[ Tours et détours]Retranscription |
[La cassette commence dans le bus qui transporte toute l'équipe d'une ville à l'autre, avec, en fond musical, l'introduction de "Serre-moi". Pendant que les techniciens échangent quelques passes, on entend Jean-Jacques Goldman chanter "Serre-moi". Jean-Jacques, Michael Jones et les musiciens arrivent dans un stade. Carole Fredericks se maquille]
Chanson : "Serre-moi".
Sorj Chalandon : "On dit seulement Fredericks, Goldman, Jones, mais il y a aussi les autres, sur scène, hors de la scène, dans la lumière, ou dans l'obscurité. Alors première question : la fidélité ?"
Jean-Jacques Goldman sur un lit, dans sa chambre d'hôtel : "Je ne suis pas un type tres fidèle... Je pense qu'il n'y a pas une tournée que j'ai faite avec exactement les mêmes gens. Il y en a toujours qui changent... un ou deux. Soit parce que eux s'en vont, soit parce que moi je m'en sépare. Mais là, cette équipe là, ce sont des gens auxquels je suis vraiment très, très attaché".
Chanson : "Envole-moi"
[Jean-Jacques Goldman sort de sa chambre d'hôtel. On le voit sur sa moto. Quatre autres motards, dont Michael Jones et Claude Le Péron, l'accompagnent. Ils arrivent dans le stade avec leurs motos]
[Sorj Chalandon, en voix off] "A cause des arènes, c'est Nîmes, mais ce pourrait être Bruxelles, Lyon ou partout ailleurs. Des hommes, comme des marins qui hissent la voilure, mettent en place le décor qui fera oublier la ville. [On voit Jean-Jacques, torse nu, Michael et les musiciens, qui échangent quelques passes]. D'autres jouent au ballon, à attendre, à n'importe quoi, à quelque chose qui fera oublier le concert. Quelques heures avant l'heure, et c'est comme ça chaque jour".
Yannick Wild - Directeur de Production : "Au début, c'est très, très excitant. Puis arrive une phase où on ne pense plus qu'à ça. Et ça devient un peu pesant. Tu vois, la nuit je me réveille. Je pense au montage. Je pense au démontage. Est-ce que j'ai pas oublié quelque chose ? L'univers se réduit complètement au travail. Je rêve Goldman. Je pense Goldman. C'est dur parfois ! C'est dur un peu". [il sourit]
Chanson : "Des vôtres" [On voit des dizaines de visages se superposer en fond]
[Sorj Chalandon, en voix off] "Chaque jour aussi, des kilomètres et des kilomètres, du temps passé".
[Jean-Jacques Goldman écrit à l'arrière d'une voiture que conduit Michael Jones. Ce dernier chante l'hymne du Pays de Galles]
Jean-Jacques Goldman : "Et quand tu chantes ça... tu ressens ?"
Michael Jones, né à Welshpool, Pays de Galles : "Ça me donne un frisson. Je pense a Hayde Park avant le match. Ça me donne... des fois commme ça..."
[Jean-Jacques se penche vers Michael pour lui parler. Sa voix est couverte par le klaxon d'une voiture. Puis Jean-Jacques met ses lunettes noires et essaie de dormir]
[Sorj Chalandon, en voix off] "Et puis une autre ville. Il faut remonter la scène. Après quelques heures de sommeil, juste le temps du voyage, le réveil des bâtisseurs".
[Un homme réveille les ouvriers bâtisseurs couchés dans un bus] : "On se lève, messieurs ! Vous allez voir, c'est un endroit sympathique. Il fait beau, ça va être formidable".
[Le cadreur est placé tout en haut d'une arène. Sorj, en voix off : "Encore un matin, un matin plus loin"] Sorj demande à un bâtisseur] : "Ça pose des problèmes de monter une scène dans un lieu comme ça ?"
"Heu ouais... mais en même temps, y'avait pas de rock n'roll dans l'antiquité".
Chanson : "Que disent les chansons du monde ?"
[Jean-Jacques s'accompagne d'une guitare et répète cette chanson avec ses musiciens. La chanson reprend en public. Gros plan sur les fans qui attendent dehors]
[Sorj Chalandon, en voix off] "La plupart sont venus le temps d'une soirée pour le plaisir des notes partagées. Mais d'autres sont arrivés bien avant, et repartiront bien après. La musique ne leur suffit pas".
