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Jérémie Kisling : "Je ne suis pas plus introverti sur scène que dans la vie"

Entretien exclusif pour "Parler d'sa vie", enregistré à Genève le 28 septembre 2005
Parler d'sa vie, le 11 octobre 2005

Retranscription de Jean-Philippe Combes, Nathalie Darche, Sandrine Descargues, Jean-Michel Fontaine, Sandrine Guinot, Anna Kriz, Nadine Lorec, Françoise Mondine, Amandine Nachez, David Quint

Propos recueillis par Jean-Michel Fontaine

e-card "Le Ours" à envoyer à tous vos amis

Ton deuxième album, "Le Ours", est sorti hier en Suisse. Il sortira la semaine prochaine en France. Comment te sens-tu ?

Je me sens très bien, je me sens très très bien, je suis très motivé, heureux, heureux de vivre.

Tant mieux. Lors de notre précédente interview, en février 2004, il y avait 940 pages qui te mentionnaient dans google. Aujourd’hui, il y en a 15'700 [rires de Jérémie]. Ton premier album avait été très bien accueilli par les médias, le deuxième bénéficie déjà d’une couverture médiatique dans toute la presse romande. Comment vis-tu cette médiatisation accrue ?

Je la vis très bien parce que c’est une chose à laquelle je suis habitué depuis un petit moment, et puis évidemment, c’est nécessaire dans ce métier là, donc j’aime beaucoup cela, surtout que cela fait longtemps que j’attends cet album et je suis content de le défendre enfin. D’abord devant les journalistes et puis plus tard devant le public.

Tu n’as pas peur que la presse française ne réagisse pas avec autant d’enthousiasme que la presse romande ?

Pour l’instant cela se passe tellement bien en Suisse que cela m’a enlevé quelques frayeurs, mais c’est vrai que l’on n’est jamais sûr de comment cela va se passer, mais le peu de presse que j’ai fait en France pour l’instant, c’était plutôt très positif.

Il y a une grande différence de son entre tes deux albums. Le deuxième est plus pop, moins dépouillé. Que t’a apporté Ian Caple, qui a réalisé cet album, et qui a notamment travaillé avec des artistes comme Alain Bashung, A-Ha, Autour de Lucie, Yann Tiersen ou les Têtes Raides ?

Ian Caple a co-réalisé cet album, disons que ce serait un peu injuste par rapport aux autres.

C’est un travail collectif avec Raphaël et toi également.

Oui, Raphaël et moi, mais aussi avec Benoît Corboz. Ian Caple n’a été là qu’à l’avant-dernière étape qui est celle du mixage, donc il a apporté le son, il a sali un peu les sons, il a apporté le côté un peu rock pop que savent faire les Anglais, pour nous c’était une chance incroyable de le rencontrer. Maintenant, les autres personnes comme Raphaël Noir et Benoît Corboz qui ont co-réalisé cet album aussi avec moi, ont une part aussi importante dans le choix des sons, le choix des instruments. Benoît intervenait aussi dans la manière de jouer les trucs. C’est quelqu’un qui ressent vachement les émotions que tu peux mettre dans une voix ou dans une simple ligne de guitare. C’est vraiment sa spécialité, donc pour moi c’était quand même assez primordial aussi de travailler avec quelqu’un comme lui.

Est-ce que le choix de Ian Caple était une volonté de te démarquer de cette étiquette [avec beaucoup d'emphase] "Nouvelle Chanson Française" qu’on t’a collée peut-être un peu vite ?

[rires] Oui, tu l’as assez bien senti. C’est vrai qu’on l’a rencontré vraiment par hasard, mais on était en train de chercher où l’on allait mixer cet album. On savait qu’on voulait quelque chose de très pop et sortir de ce qui se fait beaucoup maintenant et de cette étiquette que j’avais un peu de "Nouvelle Chanson Française", très intimiste, très fragile. Moi, j’avais envie de faire quelque chose d’étincelant, d’un peu d’extraverti. Je n’avais pas eu le courage de faire ça sur le premier disque.

Je te propose qu’on écoute le premier extrait de l’album, "J’suis plus jaloux (j’men fous)", et on se retrouve tout de suite après.

