir aussi". Voilà comment ça s'est fait.
Ludovic Lorenzi : On retrouvait là en fait, avec Jean-Jacques Goldman, Michael Jones, plus les autres, le groupe Taï Phong de 1979 au complet. Qu'est-ce que ça vous a fait ?
Khanh Mai : C'était bien, et un peu frustrant parce qu'on n'a fait qu'un morceau.
Entretien exclusif pour "Parler d'sa vie", 26 janvier 2001
Propos recueillis par Ludovic Lorenzi
Ludovic Lorenzi : En 1993, vous réenregistrez "Sister Jane" pour une compilation qui s'appelle "Génération slows" chez Flarenach. Qui vous l'avait demandé ? Est-ce que c'était déjà avec Hervé Acosta ?
Khanh Mai : En fait, ce qui paraît incroyable, c'est qu'on n'a pas joué du tout. Il n'y avait qu'Hervé qui a chanté.
Ludovic Lorenzi : Ah bon !!
Khanh Mai : Oui [rires]. On n'était pas au courant. C'est un truc fait par Jean Mareska. Il a fait une compilation et je crois que c'est pour éviter l'autorisation de la maison de disque WEA qu'il a fait la compilation avec Hervé, avec des musiciens de studio. Moi, je ne l'ai su qu'après.
Ludovic Lorenzi : On l'a quand même crédité à Taï Phong.
Khanh Mai : Oui, ça m'a surpris aussi mais on ne peut rien dire. Mais je ne savais pas du tout. Cela m'a permis de connaître Hervé. En écoutant, j'ai dit "Mais Hervé, qu'est-ce qu'il chante bien" [rires].
Entretien exclusif pour "Parler d'sa vie", 26 janvier 2001
Propos recueillis par Ludovic Lorenzi
Ludovic Lorenzi : Pourquoi avoir repris "Sister Jane" ? Est-ce que la chanson est vraiment devenue incontournable ?
Khanh Mai : Je pense que oui. En fait, on avait enregistré l'album et il était fini. Et c'est la maison de disques qui a insisté pour qu'on refasse une nouvelle version de "Sister Jane".
Entretien exclusif pour "Parler d'sa vie", 26 janvier 2001
Propos recueillis par Ludovic Lorenzi
Khanh Mai : "Sister Jane" a été composée en répétition, en une demi-heure.
Entretien exclusif pour "Parler d'sa vie", 26 janvier 2001
Propos recueillis par Ludovic Lorenzi
Ludovic Lorenzi : En 1993... Je dis "Vous" réenregistrez "Sister Jane", en fait, ce n'était pas vous. C'était Hervé Acosta avec des musiciens de studio, d'après ce que m'avait dit Khanh. C'était une initiative de Jean Mareska. Alors, vous avez pris ça comment, le fait que Jean Mareska ait réenregistré "Sister Jane", l'ait créditée à Taï Phong mais ne vous ait pas tenu au courant ?
Stéphan Caussarieu : Oh, si, si, si, il m'a tenu au courant quand même. Si, il m'a téléphoné pour me demander si j'autorisais cette chose-là. De toute façon, je n'avais pas grand chose à dire puisque, normalement, c'est le compositeur qui doit vraiment donner l'autorisation. Donc, c'était même plus par amitié, puisqu'on travaillait vraiment beaucoup ensemble dans les années 80 avec Jean. Voilà, il me l'a dit... Bon, je n'ai pas trouvé ça fantastique comme idée. Je ne voyais pas vraiment ce que ça allait nous apporter à nous. Mais, bon, ça s'est fait... et puis voilà, sans plus.
Jean Mareska : On a eu beaucoup de chance. "Sister Jane" est sorti le même été que "I'm not in love" de Ten CC et "L'été indien" de Joe Dassin. Le DJ - parce qu'à l'époque, en discothèque on passait encore des slows - le DJ, il avait sa série de trois slows à enchaîner toute trouvée. On s'est trouvé bénéficier de ce concours de circonstances. C'est vrai que la chanson était bien aussi, il ne faut pas minimiser. Le disque s'est vendu et puis, c'est un nouveau groupe qui émergeait, il n'y avait pas de groupe de ce calibre-là en France, qui pratiquait ce type de musique, à un niveau professionnel comme eux le faisaient…
Rencontre avec Jean Mareska
Issy-les-Moulineaux, 20 juillet 2001
Ludovic Lorenzi : Ensuite, les années passent et en 93, vous faites réenregistrer "Sister Jane" avec un chanteur qui s'appelle Hervé Acosta.
Jean Mareska : C'était une commande. C'était un titre de commande. Flarenach m'avait demandé pour une compilation… Le patron de Flarenach, donc, chez qui j'avais bossé dans les années 80 m'appelle en me disant "Dis moi, j'essaie d'avoir "Sister Jane" de Taï Phong chez Warner mais ils ne veulent pas me le donner. Tu ne peux pas essayer d'influencer le juridique ?". Je lui dis "Attends, je n'ai aucune influence sur le juridique". "Bon ! Tu ne sais pas s'il existe un cover de la chanson ?" "A ma connaissance, il n'en existe pas". "Tu pourrais pas essayer de m'en trouver un, de m'en faire un ?" J'ai appelé Khanh, j'ai appelé Stéphan, je leur ai expliqué le pourquoi de l'affaire. J'avais rencontré Acosta chez Arcade comme ça, par hasard et je me rappelais que ce mec pouvait chanter comme Jean- Jacques. Donc, on a fait un enregistrement très simple en studio, sans les membres du groupe mais qui étaient d'accord, qui le savaient - contrairement à ce qu'ils disent - je crois. Mais ils le savaient. Je ne sais pas qui dit qu'il ne le savait pas. Ils le savaient parce que, ne serait-ce que quand la chanson est sortie sur la compilation, Khanh, forcément, a touché des droits Sacem. Donc, il le sait. C'était vraiment une chanson de commande, un cover comme ça se faisait quand une maison de disques n'arrivait pas à avoir l'original.
Rencontre avec Jean Mareska
Issy-les-Moulineaux, 20 juillet 2001
Jean-Jacques Goldman : Le premier album que j’ai fait, c’était en 1975 avec un groupe qui s’appelait Taï Phong, qui faisait de la musique un peu progressive avec des morceaux de 10 à 12 minutes et un slow. Et le slow a été le tube de l’été. Ah, si on avait pu conquérir le monde, on l’aurait pris ! Mais à partir du moment où on faisait des choses à la manière de Gentle Giant, de Yes, de Genesis de l’époque, je pense que les Yes et les Genesis étaient mieux, les versions originales étaient mieux. Cette aventure s’est terminée en 1978.
L'interview
M6 Music, décembre 2001