[Jean-Jacques Goldman signe des autographes. Une fan lui demande si le prochain album sera avant trois ans. Jean-Jacques lui répond "peut-être quatre". Les fans crient "Oh non ! !"]
[Sorj Chalandon, en voix off] "Les fans !"
[Interview d'une fan] "Comme on aide au théâtre antique de Vayzon la Romaine, on a la possibilité d'y accéder librement. Donc, je suis venue là pour voir les techniciens monter les décors et voilà".
"Et ça apporte quoi par rapport au concert normal ?"
"Ben, pour voir comment ça se passe... la vie en tournée. Voir ce que font les techniciens. Voir si les chanteurs et les musiciens sont là. S'ils prennent part au montage. Tout ça. Si on échange un sourire avec le chanteur, ou les musiciens, on a l'impression d'exister pour eux, d'être quelqu'un d'important. Je ne sais pas..."
[Jean-Jacques Goldman sur son lit à l'hôtel et la fan tour à tour]
"Quand on a tant de choses à faire, de passer des journées entières de quatorze ou quinze heures jusqu'à vingt-trois heures à attendre, ou à voir un concert qu'on a déjà vu trente-cinq fois... Je ne comprends pas".
"Oui, il me dit tout le temps que... que c'est pas bien de le suivre, de l'attendre à sa loge... Je sais pas".
"Mes chansons disent le contraire. Oui... elles parlent d'indépendance. Elles parlent de liberté. Elles parlent de... Elles parlent de don aux autres. Non, elles ne parlent pas de fanatisme... heu... enfin de fanatisme... d'attachement comme ça".
"Mais pour moi si je... Je suis bien d'être ici. Je suis bien d'entendre ses chansons. Je suis bien de crier... heu de crier après lui. Je suis bien. Il n'y a que là que je peux crier, que je peux... Je ne crie pas sinon".
[Jean-Jacques Goldman en concert crie, et la foule crie après lui]
"Je ne nie pas que je suis peut-être un peu la pièce centrale du concert. Il y a quand même beaucoup de fois où je suis le guitariste derrière Carole ou derrière Michael, et ça c'est vraiment un groupe".
[Après un concert, Jean-Jacques, Michael, Carole et tous les musiciens dînent ensemble. Ils font le point sur le concert]
Michael : "Ça s'est mis à marcher tout à coup et quand j'étais de l'autre côté. Avant de monter sur scène, elle marchait".
Jean-Jacques : "Et qu'est-ce qui s'est passé sur la bande ?"
Christophe Deschamps : "C'est moi qui ai completement merdé. Avec mon casque et tout... Il est tombé, j'ai voulu le rattraper. Je l'avais pas branché... enfin j'étais ailleurs. J'ai eu une absence. Et puis alors là c'était parti... J'ai entendu, pchitt ! !
Jean-Jacques : "Lui me paraît lent des fois... évidemment".
Jacky Mascarel : "Il y avait un passage très, très bien. Et puis un moment ça a accéléré, et puis après c'est redevenu fantastique à la fin".
Jean-Jacques : "Tu sais, quand les gens sont extrêmement concentrés, qu'ils sont très, très émus. Non à un moment... là il est tout seul au piano. Il nous fait toujours une petite surprise. Un petit... Sniff!!"
Philippe Grandvoinet : "Salaud ! ! Ah il balance hein ! !"
[Tout le monde rit et parle en même temps]
Jean-Jacques : "Et de temps en temps, je suis au ralenti parce qu'il part.. heu à peu près sur le temps de Juste après.
Chanson : "Je commence demain"
[La foule reprend après Jean-Jacques, mais tous les musiciens cessent de jouer. Jean-Jacques et Michael font des petites mines dégoûtées]
Jean-Jacques : "Ouais... Ouais... Mais non. La fatigue ?"
La foule : "NOOON!!!!"
Claude Le Péron : "La chaleur ?"
La foule : "NOOON!!!!"
Michael : "Vous avez raté le bac ?"
La foule : "NOOON!!!!"
Claude Le Péron : "Le stress ?"
La foule : "NOOON!!!!"
Jean-Jacques : "Ben qu'est-ce que c'est alors ?"
Michael : "Ah ! Je crois que j'ai une petite idée ! Moi je les sens un peu timides".
La foule : "NOOON!!!!"
Jean-Jacques : "Timides ! ? On va voir. Fred, éteins la lumière !"