C’est parti.

[ J'suis plus jaloux (j'm'en fous) ]

Dans "J'suis plus jaloux (j'm'en fous)", tu évoques Vincent Delerm et Alain Souchon, qui sont tous deux spécialistes du placement de noms propres et de marques dans leurs chansons.

Oui.

Alors est ce que tu as eu des réactions, des échos, de "l'indolent Delerm" et du "vieux, vieux, vieux, vieux, vieux Souchon" ?

Ils ont reçu mon disque il y a deux jours je crois, j’attends encore un peu. Je n’ai pas encore eu le temps d’avoir leur réponse mais je me réjouis beaucoup. Ce sont deux personnes que j’aime beaucoup. Effectivement, c’était un clin d’œil. Cette utilisation des mots et de noms propres qu’ils font très bien et depuis très longtemps et très souvent.

Surtout dans le dernier Souchon. Il fait une chanson uniquement avec des marques, là c’est vraiment…

Oui, comment ça s’appelle ? "Putain ça penche" ?

"Putain ça penche", oui.

Ce sont deux personnes assez importantes, dans le paysage francophone notamment, au niveau de l’écriture des textes. Ils sont assez impressionnants, ce sont des personnes qui me plaisent beaucoup.

Alors tu as un cousin, qui s'appelle Pascal.

[hésitant] Tout à fait, oui.

Qui a participé à "Nouvelle Star" l'année dernière.

[étonné] Oui, exactement.

Et j'aimerais tout d'abord savoir ce que tu penses de ce type d'émissions…

…Tu es vraiment bien renseigné !

Bon, la ressemblance n’est pas évidente !

[rires]

Ce n’est pas direct.

Et ensuite, qu'est devenu Pascal depuis cette émission ?

…Peut être dans l’abondance de la chevelure.

[rires]

Alors Pascal, je pense qu’il est en train de travailler sur un album, il continue à faire ses compos, et puis il fait quelques concerts par ci par là en Suisse en attendant de pouvoir vraiment réaliser son album. Ça fait un petit moment que je ne l’ai pas croisé. Je me réjouis, je crois que je vais bientôt le voir. Ce genre d’émission comme la "Star Ac", tu dis ?

Je trouve qu’il y a quand même une très grande différence entre "Nouvelle Star" et la "Star Académy", personnellement, mais…

Déjà, oui.

"Nouvelle Star" s’intéresse d’abord à l’expérience artistique. On les voit sur scène, on les voit répéter. La "Star Ac" c’est "oui, machin il a dit que".

Oui, moi, je ne suis pas assez.

C’est ce que je n’aime pas dans la "Star Académy".

Bon, toi, tu me renseignes un peu, parce que je ne regarde jamais ni l’un ni l’autre. A part Pascal que j’ai évidemment suivi avec beaucoup d’émotion d’ailleurs quand il a fait ses émissions. C’est difficile parce que c’est clair que moi, à la base, j’ai un a priori très très négatif sur ce genre d’émissions, parce que je trouve qu’ils véhiculent de fausses idées sur le monde artistique et même de très fausses idées qui font croire beaucoup de choses à beaucoup de gens.

Je pense que c’est le problème principal effectivement. J’ai un fantasme, mais qui pourrait être juste un clin d’œil drôle l’année prochaine - je ne sais pas si ça pourrait se faire - que tu passes devant le jury en chantant "Si j’étais un homme" a cappella pour voir juste leurs réactions.

[rires]

