[ Carnet de route 1981 à 1989 ]Retranscription |
Jean-Jacques chante en public :
Enchaînement sur Encore un matin chanté en public.
[Jean-Jacques, dans une voiture] "Quand j'ai vu ce qui se passait, comment ça démarrait avec les histoires de hits-parades, d'autographes, d'interviews etc... toute cette espèce de foire, je me suis posé la question s'il ne fallait pas arrêter. Bon... si ça valait le coup de continuer. Et puis je me suis dit, est-ce que j'étais prêt à soixante ans, par exemple, à sortir des vieilles coupures de journaux devant mes enfants, devant des amis en disant: "Vous savez, si j'avais voulu... peut-être que je serais devenu etc..." Et ensuite, je me suis dit, de quel droit moi, je me pose des questions sur une situation à laquelle tout le monde rêve, et tout le monde considère que c'est une grande chance, alors j'ai foncé..."
(avec Michael Jones)
[Jean-Jacques, dans sa loge] "Je ne me suis jamais vraiment posé des questions sur ce que je faisais, sur la nature de ce que je faisais. Bon ensuite, il y a des gens autour... j'ai entendu dire que... par exemple une chanson comme... [il chante Sister Jane en s'accompagnant à la guitare] etc... ça c'est une chanson de rock n'roll, et que par exemple [il chante "Quand la musique est bonne"] ça c'est une chanson de variété... M'ouais c'est possible, moi je ne suis pas vraiment un specialiste !
[Jean-Jacques dans une loge. Il enfile une cravate devant un miroir]
"Quand mon premier album est sorti, il y a des gens qui m'ont dit : Ouais c'est bien ce que vous faites, mais qu'est-ce que vous allez avoir comme look ? Je les ai regardés un peu atterré. Un look ?
Oui, regardez les chanteurs actuellement et les gens comme Couture, comme Lavilliers, ce sont des gens qui ont un look.
Alors là c'était vraiment... le ciel m'est tombé sur la tête ! Puis bon, la date est arrivée de la première télé, alors je savais pas quoi faire. Alors bon... je me suis lavé les cheveux pour faire plus propre. Je me suis mis une chemise propre, une cravate parce que quand même la télé... Et puis j'ai appris après avec stupéfaction que j'avais un look !
Clip : Il suffira d'un signe.
Clip : Envole-moi.
Clip : Les restos du coeur.
Dans sa loge, il chante avec sa guitare "Pas l'indifférence" avant de monter sur scène.
Je suis sûr que dans la salle, il y a des tas de gens vraiment... avec lesquels j'adorerais passer une heure ou deux. Avec lesquels j'adorerais discuter ou rire... Il n'y a pas tellement de temps pour ce types de rapports. Ça, c'est probablement une des choses que je regrette vraiment le plus.
Jean-Jacques chante Confidentiel avec la foule.
Si tu ne prends pas garde, tu deviens fou quoi... parce que, par exemple, il y a la presse et les radios qui viennent tous les jours, et tous les jours pendant une heure, une heure et demie, tu parles de toi. C'est épouvantable!! [Il rit] A la fin, tu as l'impression qu'il n'y a plus rien d'autre qui existe quoi. Ça je crois que c'est un danger, parce qu'à la limite on peut y prendre plaisir et puis trouver que c'est un sujet vraiment passionnant, tu vois !
Jean-Jacques est dehors avec ses musiciens. Ils répètent.
"O.K., le but du jeu, c'est de chanter fort ! C'est-à-dire même si vous vous trompez dans les paroles, ça c'est pas grave du tout. Si vous hésitez sur les textes, vous faites : "Tadadadadada", mais fort !"
Ils répètent Plus fort. Les musiciens font les clowns.
En public : Plus fort.
[Un journaliste, assez maladroit] : "Les thèmes de tes chansons, est-ce que tu les puises dans des conversations, des situations personnelles de la vie quotidienne ?
Jean-Jacques Goldman : "Oui".
[Silence, rire du journaliste]
Jean-Jacques Goldman : "...Ouais, qu'est-ce que tu veux que je te dise ? ! ?"
[Voix off de Jean-Jacques sur les images de l'interview ratée]
"Bon, j'essaie d'être chanteur et de composer des chansons, mais a priori... je ne suis pas parleur quoi. Et puis la presse, c'est essayer d'expliquer ce que tu fais quoi... C'est toujours mettre une distance par rapport à l'acte qui est soit de composer, soit d'enregistrer, tout ça... Et moi, ça me passionne tellement plus de faire les choses que d'en parler... tu vois... Il y a tellement de gens qui parlent de choses qu'ils ne font pas. Moi je préfère vraiment cent fois faire des choses et puis que les autres en parlent, parce que c'est fait pour eux".
En public : Sans un mot.
"Oh, charmant ! Charmant ! A part qu'il ne travaillait pas suffisamment. D'abord, il était très bien élevé, toujours aimable, toujours poli mais... il ne me satisfaisait pas beaucoup parce qu'il ne travaillait pas assez. Alors un enfant doué qui ne veut pas travailler... alors j'ai envie de... de l'étrangler tout de suite".