[La foule hurle dans le noir]
Michael : "Ah oui ! C'est ça !"
Jean-Jacques : "Avec les timides, il faut baisser les lumières. Alors Fred, quand je te fais un signe !"
Chanteurs : "J'sais bien, j'sais bien, j'sais bien..."
[Fred baisse la lumière]
La foule hurle : "Je commence demain!!!"
Jean-Jacques : "Et ça marche ! ! Un, deux... Un, deux, trois, quatre..."
[Chaque fois que la lumière baisse, la foule hurle : "Je commence demain!!!"]
Chanson : "Je commence demain"
[Carole, Michael, Jean-Jacques et Claude portent des palmes vertes phosphorescentes aux pieds. Les images alternent entre la scène et des moments de bonne humeur en dehors du concert]
[Jean-Jacques et la troupe sont dans le bus]
[Sorj, en voix off] : "76 concerts, 47 villes".
Jean-Jacques Goldman : "C'est formidable quand ça commence et puis un moment... t'en as marre ! Mais comme t'en as marre de tout... t'en as marre de rester chez toi aussi. Donc heu... Mais il y a un moment avec cette vie là, après quelques mois, t'as envie de te poser. T'as envie de rentrer chez toi. C'est le problème de tous les marins, tous les routiers. Ils sont très contents de rentrer chez eux, et ils sont très contents de repartir".
Carole au téléphone : "Everybody in the audience was saying 'happy birthday' to me. Yes... Yes... I couldn't believe it! They knew it! I don't know how they knew it!"
[Sorj, en voix off] : "Le refuge ici, c'est la cantine. Pour tous et à tout moment. Entre soi, entre amis, entre frères. Les derniers instants d'intimité le temps d'un repas, d'une discussion, le temps d'un verre, le temps d'un match. Retrouver les marques familières".
[Interview de Cathy Trouilhet, responsable du catering] : "Heu... A nos actes manqués et Frères".
Sorj Chalandon : "Pourquoi ?"
"Pourquoi ? A nos actes manqués pour la rythmique et Frères parce que les lumières sont superbes".
Chanson : "Frères"
[Sur l'écran, on voit des jeunes soldats enlever leur casque, leur cagoule, leur keffieh. On met l'accent sur le contraste entre le soldat et le jeune tel qu'il est]
[Sorj, en voix off] : "Souvent, un peu partout, on voit Goldman un journal entre les mains. Parfois même, il lui tombe des mains".
[Jean-Jacques Goldman dans le bus] : "Ce matin, on avait un papier... on a joué à Saint-Etienne là... et il y avait un papier... très bien... et quand tu lis le papier et que tu t'y connais un peu, tu te rends compte que le mec est parti au bout de la deuxième chanson. Parce qu'il ne parle absolument de rien sur le plan de la mise en scène. Que du décor et de mon apparition, et de la barrière qui tombe. Il ne parle pas du film du Zaïre. Il ne parle pas du masque. Et il ne parle pas des Russes ! C'est des mecs qui viennent, ils restent pendant deux, trois chansons, et puis après, ils me mettent des banalités genre : 'Tous les gens connaissent les chansons'... tout ça... et puis heu... 'C'est un rendez-vous du coeur' ou des trucs comme ça, mais tu te rends compte à travers... Bon, parce que c'est impossible de voir ce spectacle sans parler qu'à la fin, il y a trente Russes qui chantent quoi ! [Il rit] Visiblement, le mec il est venu dix minutes, un quart d'heure, et puis après il avait autre chose à faire quoi. Bon c'est un exemple. C'est aujourd'hui, c'est l'exemple d'aujourd'hui. Mais la presse est tellement dévaluée, tu vois, par toutes ces choses là. Il y en a qui font très, très bien leur travail mais... on est habitué à ne pas les lire quoi".
[Intro de "A nos actes manqués" avec Michael à la guitare]
Un musicien : Il y a vraiment un truc qui m'énerve chez lui, il est toujours en train de lire le journal".
[Il met le feu au journal que Jean-Jacques Goldman lit. Jean-Jacques laisse tomber le journal et l'éteint en frappant dessus avec ses pieds et en s'écrian : "Il est fou ce mec !"]