Je pense que je me ferais virer très rapidement. A mon avis. C’est dur parce je trouve qu’on est dans une société où de plus en plus, les gens ont envie de se faire plaisir, d’exprimer leurs sentiments artistiques, tout ce qu’ils ont au fond d’eux. Et on est moins dans une période comme il y a trente ans où l’important c’est de finir banquier. Mais du coup, ce genre d’émissions, je ne sais pas, c’est toujours le problème de la poule ou l’œuf mais… ce genre d’émissions font faussement croire que tout le monde est capable d’être artiste et c’est un peu malheureux. Je pense que ça fait déjà souffrir beaucoup de gens qui mettent beaucoup d’espoir dans un truc où de manière assez évidente, ils n’ont pas forcément le talent, ou l’énergie, ou le travail pour faire ça. Moi, je trouve ces émissions assez dangereuses. Pour moi, c’est de la récupération, surtout à la "Star Ac"… Ce côté TF1... Oui, tout le monde a envie de chanter, c’est la génération karaoké... La génération karaoké-réalité. C'est vraiment ça d'ailleurs : le karaoké a instauré le côté télé-réalité, à mon avis, petit à petit, un peu partout, et c'est un côté de la société que je n'aime pas vraiment.

On va passer à un sujet totalement différent. J'aimerais savoir si tu es impliqué dans une association actuellement ?

Non, je ne crois pas, pourquoi ?

Imaginons, par exemple, que la Fondation pour l'Ecole des Chiens-Guides d'Aveugles entende "Je guide tes pas".

Ah, je n’avais pas pensé à ça.

Sais-tu, toujours par exemple, que cela prend trois ans pour former un chien-guide d'aveugle, que cela coûte environ 30'000 francs suisses, et que 80% de ces dépenses sont couvertes par des dons privés ?

Ah, c'est vrai ?

Si cette fondation t'invitait à découvrir ses activités, à les promouvoir, voire à devenir leur parrain, est-ce que tu accepterais ?

C'est difficile. Moi, c'est effectivement un sujet que j'adore et qui me touche beaucoup. Avant qu'on leur apprenne vraiment à devenir des guides, les chiens d'aveugles sont placés dans des familles...

Ils sont placés dans des familles d'accueil bénévoles.

Exactement. La famille de mon oncle était une de ces familles qui sont censées apprendre aux chiens à s'asseoir, à obéir et à être plus ou moins sociables, et c'était assez impressionant. Moi, en plus, j'adore ces sortes de chiens très intelligents, très dévoués. Je trouve ça infiniment émouvant, et c'est pour ça que j'ai écrit ce morceau. Faire partie d'une association comme ça ? Je ne sais pas, pourquoi pas, s'ils pensent que moi, avec ma maigre célébrité, je peux leur être utile. C'est encore un truc qui me ferait plaisir. En plus, je pourrais approcher d'un peu plus près ces formations de chiens d’aveugles, je pense que ça me passionnerait.

J'ai été extrêmement ému la première fois où j'ai entendu "Je guide tes pas", il y a quelques jours. J'ai l'impression qu'il y a une grande différence entre toi et les "chanteurs du quotidien", on va dire, comme Bénabar, Vincent Delerm, Jeanne Cherhal, ou ton ami Aldebert. Il me semble qu'eux parlent du quotidien, des petits travers du quotidien, essentiellement pour faire rire, alors que toi tu t'adresses au cœur, que tu parles dans tes chansons de ce qui te touche vraiment toi, personnellement. Est-ce que tu en as conscience ?

Comme toujours, tu ressens assez bien les choses, ça me fait très plaisir que tu dises ça. Oui, c'est un de mes buts. Chacun est doué pour une partie ou l'autre de ce métier qu'est la musique. Moi, je ne serais pas capable de faire du réalisme, ni de faire du Bénabar ou du Aldebert, qui le font eux super bien.

Quand tu entends la chanson d'Aldebert “Le bébé”, on est en plein dedans !

Exactement ! C'est clair que ce n'est pas ma manière de communiquer mais ça me fait plaisir que tu ressentes ça, parce que mon but c'est de parler d'un fait divers aussi, d'un "horizon grillé", d'un vieux singe enfermé dans son zoo. J'ai eu infiniment de plaisir à écrire tous ces morceaux, parce que déjà, ils m'émouvaient personnellement. Quelques fois, j'avais les larmes aux yeux, pas forcément parce que c'est moi qui les écrivais, mais surtout l'état dans lequel je me mettais pour les écrire. Voilà, si ce disque peut être une manière de toucher le cœur des gens avec des textes très naïfs mais très beaux comme ces chiens d'aveugle qui font des scènes assez magnifiques de la vie quotidienne... Moi, j'ai une vision du monde super optimiste et je pense que la vision que les gens ont du monde dans lequel on vit le créent et le font évoluer. En écrivant des choses plutôt belles et émouvantes, je pense qu'on peut apporter quelque chose de très positif, optimiste, pacifiste.