L'après-midi : Jean-Jacques, les musiciens et les techniciens font des réglages techniques pour le concert du soir.
En public : Comme toi.
Dans une église, devant la croix.
éJe faisais de la musique. Je devais avoir quatorze ou quinze ans. Et puis j'ai rencontré des copains qui jouaient du gospel et du vieux blues, et qui m'ont entraîné là-dedans. Là, j'ai laissé tomber le violon pour la guitare et j'ai commencé à jouer du gospel dans cette église. Voilà".
[Voix off] : Et ça ne te gênait pas trop ? A la messe, tu ne te sentais pas un peu seul, Goldman ?
"Ben c'est-à-dire heu... De temps en temps je me sentais un petit peu seul effectivement, mais j'étais pas le seul Juif là-dedans ; il y en avait au moins un autre". [Il pointe vers la croix en souriant]
"Le studio, c'est vraiment l'isolement... des endroits clos... c'est la précision... le travail solitaire et tout ça, et la tournée c'est le contraire. C'est la route... c'est les hôtels... c'est la musique du moment... c'est le travail en équipe et tout ça... et chaque phase se nourrit un peu de l'autre".
Américain, avec Carole Fredericks.
Je te donne, avec Michael Jones.
"Michael, je le connais depuis pas mal de temps... J'ai l'impression que... bon, il a beaucoup de défauts parfois énervants, mais j'ai l'impression qu'on restera toujours amis parce qu'il a des qualités de bases qui font que il ne trahira jamais, quoi. En plus, il joue bien de la guitare, et puis il a une voix !"
Michael et Jean-Jacques chantent ensemble "Rain" dans l'église de Montrouge.
Jean-Jacques s'entraîne avec sa raquette à lancer une balle de tennis contre un mur.
"Il y a une chose que je ne recherche pas, c'est ni la respectabilité, ni la légitimité. C'est pas des choses qui m'excitent vraiment. Pour moi, le grand privilège que m'a apporté le fait que ça marche, c'est de rencontrer des super-musiciens qui étaient des rêves pour moi : Guy Delacroix, John Helliwell, ou Nono".
Jean-Jacques, Nono, Michael, chantent Minoritaire.
Jean-Jacques et Prof Pinpin jouent au flipper.
"Finalement, je me demande si la musique rock, qui était beaucoup plus qu'une musique au début, un ralliement contre le monde des adultes et contre un certain establishment... je me demande si ce n'est pas devenu le nouvel establishment avec ses mythes, ses lieux communs, ses préjugés. Et puis on peut se poser des questions sur la prétendue subversivité du rock. C'est quand même la génération de Dylan qui a amené Reagan, la génération des Beatles qui a amené Thatcher. Et puis je me demande si la finalité de tout ça, c'est pas les Beatles décorés par la Reine, et puis Elvis à Las Vegas".
Prof Pinpin : Et Tchaikovski avec Breshnev alors ?
[Jean-Jacques devant un miroir] : "Je doute que mes chansons passent à la postérité. D'ailleurs ce n'est ni mon ambition, ni ma préocupation, mais par contre, je suis sûr qu'elles existent aujourd'hui dans la vie des gens, et ça c'est formidable. Et puis quoi qu'il arrive, pendant trois ans, j'aurais été un chanteur à la mode". [Il donne un coup de poing au miroir et le fait trembler]
[Dans le métro] "Le premier album en 81, je voulais l'appeler "Démodé" tout simplement parce qu'il l'était. Je trouve que le son était très décalé par rapport à ce qui se passait à ce moment là. Le second "Minoritaire" parce que c'était un thème qui revenait souvent dans cet album. Le troisième "Positif" parce qu'il était un peu plus gai que le précédent. Et puis le quatrième "Non homologué". Bon ben finalement, je trouve que c'est quatre titres qui me vont assez bien".
"Je suis avec des musiciens qui sont... qui ont ramé et qui trouvent qu'il est exeptionnel de jouer devant 7 000 personnes qui ont envie de nous entendre. Bon, ça c'est le premier jour. Le deuxième jour aussi. Le troisième jour aussi. Et ça fait peut-être... je ne sais pas, avec la dernière tournée, peut-être 200 ou 300 concerts qu'on fait ensemble. En tout on va jouer... oui ça fait 200 ou 300 fois, mais je ne crois pas qu'il y ait eu une journée où on ne se soit pas dit : "Les gars là... voilà... hier c'était Limoges, aujourd'hui c'est Montpellier, demain c'est Avignon, mais ce soir on va vivre quelque chose d'exeptionnel, même si c'est tous les jours. Parce que de jouer devant 3 000, ou 2 000, ou 5 000, ou 10 000 personnes, c'est quelque chose d'exceptionnel".
En public : Famille.
Retranscription de Jean-Michel Fontaine