Chanson : "A nos actes manqués"
[Jean-Jacques Goldman dans sa chambre d'hôtel trouve des poils sur le lit et dit sarcastiquement] : "Il y a déjà les poils, tu vois. Il y a des hôtels où ils livrent avec poils, tu vois. Vous allez avoir à couper là !"
Chanson : "Un, deux, trois"
[Sorj, en voix off] : "Est-ce que ce spectacle là, tel qu'il est, tu aurais pu le faire il y a cinq ans ? Est-ce que tu pouvais le faire...?"
Jean-Jacques Goldman : "Il bénéficie évidemment beaucoup des spectacles passés parce qu'il est sûr que depuis dix ans qu'on fait des spectacles... le fait d'avoir travaillé avec différentes personnes... tout le boulot que j'ai pu faire avec Bernard et tout ça... on a progressé. Il y a des choses qu'on savait pas faire. Et puis il y a des spectacles que j'ai vu. Il y a des erreurs qu'on a faites. Donc il est certainement plus abouti tout simplement parce qu'on est plus vieux, et puis qu'on est de meilleurs techniciens de spectacle. C'est aussi bête que ça, tu vois. Mais autant les chansons sont une photographie des trois années que j'ai pu vivre, autant un spectacle n'est que la mise en scène, peut-être plus habile, de ces chansons là".
[Court extrait de "Des vies". Des visages se succèdent l'un à l'autre sur un masque géant]
Fred Peveri, concepteur lumière : "Jean-Jacques n'a pas été le seul metteur en scène. Ça a été une osmose, un effort de plusieurs personnes : Des gens qui ont fait le décor... des gens qui l'entourent... des proches de lui, de Jean-Jacques, de moi. Tout le monde a collaboré à la mise en scène... a parlé. On a tous discuté. On a amené tous des éléments pour créer ce spectacle".
[Video du reportage sur l'enfant du Zaïre]
Sorj Chalandon : "Ce reportage avait tellement impressionné Goldman qu'il en a fait une chanson. Alors brutalement, au milieu du concert, il montre cette infirmière en train de réanimer l'enfant en espérant que la salle fasse silence".
Jean-Jacques Goldman : "Alors c'était peut-être inconscient d'avoir pensé ça, mais moi j'ai eu aucun doute là-dessus. Mais maintenant, a posteriori, je pense que ces gens là viennent me voir moi. Ils viennent me voir parce qu'ils sont... ils sont en phase avec mes émotions. Sinon, ils iraient voir un autre. Il se trouve que moi, j'ai vu ce documentaire, et j'ai été bouleversé. Eux qui sont venus me voir ne peuvent pas ne pas être bouleversés par... par ces images là. Bon, c'est peut-être ridicule de le penser, mais il se trouve que j'avais raison. Quand on me disait : "Mais non, passes-en dix secondes, vingt secondes". Je disais non. Deux minutes quarante-cinq... moi je les ai vues. Il faut ce temps là pour qu'on comprenne d'où il vient ce môme. Quel a été l'enjeu pour cette femme et pour cette infirmière. Et bon... ils sont en phase à ces émotions là".
[Le public applaudit quand le bébé ouvre les yeux et respire enfin. Court extrait de "Juste après"]
Jean-Jacques Goldman dans sa chambre d'hôtel ; il lit son carnet Clairefontaine : "Il y a de la trahison dans "Je t'aime." Il y a du contrat dans ces mots là".
Sorj Chalandon : "Ça veut dire quoi ?"
Jean-Jacques Goldman : "Ça veut dire que je trouve que quand on dit "Je t'aime"... parce que je me suis posé la question pourquoi j'ai jamais écrit une chanson où on dit "Je t'aime"... et je trouve que "Je t'aime" est un mensonge par essence. Parce que dans ces mots là il y a, que tu le veuilles ou pas, une connotation de temps. Tu vois, tu dis "Je t'aime", un peu implicitement ça veut dire que "Je t'aimerai toujours." Tu vois ? Et voilà, je me suis posé la question, pourquoi je ne le disais jamais".
[Court extrait de "C'est pas d'l'amour"]
Jean-Jacques Goldman : "'Je t'aime' est un mot... dès que tu rajoutes quelque chose, ça le diminue. Par exemple "Je t'aime beaucoup." "Je t'aime beaucoup" c'est rien ! ! Tu comprends ? "Je t'aime bien" c'est pire ! !"