[ Je guide tes pas ]

Un labrador, un ours, une hirondelle, une baleine, un ours en peluche, un babouin… La plupart des chansons où tu évoques les animaux sont des allégories, comme les Fables de La Fontaine, ou des contes pour enfants, mais j'ai souvent l'impression que tu te caches derrière les animaux par pudeur. Comme si c'était plus facile pour toi de parler d'un ours amoureux d'une hirondelle, plutôt que de dire que tu te sens maladroit dans tes relations avec les filles.

[rires] Même si ce n'est pas comme ça que je l'ai vu au premier abord, je pense qu'inconsciemment c'est un peu ça !

Tu as droit à un joker !

Non, il n'y a pas de joker, mais ça me plaît bien, ce que tu dis. C'est vrai qu'il y a automatiquement cette pudeur là. Je n'ai jamais aimé me mettre en avant dans mes chansons, mais si je ressens quelque chose ou un embarras face à la vie, à des sentiments, face à une fille, je trouve ça plus intéressant de le dire d'une façon un peu féerique ou comme un conte de fées. On connaît tous les choses incroyablement symboliques et belles qui passaient dans les contes de Grimm, Perrault, Andersen ou les fables de La Fontaine. Moi j'ai grandi là-dedans parce que ma grand-mère me lisait beaucoup de contes Il est resté quelque part une manière d'écrire un peu très imagée et allégorique, oui ! C'est une façon de se cacher mais aussi une façon de pas prendre seulement mon exemple à moi. Même si c'est quelque chose que je ressens. Si je mets un ours à la place d'une hirondelle, beaucoup plus de gens vont pouvoir s'identifier, je pense.

Est-ce qu'on pourrait dire que Jérémie Kisling est la version introvertie de Jérémie Tschanz, comme M est la version extravertie de Mathieu Chédid. Est-ce que tu n'es pas une sorte d'anti "M", finalement ?

C'est très dur à dire! En tout cas, je ne suis pas plus introverti sur scène ou dans mes textes que dans la vie en général. Je pense qu'avec ce disque, j'ai essayé d'être un peu plus extraverti que sur le premier. En tout cas, ça, c'est clair, même si je me cache peut-être encore derrière des animaux, ou dans des situations assez rigolotes. Le but, notamment aussi dans le choix de la musique, c’était vraiment de faire quelque chose qui correspondait à ce que je vivais actuellement, c’est-à-dire une période de ma vie un peu plus extravertie, un peu plus folle, où les choses vont vite, où tout est un peu éclatant, où je m’amuse, où je fais le con avec Raphaël par exemple - Monsieur Bidouille - et où la vie est là pour te faire rire ou te faire sourire en tous cas, te faire rêver. Ça exprime une période, comme ça. Je ne sais pas s’il y a un contrôle entre ma vie privée et ma vie publique. Il n’y en a pas forcément.

Ce doit être quelque chose de très oedipien quand même, le fait de prendre le nom de jeune fille de ta mère comme pseudo ? Je ne vais pas te psychanalyser en direct, mais ça pourrait être le sujet d’une prochaine conversation, à mon avis.

C’est peut-être un hommage, une preuve d’amour, d’affection que je n’ai jamais dit en direct à ma mère. Hormis le fait que Kisling sonne mieux que Tschanz de toute façon, j’étais très fier de le faire. C’était aussi une manière de révéler mon côté féminin.

Sur ton premier album, justement, il y avait sept chansons, sur treize, qui évoquaient tes relations avec les filles…

A ce point là ?

Sur ton deuxième album, on a toujours sept chansons qui parlent des relations amoureuses…

[étonné] Non ?

… Mais il n'y en a plus que onze en tout. Est-ce à dire que ton quatrième album sera intégralement composé de chansons qui ne parlent que de ta fascination et de l'appréhension que tu éprouves pour les filles ?

[rires] Je n’avais pas fais les calculs comme ça, moi. C’est difficile à dire. Je ne pense pas que je parle plus des filles dans cet album mais par contre, autant, oui. De toute façon, c'est un sujet un peu intarissable, mais par contre, je pense que j’en parle d’une manière un peu moins abstraite. Disons que j’ai encore fait un pas en avant dans les textes : au lieu d'un balcon hors d'atteinte des filles comme sur "La liste", je m’en approche un peu plus, ou alors, elles m’approchent, dans des morceaux comme "T'es têtue toi". Je m'en approche mais je décris un peu les peurs et effectivement les appréhensions qui émanent lors de ces premières rencontres dans "Le Ours" ou "Rendez-vous courtois".

A propos de "Rendez-vous courtois" justement, j'allais te poser une question : cette chanson, c'est un exercice de style entre le "tu" et le "vous", qui a été composée par Grégory Wicky, qu'on retrouvait déjà sur ton premier album.

Oui, il a fait la musique, exactement.

Peux-tu nous présenter Grégory, pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas Chewy et Pendleton ?

Grégory Wicky, pour moi, c'est le Suisse que j'ai toujours adoré au niveau musical, qui a fait des groupes comme Chewy et Pendleton et des albums notamment que j'adorais et que je mettais vraiment au top de mes albums rock que j'avais chez moi. Il n'a jamais percé comme il aurait dû, où son talent aurait dû l'emmener, en fait. C'est dommage. Mais ça reste, pour moi, la personne en Suisse la plus musicale, la plus mélodique. On a beaucoup de références communes et j’ai toujours adoré ce qu’il fait. C’est donc un honneur pour moi de l’avoir comme compositeur sur ce disque. C’est aussi une des premières personnes que j’ai admirées sur scène parce que c’était un groupe lausannois qui marchait déjà beaucoup quand j’avais 15 ans…

Et puis il y a aussi son frère, Christian Wicky…

Oui. Il fait aussi partie des gens que j’apprécie beaucoup.

Un jour, Grégory m’a dit qu’en fait, il savait très bien que, pour percer, il devrait probablement chanter en Français mais qu’il n’y arrivait pas. Est-ce que "Rendez-vous courtois" ne serait pas l’ébauche de quelque chose d’autre, c'est-à-dire que tu adapterais ses chansons en français, par exemple ?

Est-ce qu’il serait d’accord ? Je n’en suis pas sûr… Actuellement, ils sont justement sur un projet avec son frère…

Il s’agit quand même d’une chanson à part, sur l’album… On sent bien que ça n’est pas du Jérémie Kisling…

Je sais bien, oui… Bien joué ! Mais je ne sais pas s’il serait capable de franchir ce pas… Il est Américain de toute façon. Il a plus de plaisir à écrire en anglais, même s’il est bilingue. Là, ils sont en train de préparer un projet d’album à deux avec son frère, à la Simon et Garfunkel… Je pense que c’est un projet qui va bien marcher. Je pense qu’il se débrouillera sans la chanson française.

[ Rendez-vous courtois ]

Sur ton premier album, ton père chantait avec toi sur "Le sens des affaires"… Sur ton deuxième album, on trouve ta petite sœur Julia sur "Alice"… Tes trois sœurs sont chanteuses, est-ce que tu pourrais nous les présenter ?

On va commencer par la plus grande : Eléonore. C’est ma sœur aînée. Elle fait de la chanson un peu piano-voix. Elle est très douée, elle a une voix très émotive, avec des paroles très truculentes où elle parle beaucoup de sexe et de tout, elle adore… [rires] C’est très drôle à entendre. Elle est vraiment douée, une voix très très belle, de belles mélodies… La deuxième : Marie. C’est quelqu’un qui a fait beaucoup de chant lyrique, qui a une voix totalement hallucinante, qui ne laisse pas indifférent. A chaque fois qu’elle chante, les gens pleurent. C’est à peu près ça…

Elle s’appelle Marie-Amélie, en fait ?

Marie-Aurélie !

A ne pas confondre avec Marie-Amélie Seigner…

Non… C’est qui ?