[Autre court extrait de "C'est pas d'l'amour"]
Jean-Jacques Goldman : "Pour les femmes c'est très clair ! Parce qu'elles disent : "Il m'a dit 'Je t'aime'... Tu m'aimes ou tu m'aimes pas ?" Je t'aime. Ah bon ! ! [Il claque des doigts] Donc... ça y est... c'est fait ! Bon maintenant qu'est-ce qu'on fait ?"
[Encore un extrait de "C'est pas d'l'amour"]
Jean-Jacques Goldman : "Voilà le truc. Tu peux dire "Je t'aime." "Je t'aime"... là!! [Il rit et se claque la jambe] Ouh alors là ! ! Ouh ! ! Et puis peut-être un quart d'heure après, elle te dit : "Tu m'aimes?" Tu la regardes et tu dis : 'Quoi ?'"
[Dernier court extrait de "C'est pas d'l'amour"]
Sorj Chalandon : "Chaque salle est particulière. Alors chaque jour, bien avant le spectacle, il faut retrouver ses marques. Musiciens, techniciens, les sons restent à apprivoiser. dernier brouillon avant la scène".
[Ils répètent "On n'a pas changé". Jean-Jacques a changé les paroles et s'auto-parodie]
Claude Le Péron, met ses doigts en forme de rond devant ses yeux et demande à Michael : "Tu sais qui c'est ça ?"
Michael : "Non".
Claude enlève ses doigts et crie : "Ben c'est moi!!!"
Michael éclate de rire.
[Court extrait de "On n'a pas changé"]
Erick Benzi : "Quand on est sur scène, tu sais, c'est un des rares endroits qui reste où les gens sont vraiment disponibles pour n'écouter que de la musique. Quand on écoute un disque, on peut écouter tout en faisant la vaisselle. Mais là on est en contact direct... Bon on se met à nu aussi. Les gens sont là pour ça, donc il faut se donner à fond quoi".
[Autre court extrait de "On n'a pas changé"]
[Dans le bus avec Jean-Jacques et Christophe Deschamps]
Sorj Chalandon : "Est-ce que tu as un moyen scénique pour lui dire : "Christophe, tu te calmes" ou "Christophe, accélère" ?"
Jean-Jacques Goldman : "Ouais, on a des gestes".
Sorj Chalandon : "C'est quoi vos gestes ?"
Jean-Jacques Goldman : "Ben c'est des gestes très simples. Je le regarde..."
Christophe Deschamps : "Non en general tu ne me regardes pas, parce que t'es devant et t'as une main derrière qui fait [Il fait le geste de freiner avec sa main derrière le dos. Ils éclatent tous de rire] Ho Bijou!! Hoooo!!! Comme ça il essaie de me faire voir. Si par chance je le regarde à ce moment là, je le vois. Mais en général, le chanteur on le surveille toujours d'un oeil pour savoir si... si tout va bien quoi".
Jean-Jacques Goldman : "Et de l'autre oeil vous faites quoi ?"
[Eclats de rire]
[Extrait de "On n'a pas changé"]
Interview d'un chanteur russe dans un bus (avec l'accent !) : "J'aime beaucoup le rock and roll et tous les styles qui est avec rock and roll : c'est hard rock, c'est jazz rock, c'est heavy rock and roll. Et c'est hard rock, c'est le style qui est... Jean-Jacques. C'est hard rock oui".
[Extrait de "On n'a pas changé"]
[Dans leur bus, les chanteurs russes répètent l'introduction de "Rouge"]
[Extrait de "Comme toi" où Jean-Jacques Goldman joue du violon, en uniforme]
[Retour aux chants russes dans le bus, en fond musical. On les voit faire leurs courses à Carrefour Echirolles, à 200 m de chez moi. C'est émouvant, je trouve, de voir l'ancienne armée la plus puissante du monde hésiter entre une scarolle et un paquet de "vache qui rit"...]
[Maintenant, c'est Jean-Jacques Goldman qui chante "Fermer les yeux" dans son bus tout en grattant sa guitare, branchée sur son seul casque]
Erick Benzi : "Sur scène, des fois, on se retrouve au plus simple parce que c'est pas la peine de mettre des petits bidules que les gens n'attendront pas. Donc, on va vraiment à l'essentiel. Je crois que c'est important de bien analyser ça pour pouvoir en studio ne pas perdre cette énergie là. Ce qui se dégage le plus de la scène, c'est l'énergie. Il faut arriver à la recréer dans le studio... sur un CD quoi. Et c'est pour ça que c'est vachement important de faire de la scène aussi quoi".