C’est la petite sœur d'Emmanuelle et de Mathilde Seigner…

Il y a une troisième sœur ?

...Qui a sorti un album de chanson française récemment…

Ah bon ? Elles sont trois… Marie va peut-être faire de l’opéra un jour… Et puis Julia, c’est la petite dernière qui, pour l’instant, se dirige vers un avenir un peu graphiste, ou plutôt graphique, je veux dire : elle va commencer une école d’art à Lausanne, l’ECAL. Elle chante également très bien. Elle chante sur "Alice", justement. Elle a déjà chanté sur un ou deux disques lausannois. Je ne sais pas si elle a envie de faire plus de musique que ça. Je pense qu’elle était très émue de chanter sur ce disque, surtout que ce morceau, "Alice", lui convenait assez bien.

Est-ce que tu serais tenté par un projet familial à l’instar des Ogres de Barback où on retrouverait toute la famille Tschanz ?

Euh… Non… Je ne pense pas. Ça me ferait penser à la "Cali family" ou quelque chose comme ça…

Les Tschanzon 5 !

[rires] Oui… Les Tschanzon 5, ce serait pas mal, ça…

Tu ferais Michael !

Ma mère, par contre, elle ne voudrait pas chanter parce qu'elle ne le fait pas tellement. Avec mon père et mes trois sœurs, c’est un truc qu’on adore faire. Je vais les inclure petit à petit dans mes albums ou bien je vais peut-être chanter une fois sur le disque de ma sœur.

[ Alice ]

Plusieurs chansons, comme "Le ours et la hirondelle", ou "Rendez-vous courtois", sont des exercices de style. Est-ce ton passé d'instituteur qui remonte à la surface ?

Ce serait un peu gros de parler de mon passé d'instituteur, parce qu'en fait, je n'ai fait qu'une année d'études. J'ai fait quelques stages, j'ai passé quand même quelques semaines avec des élèves. Mais c'est un truc qui m'a toujours beaucoup plus traumatisé que fait envie. Ce n'est vraiment pas quelque chose qui était fait pour moi. Je l'ai fait un peu par défaut… Donc, non, disons plutôt que depuis que j'ai commencé à écrire des poèmes, c'était ma manière d'écrire, de dévier le français, de trouver les failles et d'en tirer quelque chose de drôle et de poétique…

Le thème de "Horizon grillé" a déjà été abordé par Bénabar dans "Le zoo de Vincennes".

C’est vrai ?

Est-ce qu'il t'arrive de te dire, "ouah, j'ai écrit une chanson géniale !" pour t'apercevoir qu'elle a déjà été faite par quelqu'un d'autre auparavant ? Ce qui n'est pas un reproche, car autant le thème est le même, autant la chanson n'a rien à voir… Il parle d'un éléphant déprimé qui aurait besoin d'un Lexomil gros comme un pain de campagne. Il parle du malheur des pauvres animaux dans le zoo de Vincennes, avec des cuivres qui imitent le bruit des animaux.

Non, là, c'est un vrai morceau. C'est un des morceaux du disque auquel je suis le plus attaché, d'ailleurs c'est un des derniers que j'ai écrits. C'est une mélodie que je prenais très à cœur et que je trouvais belle et très triste. J'avais envie de faire une chanson désespérée et drôle à la fois. C'est une chanson importante pour moi. Je trouve qu'elle exprime bien ce que tu peux voir au fond des yeux d'un singe quand tu vas au zoo, une espèce de regard vide et emprunté qui te montre qu'il n'est pas vraiment à sa place mais qu'en même temps, il fait avec…

[ Horizon grillé ]

Il y a deux chansons sur cet album que je ne comprends pas bien. "Là où" et "Petite nature". Peux-tu m'en parler ?

C'est marrant, ce sont les deux chansons piano/voix, enfin les plus calmes. "Là où", ça reprend le thème abordé tout à l'heure sur la manière positive de voir la vie et de faire ce qui te fait plaisir et de regarder, de contempler ce qui est beau, de ne pas s'attarder sur les choses vilaines ou méchantes. "Va là où l'âme prend l'air", ça veut dire que pour être heureux dans la vie, ton âme ou ta conscience a besoin d'être entourée de belles choses. Je pense qu'il y a deux manières d'aborder la vie : si tu décides que la vie est moche, de toute façon tout ce qui va t'arriver sera moche parce que c'est ce que tu regarderas et tu attires ce que tu regardes et ce en quoi tu crois. Voilà, c'est une chanson pour rappeler un peu aux gens d'aller faire un tour au bord d'une rivière et de juste respirer l'air de la forêt ou de la montagne et de profiter de la vie.

Et "Petite nature" ?

"Petite nature" c'est un texte que Raphaël a écrit, notamment les couplets, j'ai écrit le refrain. C'est très baudelairien, un peu spleen baudelairien. Raphaël adore ces textes de personnes totalement isolées face à la nature. C'est un peu le contraire de "Là où", cette espèce de tristesse infinie de se faire agresser par la nature ou par les éléments environnants. C'est vraiment une personne qui est triste, qui déprime. Ça parle un peu de dépression ou d'attitudes complètement déboussolées par rapport à la vie. Voilà, c'est des périodes comme ça que notamment Raphaël vit des fois, c'est souvent des personnes extrêmement sensibles. Raphaël c'est quelqu'un de complètement farfelu, clown sur scène mais c'est aussi parce que derrière il y a des immenses moments de doutes et des failles existentielles…

Il vit pleinement toutes ses émotions…

Voilà, exactement, ça parle vraiment de ça et j'ai bien aimé finir l'album là-dessus parce qu'au final ce qui résout ou ce qui enlève cette angoisse latente c'est l'amour. Quand tu t'assois tout près de moi et que tout d'un coup tout est résolu, tout d'un coup tu te sens vivre et tu as une raison de vivre. Voilà j'avais envie de finir sur une note un peu pacifiste. Je crois en l'amour et au fait que c'est le seul truc qui fera avancer le monde vraiment.

À propos de chansons mystérieuses, tu avais eu la gentillesse de me donner la clé de "1986" alors que c'est une chanson très intime. D'ailleurs est-ce que tu sais que la plupart des gens qui ne connaissent pas la signification de cette chanson pensent qu'elle parle d'un drame familial plutôt que l'évocation de ton enfance ?

C'est vrai ?

C'est vrai que quand on ne connaît pas, en parler au passé, on pourrait se dire qu'ils sont tous morts…

Quelle horreur…

Jérémie Kisling seul au monde, orphelin, sa famille disparue dans un accident de voiture…

C'est vrai, il y a des gens qui t'ont dit ça ?

Oui, ça revient systématiquement.

Non, ça parle de ce sentiment un peu décalé que j'avais de cette petite bulle dans laquelle je vivais dans mon enfance. Je regardais mes sœurs avec beaucoup d'admiration, d'amour et d'affection mais en même temps, je n'arrivais jamais totalement à coller à cette humeur ou à cette folie qu'elles avaient. J'étais plutôt tout le temps en retrait. Voilà ça parle de ça, de l'affection immense que j'ai pour elles et que je n'ai jamais tellement su leur montrer quand j'étais petit.

Sur scène, Raphaël Noir, Monsieur Bidouille, finit ce titre avec un mégaphone, est-ce qu'il y a un symbole caché derrière un final aussi tonitruant et d'ailleurs que dit Raphaël à ce moment-là ?

Raphaël, il a vraiment été jusqu'au bout du truc et il dit un texte en anglais où il s'adresse à sa mère, et il lui dit, il lui hurle dessus : "Pourquoi tu ne m'as pas aimé, pourquoi tu ne m'as pas donné ton amour ?" mais avec des mots très très durs. Et c'était tout d'un coup. Voilà ce que l'on ressentait tous les deux de notre expérience commune et maternelle. Et tout d'un coup c'est une faille qui s'ouvre au milieu de la chanson, un hurlement que tu laisses vraiment sortir, au lieu de rester mélancolique, tu laisses sortir ta colère, c'est ça…

[ 1986 ]

Le premier extrait de l'album est "J'suis plus jaloux (j'm'en fous)" que tu chantes depuis plus d'un an sur scène. Pourquoi ce choix pour le premier single ?