Sorj Chalandon : "Est-ce que la scène est un travail comme un autre ? C'est-à-dire, est-ce qu'il arrive qu'on pense à autre chose pendant le concert ?"
Jean-Jacques Goldman : "Ouais... Ouais je crois que c'est peut-être à force de les faire. Il y a des fois où tu es là, et puis tout à coup heu... tu vois une lumière... tu vois quelqu'un dans la lumière et ça te fait penser à quelqu'un. Et tout à coup la chanson est terminée et tu te rends compte que tu n'y a pas pensé du tout, quoi. Il y a même des fois où j'écris des lettres. Ça m'est arrivé. Il faut que je réponde à untel et je suis en train d'écrire la lettre. Et la chanson se déroule, et je ne sais plus du tout où on est. Bon... mais ça n'arrive pas pendant tout un concert. Ça peut arriver pendant une chanson".
[Patchwork d'images : Les Russes chantent pour les musiciens ; les musiciens jouent au scrabble ; Goldman marche seul la nuit dans la rue ; Carole se maquille. Chanson : "Nuit"]
[Chanson: "Il suffira d'un signe" chantée avec les Russes]
Carole Fredericks : "Pour moi c'est vraiment une expérience... C'est vrai, quand tu parles d'une fille qui vient de Springfield, Massachusetts ! Un petit bled de rien du tout... et là je suis sur scène avec le choeur de l'ex-Armée Rouge. C'est staggering ! C'est staggering !" [NDJM : staggering = renversant]
Sorj Chaladon : "Son dernier album a donné la couleur du spectacle : rouge. Mais quel rouge ?"
Fred Peveri : "Il est vrai que tu as de différents rouges. Ils ne portent pas de noms, ils portent des numéros en fonction de ce qu'on appelle des nuanciers, donc des fabriquants. Il peut y avoir... il y a une bonne dizaine facilement de rouges difféerents".
Fan déjà interviewée auparavant : "Le rouge donc, c'est la couleur de l'espoir. Et c'est une couleur politique".
Sorj Chalandon : "Laquelle ? C'est quoi ?"
Fan : "C'est la gauche très prononcée".
Jean-Jacques Goldman sur son lit à l'hôtel : "Le malentendu ce serait de croire que l'album "Rouge" n'est qu'un album à connotation politique rouge. Alors que le rouge, dans cet album en particulier, a une raisonnance plus large quoi, et que cette couleur là a d'autres significations. Mais il n'y a pas de malentendu dans le sens où le rouge a cette signification aussi. Il ne s'agit de prosélytisme mais en tout cas d'un hommage à ces militants et à ces idéalistes. Et puis j'ai une vraie tendresse pour eux dans le sens où... Essentiellement parce que j'ai été élevé dans ce milieu là, et que ma famille était une famille militante propre.
[Chanson: "Rouge"]
[Extrait de "Puisque tu pars"]
Sorj Chalandon : "Juste avant que la lumière ne revienne, Goldman disparaît, enfui comme les derniers accords".
Jean-Jacques Goldman sur son lit à l'hôtel : "J'ai vraiment pas envie de parler à qui que ce soit. Et dans les backstages... enfin les arrière-scènes des concerts, il y a toujours beaucoup de gens qui sont là, soit pour te féliciter, soit pour te demander un autographe, soit... Et moi j'ai pas envie de causer à ce moment là. C'est un peu comme si tu vas au cinéma avec quelqu'un qui n'est pas sur la même longueur d'onde que toi, où t'es absolument bouleversé par un film et tu sors. T'es encore dans le film... encore dans l'émotion et puis la personne te donne un coup de coude en te disant : "Où est-ce qu'on va manger ?" Voilà... il y a un décalage. Alors j'ai pas envie qu'on me demande où on va manger après".
[Jean-Jacques Goldman joue du piano sur scène en chantant doucement "Serre-moi", entouré des choeurs de l'ex-Armée Rouge et des musiciens. La foule chante avec eux dans le noir avec des briquets allumés. Les musiciens, hors scène, s'avancent dans la lumière pour se présenter (uniquement pour la cassette)].
Jean-Jacques s'en va sur sa moto.
Retranscription d'Yvonne Williams,
relecture et ajouts de Jean-Michel Fontaine