Pour plusieurs raisons : déjà parce que c'était la fin de l'été et que cela commence par les mots [il chante] "Cet été au bord de la plage…". Donc c'est comme une sorte de résumé de ce que l'on a vécu. Oui, il a un côté très très estival, chaleureux, un peu ce côté bossa en plus sur le début, très Kings, un peu. C'est le morceau qui collait vraiment le mieux à cette période. Oui, je pense que c'est un morceau assez fort qui a tout de suite marché avec tout le monde dès le début. C'est le morceau dont je suis le plus fier musicalement. Je pense que c'est le morceau le plus abouti. Et pour moi, c'est une manière de dire " je suis fier de mon album, écoutez où il en est". Enfin, moi j'ai ce côté très enfantin. Cet album, pour moi, c'est comme un beau, un beau cadeau que j'ai reçu à Noël et j'ai envie de le montrer à tous mes copains.

Quel sera le deuxième extrait de l'album, à ton avis ?

"Je guide tes pas"…

J’en étais sûr ! [rires]

J'espère que cela sera celui-là parce que c'est aussi un morceau qui me tient à cœur et qui est très direct…

Pour la grande campagne de publicité de la fédération suisse romande des chiens-guides d’aveugles….

Je ne te promets rien, mais on verra.

Dans ton spectacle précédent, tu reprenais "Si j'étais un homme" de Diane Tell et "Un autre monde" de Téléphone. Vas-tu continuer les reprises inattendues et si oui, à quoi aurons-nous droit sur scène dans les mois qui viennent ?

Oh vous aurez droit, je pense, à un morceau d'Abba. Je ne dis pas encore lequel pour laisser encore un peu de surprise.

Abba ?

Oui, mais Abba, c'est un de mes groupes favoris et là, je sais déjà… On va essayer bientôt de faire ce truc plus, ou moins. Donc, je vous laisse deviner laquelle.

Je te propose qu'on se quitte avec la chanson préférée de mon fils. Comme tu as pu le voir tout à l'heure, c'est ton plus grand fan. Donc, merci Jérémie pour ce nouvel entretien et à très bientôt sur scène.

Merci, c'était hyper cool. Merci beaucoup.

[ Teddy Bear ]

Raphaël a testé pour vous les bras de Jérémie... ... et vous recommande son album "Le Ours".

[ Extraits ]

Quelques questions à propos de cet entretien
Que pensez-vous de cet entretien avec Jérémie Kisling ?
Je connaissais JK, et j'ai adoré cet entretien.
Je connaissais JK, et j'ai aimé cet entretien.
Je connaissais JK, et je n'ai pas aimé cet entretien.
Je connaissais JK, et j'ai détesté cet entretien.
Je ne connaissais pas JK, et j'ai adoré cet entretien.
Je ne connaissais pas JK, et j'ai aimé cet entretien.
Je ne connaissais pas JK, et je n'ai pas aimé cet entretien.
Je ne connaissais pas JK, et j'ai détesté cet entretien.
Avez-vous écouté les extraits des chansons ?
Oui, et j'ai adoré.
Oui, et j'ai aimé.
Oui, et je n'ai pas aimé.
Oui, et j'ai détesté.
Non.
Pensez-vous acheter l'album de Jérémie Kisling ?
Je l'ai déjà !
J'hésitais à l'acheter, mais cet entretien m'a convaincu de le faire.
J'hésitais à l'acheter, mais cet entretien m'a convaincu de ne pas le faire.
J'hésitais à l'acheter, mais les extraits m'ont convaincu de le faire.
J'hésitais à l'acheter, mais les extraits m'ont convaincu de ne pas le faire.
Je ne connaissais pas Jérémie Kisling, cet entretien m'a convaincu de l'acheter.
Je ne connaissais pas Jérémie Kisling, cet entretien m'a convaincu de ne pas l'acheter.
Je ne connaissais pas Jérémie Kisling, les extraits m'ont convaincu de l'acheter.
Je ne connaissais pas Jérémie Kisling, les extraits m'ont convaincu de ne pas l'acheter.

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